Portrait de Mlle de Chartres
Par Raze • 3 Décembre 2018 • 2 025 Mots (9 Pages) • 940 Vues
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● Une pédagogie novatrice : enseignement basé sur la franchise et le dialogue (les côtés sombres de l’amour ne sont pas cachés : pas de censure). La stratégie de la mère n’est pas autoritaire mais argumentative. Préférant persuader (l.15) sa fille plutôt que lui imposer une conduite, elle recourt à des histoires (« des peintures de l’amour » l.14, « elle lui contait » l.16, « elle lui montrait » l.14, « elle lui faisait voir » l.20) pour illustrer ses propos : elle oébit aux valeurs classiques (instruire ET plaire). Enseignement subtil et exhaustif. Les imparfaits d’habitude (« elle faisait souvent » l.13) soulignent la fréquence de ces conversations et le travail de longue haleine que représente une éducation soignée car transparente (tout est dit).
c) Une critique implicite de l’éducation des femmes
Le portrait, loin d’être uniquement descriptif est idéologique : il est l’occasion pour l’auteur d’exprimer sa vision de l’éducation des filles à son époque. Une conception précieuse de l’éducation est véhiculée à travers l’analepse consacrée au passé de la jeune fille. Ce jugement est discrètement inséré dans le récit. Mme de Lafayette critique ouvertement l’éducation traditionnelle des filles qui repose sur la censure (l.11) : certains sujets sont évités tel que la galanterie (la séduction hommes-femmes).
L’auteur oppose à cet évitement l’originalité d’une éducation fondé sur la connaissance des dangers (l.15). Les jugements de l’auteur s’expriment à travers l’insertion soudaine du présent de vérité générale dans un récit au passé : « La plupart des mères s’imaginent » l.11, « ce qui seul peut faire le bonheur d’une femme » l.22). Passage où less jugements de la narratrice complètent le point de vue de Mme de Chartres.
Transition : au portrait idéaliste classique s’ajoute la vision personnelle, janséniste et féministe de l’auteur. Mais c’est aussi toute la suite du roman qui se laisse deviner à travers ce portrait proleptique (= qui annonce la suite de l’histoire). En quoi le destin de l’héroïne est-il inscrit en creux dans cette description ?
III) Un portrait programmatique
a) Un discours sur l’amour problématique
● La vision de l’amour portée par la mère conduira fatalement Mlle de Chartres à un destin tragique. En effet, les préceptes enseignés sont en contradiction totale avec les habitudes, les mœurs de la Cour. L’idéal de l’honnête femme ne peut plus s’appliquer dans une société où les mariages forcés poussent les femmes à trouver leur bonheur dans l’adultère. La morale janséniste de la mère s’oppose à la Cour gouvernée par la passion amoureuse et les infidélités. ● De plus, la mère pose comme principe de bonheur le mariage d’amour (l.23) mais c’est oublier qu’à l’époque, le mariage est un contrat marchand et que les filles ne choisissent pas leur mari. L’amour réciproque dans le cadre du mariage n’existe pas : Mlle de Chartres se confrontera vite à l’impossibilité de suivre les conseils illusoires de sa mère.
● Par ailleurs, son éducation comporte une faille : Mme de Chartres fait entrevoir les bienfaits de l’amour pour mieux faire ressortir les dangers (l.14). On est donc en présence d'un paradoxe : comment peut-on à la fois "montrer ce que l'amour a d'agréable" et dissuader de se livrer à la galanterie ? Il est à craindre que l’amour devienne l’objet d’une curiosité voire d’une fascination et que les dangers soient occultés dans la tête d’une jeune fille. L’amour devient une tentation d’autant plus agréable qu’elle est dangereuse et non l’inverse.
● Le thème de la passion est annoncé à travers l’insistance de Mme de Chartres sur « les malheurs domestiques » liés aux « engagements » (l.17).Cela annonce l’amour-passion que la fille va ressentir à l’égard du duc de Nemours.
● Enfin, Mme de Chartres conseille à sa fille d’avoir « une extrême défiance de soi-même » (l.21). Mais comment lutter sans cesse contre l’aspiration naturelle à la passion ? Cela annonce le combat permanent que la jeune princesse, telle une héroïne tragique, devra mener contre elle-même. Le thème de la lutte pour la maîtrise de ses sentiments est prévisible.
= la fille est destinée au veuvage et à l’isolement comme sa mère (l.7).
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b) Un destin tout tracé
● Le roman mélange plusieurs sous-genres : le conte de fées et le roman psychologique, presque psychanalytique (comprendre le passé pour le futur, déterminée par le passé, son éducation est son destin). La mère, la société et le vidame sont les agents du destin face auquel la jeune fille n’a aucune liberté. La mère ressemble à la mauvaise mère des contes de fées qui agit inconsciemment contre sa fille en la jetant dans la gueule du loup. Fée opposante et non adjuvante. Les tournures impersonnelles (il parut), la position en objet de la jeune fille ou au passif (l24) : pas maitresse de son destin. La mère est sujet de tous les verbes d’action. Son physique agit malgré elle (l.30).
● Responsabilité de la mère : elle est trop fière et a un discours contradictoire : ses aspirations ne sont pas en phase avec la réalité. Personne n’est assez digne pour sa fille mais elle l’envoie à la Cour : elle va l’élever dans un orgueil d’elle-même qu ressemble à de l’amour propre. Discours très négatif sur les hommes et l’amour, mais bonheur dans le mariage. Importance de la mère et absence du père : discours théorique sur les hommes et manque de modèle masculin : théorie implacable et rigide sans exemple.
c) Un objet d’admiration : omniprésence du regard de la Cour
● Succès de la jeune fille qui ne peut pas ne pas être remarquée : importance du regard : absence d’échappatoire, déjà des demandes de mariage, le vidame va au devant d’elle.
- Champ lexical de la vue et de l’admiration.
- La cour encadre la jeune fille, au début et à la fin du portrait (place de l’analepse entre deux, piégée).
- Le lecteur la découvre à travers le regard intrigué et admiratif des courtisans. La convergence de tous les regards vers l’héroïne : « qui attira les yeux de tout le monde » , « elle donna de l’admiration.
Cela
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