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Discours Clemenceau 1917

Par   •  21 Février 2018  •  1 864 Mots (8 Pages)  •  401 Vues

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2/ Clemenceau est, en 1917, un homme politique à la carrière déjà longue. Commencée sous la Commune en 1871, celle-ci l’a conduit aux fonctions de député, de sénateur, puis de président du Conseil entre 1906 et 1909. Farouchement républicain, il est un radical, même s’il n’est pas officiellement membre du parti du même nom. Acteur de premier plan dans l’affaire Dreyfus (il a publié dans son journal L’Aurore, le « J’accuse » de Zola en 1898), il est réputé pour sa fermeté de caractère, son patriotisme, son esprit combatif et son redoutable talent oratoire qui en fait « le tombeur de ministères ». Nommé président du Conseil en novembre 1917 par le président de la République Raymond Poincaré, avec lequel il n’a pourtant que peu d’affinités, il se présente devant la Chambre des députés, conformément à la logique de la République parlementaire. Il vient solliciter la confiance des représentants du peuple, afin de pouvoir gouverner en son nom. Mais, au-delà de cette nécessité juridique, il veut proposer à la nation une stratégie qui ne peut être que celle de la victoire. Il veut convaincre de la nécessité d’un ultime effort et entend donc redonner aux pays les forces morales qui se sont quelque peu affaiblies depuis le début de 1917. Il prononce donc un discours de mobilisation patriotique. L’on notera cependant que malgré les circonstances exceptionnelles, le cadre démocratique et parlementaire a été préservé, à la différence de l’Allemagne, où l’État-major s’est emparé du pouvoir.

3/ Le ton utilisé est d’abord patriotique. Clemenceau fait un panégyrique des soldats (« de grands soldats d’une grande histoire ») et de leurs chefs (« trempés dans les épreuves »). Il prend même parfois le ton de l’épopée ; Clemenceau inscrit son discours dans une tradition historique qui est celle de la grande Nation de l’An II. Il mobilise toutes les formes du lyrisme et, dans sa péroraison, n’hésite pas à décrire de façon visionnaire le jour de la Victoire, en martelant les formules épiques (« Nos étendards vainqueurs, tordus dans le sang, dans les larmes, déchirés des obus, sublime évocation de nos grands morts »). Le discours, comme habité par un souffle patriotique, s’inscrit dans la grande tradition des discours républicains et constitue incontestablement l’un des exemples les plus forts de l’art oratoire de la IIIe République.

Mais, au-delà de ces aspects formels, essentiels dans une culture politique parlementaire, ce sont surtout des valeurs que Clemenceau mobilise : il situe la guerre dans un combat du Bien contre le Mal, de la Civilisation contre ses ennemis ; la guerre est décrite comme une guerre du Droit, conduite par la France, « patrie des hommes ». Il ne fait ici que reprendre et amplifier le discours officiel propagé par tous les gouvernements depuis août 1914. La France, « contrainte » de jeter ses enfants dans la bataille, mène une guerre juste, qu’elle gagnera grâce à la force de son unité nationale. Aussi Clemenceau parle-t-il avec fermeté et autorité ; il emploie le présent et le futur, qui sont les temps de la décision et jamais le conditionnel qui traduirait le doute. Ses phrases sont courtes, claquent comme des ordres ; le ton est celui du chef qui mobilise ses troupes et les entraîne derrière lui.

4/ Clemenceau appelle à la « guerre intégrale », autre mot pour parler de guerre totale. Guerre de soldats, guerre matérielle, mais également guerre qui mobilise toutes les forces psychologiques et tous les ressorts moraux. Le front et l’arrière ne peuvent être dissociés. Les civils participent à la victoire par leur travail et par leur contribution financière (emprunts de guerre). Tous les problèmes individuels doivent donc s’effacer devant l’impératif de la guerre. « Je fais la guerre, encore la guerre, toujours la guerre » affirme-t-il dans un autre de ses discours et pour cela, il mobilise tous les moyens disponibles.

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Tout pour le front : par la conscription obligatoire, les hommes en âge de combattre sont sur le front. La production d’armement (obus, canons …) est prioritaire et coordonnée par un ministre de l’Armement ; certains biens sont réquisitionnés au profit de l’armée (dès 1914, les chevaux …) .

À l’arrière, toute l’activité économique sert à alimenter la guerre (transports, armement …). Les populations sont rationnées pour le sucre, le pain, la viande (cartes d’alimentation …), les textiles … , et sont mobilisées pour contribuer à la production (munitionnettes) ; elles apportent leur soutien moral aux combattants (« marraines » de guerre…). Autrement, dit, depuis 1914, et plus encore à partir de novembre 1917, toutes les énergies sont tendues vers un seul but : la victoire.

5/ Ce discours, qui sera largement approuvé par la Chambre (la confiance est votée par 418 voix contre 65) marque une nette inflexion dans la conduite de la guerre et l’attitude des Français. Clemenceau met fin aux doutes qui avaient pu s’exprimer ici et là, rejette toute idée de négociation ou de paix blanche, fait arrêter ceux qui avaient pu y songer (Caillaux et Malvy), fait partager sa résolution à une majorité. Même si des troubles sociaux se produisent encore en 1918, ils ne remettent pas en cause l’objectif de la victoire. Clemenceau, par son patriotisme flamboyant, ses références à un jacobinisme brûlant, a su remobiliser la nation ; il y trouve l’un de ses surnoms « lePère La victoire ».

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