Théories de la réception: cas de Zola en France et en Allemagne
Par Christopher • 10 Septembre 2018 • 2 769 Mots (12 Pages) • 544 Vues
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2- Etude de la réception du « Rêve » de Zola :
Le livre entretient des rapports ambigus avec l’ensemble du cycle des Rougon-Macquart. Après la Terre, le public est surpris, déçu ou satisfait, par de longues évocations hagiographiques à propos des sculptures de la cathédrale ou de la Légende dorée de Jacques de Voragine. Quelques éléments, toutefois, pourraient bien rappeler l’auteur de l’Assommoir ou de Nana: l’enfance d’Angélique, l’influence, aussi, du milieu — religieux, en l’occurrence — sur le comportement et les aspirations des personnages. On pourrait enfin rapprocher l’extrême-onction d’Angélique de celle d’Emma Bovary. Mais tout cela pèse peu par rapport au climat général, calme et recueilli, aux personnages nobles et estimables. Comment le milieu littéraire reçoit-il alors l’œuvre de Zola?
2-1 France :
Au lendemain de sa parution, « Le Rêve » suscite des réactions controversées chez le public littéraire français. Les admirateurs du roman louent le charme, la douceur, la grâce, la naïveté, la délicatesse, et la virginité exemplairement incarnés par le personnage d'Angélique dont le portrait orne plusieurs articles. Certains vont jusqu'à se réjouir des effets purificateurs d'une telle lecture tel G. Mourey (Le Parisien): "On en sort, ébloui de blanc, l'âme purifiée au souffle d'au-delà qui y fond tiède et clair, avec l'impression d'avoir plané là-haut, dans l'inaccessible". D’autres disent qu’on y voit la manifestation du talent poétique de Zola : C'est d'abord un grand coloriste qui "parcourt toute la gamme des couleurs, du noir des bas-fonds au blanc immaculé" selon M. Montégut (Les Matinées espagnoles).
Enfin, Le Rêve est aussi considéré comme un roman documentaire, non seulement par sa dimension descriptive, mais aussi par la précision et la justesse de l'analyse psychologique : "Dans la double transformation d'Angélique, de perverse devenant fervente, puis de sainte devenant femme, le psychologue s'est montré à chaque ligne" écrivit Chincholle (Le Figaro).
Si certains considèrent que ces aspects du « Rêve » ne sont que le prolongement et l'épanouissement d'une veine déjà présente dans « La Faute de l'abbé Mouret », dans « Une Page d'amour », voire dans « La Fortune des Rougon » (Angélique est comparée à Miette), d'autres y voient un tournant radical et salutaire dans l'œuvre du père du naturalisme.
Salutaire ? Ou opportuniste ? Le Rêve, pour ses détracteurs, répondrait aux ambitions académiques d'un auteur en quête de consécration. Dans L’Echo de Paris, E. Lepelletier a écrit "L'auteur pour écrire s'est habillé d'un petit manteau bleu, en attendant l'habit à palmes vertes qu'il ne peut manquer d'endosser".
Zola s'est compromis. La cohérence et la force de l'école naturaliste sont profondément remises en question. Beaucoup sont troublés par cette plongée dans le "conte bleu" qui leur semble contradictoire avec le "conte noir" dans lequel Zola excelle : "Il faut que M. Zola en prenne son parti : il ne peut pas être à la fois Zola et autre chose que Zola..." (J. Lemaître, La Revue bleue). Ou comme l'écrit plus méchamment Anatole France, peu amateur de l'œuvre zolienne : "[...] s'il fallait absolument choisir, à M. Zola ailé, je préférerais encore M. Zola à quatre pattes" (Le Temps)... Et si, pour Henri Chantavoine, Le Rêve est bel et bien un roman naturaliste, le journaliste regrette qu'il soit signé du "marquis de Fade"! Malgré tous ses efforts (et sa bonne volonté ?), l'absence de piété sincère et de délicatesse chez Zola compromettait d'emblée la réussite du roman (La Revue générale).
Roman à la fois documentaire et fantaisiste donc intenable, moralisateur autant que racoleur, plat et extravagant, mal composé et mal écrit, d'un romantisme décadent : tels sont les autres griefs adressés à ce " gros conte, qu'on devine tissé d'une main un peu lourde" (G. Kahn, La Revue indépendante).
Dès lors, parler du Rêve n'est parfois ressenti que comme un sacrifice à une actualité pressante : la publication du roman constitue un événement. "Evénement, admettons, mais littéraire, pourquoi ?", interroge, narquois, un journaliste de La Cravache parisienne, auteur de l'un des articles les plus cinglants.
Le Rêve rencontra donc un écho très contrasté. Zola répondit aux attaques dont son roman était l'objet, affirmant en particulier la continuité et la cohérence du cycle des Rougon-Macquart. Il dit: "[...] Le Rêve vient à son heure. Il avait sa place marquée dans la série des Rougon, la place de l'au-delà, de l'insaisissable. Il répond à la philosophie générale de mon œuvre entière. La mort de l'enfant au moment où la vie va la prendre est dans la note de tous mes livres, où vous avez vu combien il était difficile d'être heureux en ce monde..." (Le Figaro).
2-2 Allemagne :
Les traductions allemandes du Rêve
La publication du Rêve - aussi bien celle de l'original français (1888) que celle de la traduction allemande (1889) - arrive à un moment où la notoriété de Zola a atteint, dans les pays de langue allemande, un premier sommet. La première traduction du Rêve est confiée à Alfred Ruhemann. Annoncé comme "roman qui peut être mis dans les mains des jeunes filles", Le Rêve paraît, sous le titre allemand Der Traum d'abord du 14 octobre au 29 novembre 1888 en feuilleton dans la Neue Zürcher Zeitung, puis, en 1889 aux éditions Samuel Fischer à Berlin qui est en passe de devenir l'une des plus importantes et prestigieuses maisons d'édition en Allemagne. D'autres traductions suivront qui ressemblent parfois plus à des adaptations qu'à des traductions. C'est, par exemple, le cas de celles de Heichen et de Carlawitz.
La réception du Rêve
Comme c'était déjà le cas pour les romans précédents du cycle des Rougon-Macquart (depuis L'Assommoir) pratiquement tous les grands journaux et notamment les nombreuses revues littéraires rendent compte de la parution du nouveau roman de Zola. La plupart des comptes rendus insiste sur le contraste du sujet du Rêve et de l'intrigue de l'œuvre
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