Histoire du droit des Obligations en Europe
Par Junecooper • 6 Décembre 2018 • 40 956 Mots (164 Pages) • 688 Vues
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1. La définition de la notion d’obligation juridique
Il existe deux conceptions de l’obligation juridique dans le droit romain. Une conception active et une conception passive.
a. La conception active de l’obligation en droit romain
Le droit romain conçoit l’obligation active comme une action qui consiste à lier quelqu’un d’autre. Elle se réfère à la situation du créancier qui a ce pouvoir d’obliger le débiteur. Cette définition active de l’obligation sera donnée par le juriste consulte Paul, au IIIème siècle après JC : « la nature de l’obligation est d’obliger en vue de quelque chose ».
Cette conception active est la conception originaire de l’obligation, elle est retranscrite dans l’étymologie de l’obligation : obligare ob+ligare (lier / en vue de quelque chose). Au début de l’histoire romaine, le droit des obligations permettait au créancier qui n’avait pas été payé de sa dette d’emmener le débiteur chez lui, d’en faire son prisonnier pour en faire son esclave ou le tuer. Créancier et débiteur liés de façon physique comme juridique. Au XVIème siècle, Loysel, juriste français montre le parallèle entre les liens qui existent (lien physique et lien juridique) « On lie les bœufs par les cornes et les hommes par la parole ; et autant vaut une simple promesse ou convenance que les stipulations du droit romain ».
Peu à peu, le droit romain va donner une autre signification à l’obligation ; l’obligation juridique va également désigner la situation de celui qui doit quelque chose (le débiteur).
b. Le sens passif de l’obligation
La définition passive de l’obligation juridique se rencontre dans les Institutes de Justinien, rédigés au VIème siècle. L’obligation se définit comme un lien de droit par lequel nous sommes astreints de manière nécessaire à payer quelque chose conformément au droit de la cité à laquelle on appartient. Définition qui lie la notion d’obligation à la notion de contrainte. Etre obligé juridiquement signifie pouvoir être contraint par un moyen de pression. En droit romain, le moyen de pression va consister pour le créancier en la possibilité d’exercer une action juridique contre son débiteur.
2. La reconnaissance de l’obligation par l’action en justice
En droit romain, le droit est purement processuel, purement fondé sur la procédure. Un droit n’existe véritablement que s’il est sanctionné par une action en justice ; on dit « il n’existe pas de droit sans action ». Droit différent du droit positif actuel car c’est par ce que l’on peut mener une action en justice que le droit existe. Cette conception de l’obligation se transforme et se renverse : on passe du principe « pas de droit sans action » au principe inverse (aujourd’hui) « il n’existe pas d’action sans droit ». Ce changement s’opère au XVIème siècle où il est admis que l’action en justice découle de l’existence d’une obligation. Les commentateurs de droit romain feront la distinction entre cette obligation juridique appartenant à l’individu et qui forme un droit (droit substantiel), et l’action en justice qui est un droit au procès. Cette action en justice cessera d’être la cause de l’obligation pour en devenir la conséquence. Malgré ce bouleversement dans le fondement de l’obligation juridique, les juristes vont continuer à se référer au droit romain lorsqu’ils voudront analyser les règles relatives aux obligations juridiques.
B.La permanence dans le droit des obligations : l’héritage du droit romain
Permanence perceptible à travers la définition de l’obligation juridique. La définition passive de l’obligation juridique, donnée au VIème siècle par l’empereur Justinien, sera reprise de siècle en siècle par les juristes qui se succèdent.
Au XIIIème siècle, on trouve dans l’œuvre de Boutillier La somme rurale une conception passive de l’obligation « l’obligation est un lien de droit qui contraint l’homme à satisfaire de ce que obligé est ».
Au XVIIIème siècle, Pothier, juriste français donne une définition qui s’inspire de la définition de Justinien, l’obligation y est défini comme le « lien de droit qui nous astreint envers l’autre à lui donner quelque chose, ou à faire, ou à ne pas faire quelque chose ».
Ces définitions seront réceptionnées par le Code Civil qui donne une définition du contrat qui reprend cette conception passive de l’obligation juridique. Art 1101 CC « le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ».
C’est donc l’héritage romain qui est repris dans cette définition.
Le vocabulaire que l’on emploi à nos jours est issu du droit romain, illustration de la permanence du droit romain :
Créancier : Creator
Débiteur : Debitor
Contrat : Contractus
Convention : Conventio
La continuité du droit romain est totalement assumée par des juristes postérieurs au droit romain. Bigot de Préameneu, un des créateurs du CC, souligne que « les romains ont trouvé ce corps de doctrine qui rendra immortelle leur législation » il ajoutera «il serait difficile d’espérer que l’on put faire des progrès dans cette partie de la science législative » , « elles seraient bien mal entendues, les dispositions du CC serait bien mal entendues si on les envisageait autrement que comme des règles élémentaires d’équité dont toutes les ramifications se trouvent dans les lois romaines ».
A travers ces paroles, on penserait qu’il suffirait de se reporter au droit romain pour en connaitre le contenu. Le droit des obligations est celui qui est le moins sensible aux évolutions politique et sociale dans le droit, contrairement au droit de la famille par exemple.
Au contraire cette branche du droit a subit des évolutions.
C. L’évolution du droit des obligations
1. Un droit en prise avec les changements économiques et sociaux
Le droit des obligations, plus précisément, le droit des contrats,
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