Encaisser ! Enquête et immersion dans la grande distribution
Par Matt • 10 Mai 2018 • 3 583 Mots (15 Pages) • 577 Vues
...
Ensuite, intéressons-nous à ce qui se passe en « bas ». Le terme caissier est en général à connotation féminin désignant un travail du secteur tertiaire, dont le salaire est proche du minimum légal et ayant une quantité d’heures de travail faible. M. Benquet caractérise cet emploi par un triptyque : féminisation, tertiarisation et précarisation. De plus, le poste de caissière ne donne pas d’offre possible de promotion sociale. Ce qui accentue leurs conditions par une triple insécurité : économique, temporelle et projectionnelle. Notez que ce dernier point fera l’objet ci-dessous d’un approfondissement théorique dans la deuxième partie du travail.
M. Benquet comprend vite lors de son travail en caisse, ce qu’on demande d’une caissière, c’est d’avoir de la discipline et des disponibilités. Car le temps de travail en caisse n’est pas fixe et suit un système d’horaires en îlot. De plus, l’attribution des caisses se font au jour le jour, ce qui entraine qu’il n’y pas de poste de travail fixe. Rajoutez à cela, il n’y a pas de règlement précis et clair sur le fonctionnement en caisse. Par défaut d’informations, la caissière est obligée de s’adresse à leur supérieur pour les connaître, ce qui crée une dépendance vis-à-vis de la hiérarchie. L’ensemble de ces facteurs favorise un système de faveurs octroyées et d’arrangements réciproques.
Subséquemment, ce système de faveurs octroyées et d’arrangements réciproques accentue les relations individualistes. Car au sein du groupe des caissières, il existe également un clivage, entre les ouvrières plus âgées qui se préoccupent d’un traitement égalitaire, les caissières d’âge intermédiaires qui soutiennent le système de mérite et inégalitaire, et les étudiantes qui perçoivent ce travail comme provisoire et essayent par des manœuvres d’adoucir la pénibilité du travail. Cette concurrence entre caissières en vue de faveurs, plus la surveillance permanente par les supérieurs ne permettent pas de créer un collectif pour pourvoir revendiquer leur situation précaire.
Dans la troisième partie du livre, M. Benquet nous fait entrer dans le monde du syndicat, plus précisément, celui de la Force Ouvrière (FO) de la grande distribution. On voit dans les relations du FO que celles-ci ne sont pas évidentes. D’un côté, elle entretient un bon rapport avec la direction de Carrefour, car cette relation est liée par des obligations réciproques. Par exemple, le syndicat aide à faire passer les décisions du management auprès des ouvrières, alors que la direction donne de la crédibilité et de l’influence au FO lorsque celle-ci omet des demandes en faveur du personnel. Cette relation est du win-win pour les deux parties, car d’autres syndicaux sont en concurrence avec le syndicat majoritaire qui est le FO. De l’autre côté, les ouvrières sont méfiantes du syndical parce qu’elles pensent que ce dernier les manipule. De plus, les syndiqués tentent de s’autonomiser dû à l’insatisfaction des revendications face à leur condition de travail de plus en plus dégradé. Mais toutefois, les caissières qui sont des représentantes de syndicaux trouvent dans ceux-ci un moyen de faire une seconde carrière ou d’échapper à la pénibilité du travail journalier, en ayant la possibilité d’arranger leur horaire.
Pour cette deuxième partie du travail, je vais rependre deux concepts cités ci-dessus et les développer afin d’appuyer la thèse de Marlène Benquet sur « la construction de la paix sociale dans la grande distribution ». J’ai trouvé pertinent de choisir les notions de « financiarisation » et « la triple insécurité ». Mon choix s’est basé sur le fait que la financiarisation est l’une des sources de problème, si pas le plus gros, chez Batax. J’ai trouvé intéressant de développer une action faite en amont. Alors que la triple insécurité touche les ouvrières qui se trouvent en aval de la hiérarchie. Pour cette dernière, j’ai voulu comprendre en profondeur ce dispositif qui bloque les caissières à agir.
Premièrement, il est clair que la « financiarisation » n’est pas un concept sociologique, mais plutôt un terme économique. Je l’ai choisi, car elle est au cœur du problème et il me semblait important de comprendre un des facteurs à la base de la situation dégradée de chez Carrefour. Toutefois, l’impact de la financiarisation nous permet d’entrevoir des problèmes sociologiques.
Selon le Larousse, ce mot désigne une « Politique fondée sur le recours à l’emprunt public ». Dans notre cas, il s’agit donc d’un recours par l’investissement privé. Ensuite, la financiarisation s’inscrit dans l’esprit du capitalisme financier. À l’opposé du capitalisme industriel qui se base sur une économie « réelle », soit ce qui est produit en biens et services, le capitalisme financier est basé sur la monnaie, le système de financement et la spéculation. Dans une approche technique, le but d’une entreprise, qui se finance par l’endettement, est de maximiser la rentabilité des capitaux empruntés par rapport aux capitaux propres. Cet esprit financier a pour objectif principal le rendement ou la rentabilité financière à court terme et la génération de cash à tout prix.
Lorsque Carrefour passe dans les mains d’Arnault Bernard et Capital Colony, cet état d’esprit de gestion purement financière fut imposé. Cette stratégie de financement n’a pas arrangé la situation chez Carrefour qui n’était déjà pas très bonne. Comme citez ci-dessus, on souligne que le changement de type de gestion engendre des problèmes de circulation des informations au sein de l’entreprise. « La majorité ne sait rien et une minorité pas grand-chose ». L’autre souci de cette gestion financière est qu’il n’y a pas personne qui a les rennes de l’entreprise. Au-dessus de la direction, nous avons les actionnaires qui eux-mêmes ont emprunté de l’argent à d’autres personnes pour acheter les actions. Du côté des clients, on constate des clients mécontents de ne plus avoir certains produits vendus dus à la rationalisation de la gestion financière qui a centralisé les achats et donc diminué l’offre de produits. Derrière les caisses, les ouvrières font l’objet d’un politique de rendement et diminution des coûts, ce qui a pour conséquence produire autant ou plus avec moins d’effectifs. Ce qui rend le travail à de la caissière plus difficile et plus intense.
Au vu de ces différentes conséquences, on peut aisément conclure que la financiarisation de l’actionnariat chez Carrefour est une catastrophe et que celle-ci limite les marges de manœuvre indispensable dans la gestion de
...