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Corpus : Hugo, Flaubert, Zola cas

Par   •  11 Mai 2018  •  1 811 Mots (8 Pages)  •  575 Vues

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de comparaison dans le texte de Flaubert, où elle est présentée « comme un fleuve refoulé par une marée d’équinoxe » aux « flots vertigineux », et de métaphore dans celui de Zola : « la route devenue torrent roulait des flots vivants ». Dans les deux cas, c’est un peuple particulièrement bruyant : « le piétinement des souliers […] le clapotement des voix » prend le relais de la Marseillaise dans les appartements du palais, tandis que c’est la Marseillaise qui prend une ampleur démesurée, hyperbolique, devenant « la grande voix de cette tempête humaine » à « l’éclat assourdissant » qui sera de plus amplifiée par l’écho dans la campagne provençale, « répétant par tous ses échos, les notes ardentes ».

Mais si les deux textes convergent dans l’image qu’ils donnent du peuple, foule déferlante emportée par un élan irrépressible, ils divergent par ailleurs. Chez Flaubert, c’est une image dégradée qui en est donnée ensuite, puisqu’il devient une force incontrôlable, méprisable et dangereuse qui va se livrer au saccage et à l’avilissement de ce qu’il y a de plus beau dans les appartements royaux : « […] et le peuple, moins par vengeance que pour affirmer sa possession, brisa, lacéra les glaces et les rideaux, les lustres, les flambeaux […] jusqu’à des albums de dessins, jusqu’à des corbeilles de tapisserie. » Ici, l’énumération met l’accent sur la violence bête et inconsidérée, puisque sa « possession » passe par la destruction et qu’elle s’en prend à des objets délicats et bien inoffensifs qui n’ont aucune valeur symbolique, ce que le narrateur met bien en évidence avec la répétition de « jusqu’à ». Cette bêtise est d’ailleurs soulignée dans la description du « prolétaire » dépenaillé à « l’air hilare et stupide comme un magot » où la comparaison est particulièrement dépréciative. Le peuple n’est plus désigné que péjorativement comme une « canaille » qui « s’affubl[e] ironiquement » des attributs du pouvoir, ce qui donne lieu à des descriptions qui font ressortir le côté grotesque de ces parodies : « […] des chapeaux à plumes d’autruche ornaient la tête des forgerons, des rubans de la Légion d’honneur firent des ceintures aux prostituées. » C’est un spectacle désolant qui suscite les remarques de Hussonnet, désobligeantes : « Les héros ne sentent pas bons ! », ou ironiques : « Voilà le peuple souverain ! » Spectacle désolant aussi que ce peuple qui a perdu tout élan unitaire, puisque « chacun satisfait son caprice » qui consiste à jouer aux cartes, à danser ou à s’enivrer, ce qui enlève toute noblesse et gravité à leurs motivations ! Dans le texte de Zola, au contraire, le peuple est magnifié à travers une ample évocation épique qui présente son irruption aux yeux des deux jeunes témoins comme un spectacle magnifique et impressionnant : « […] un élan superbe, irrésistible […] terriblement grandiose », ce que soulignent bien les hyperboles et l’oxymore. Son déferlement est assimilé, pour exprimer sa colère, à des forces naturelles qui se déchaînent, à travers la métaphore du « torrent » qui forme une crue, et celle de la « tempête humaine » qui fait penser à un orage où la Marseille figure « l’éclat assourdissant » du tonnerre accompagné d’éclairs. Face à cette irruption, la campagne semble s’animer, comme le montrent les personnifications : d’abord « endormie », elle « s’éveilla en sursaut ; frissonna » et finit par « reprendre chaque refrain avec une colère plus haute […] criait vengeance et liberté ». La nature tout entière semble adhérer à son combat, comme le montre la longue énumération des éléments qui composent le paysage et accompagnent l’hymne national comme un chœur puissant : « […] des rochers lointains, des pièces de terre labourées, des prairies, des bouquets d’arbres, des moindres broussailles, semblèrent sortir des voix humaines. » Mais certaines notations laissent apparaître l’aspect terrifiant, préparé par l’adverbe « terriblement », et menaçant aussi de cette colonne qui est désignée comme une « petite armée » avec « ses bataillons », décidés à se battre, à se venger. D’ailleurs, certaines images connotant la mort laissent présager une issue dramatique comme « les creux de la Viorne […] rayés de mystérieux reflets d’étain fondu », ou encore « le trou de ténèbres ». La Marseillaise « comme soufflée par des bouches géantes, dans de monstrueuses trompettes » prend à travers cette comparaison, des accents d’apocalypse avec l’allusion biblique aux trompettes de Jéricho censées annoncer la fin du monde et le Jugement dernier.

Ce sont donc finalement trois visions assez différentes du peuple, que nous offrent ces trois romanciers témoins des soulèvements populaires de leur siècle. C’est une vision très optimiste qui en est donnée quand il est évoqué à travers un personnage touchant comme Gavroche, symbole magnifique du peuple, plein de vitalité et animé par l’enthousiasme, la foi dans le changement. La vision de Zola, admirative devant ce déferlement « superbe », est aussi inquiétante pour le pouvoir en place : le flot vivant « de quelques milliers d’hommes » aux allures guerrières, qui voit la campagne tout entière s’associer à sa colère, trouve dans cette unanimité une justification à sa révolte. Mais Flaubert nous offre une vision particulièrement négative car méprisante du peuple, qui devient sous sa plume, une populace incontrôlable, brutale, débraillée, ridicule, qui ne semble pas digne de prendre la relève du pouvoir

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