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Sociologie du travail, Barbier

Par   •  5 Décembre 2018  •  2 127 Mots (9 Pages)  •  644 Vues

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Approche sociologique

Comme D. Demazière et S. Pryen, Pascal Barbier se situe d’emblée dans une approche interactionniste des situations de travail. Il s’appuie sur les travaux des chercheurs fondateurs de l’Ecole de Chicago (école de l’interactionnisme symbolique) que nous avons déjà croisés dans les autres textes (Hughes, Goffman). Il met au cœur de son analyse les interactions (les actions réciproques) des vendeurs avec leurs clients. Dans le même sens que Linhart, Alonzo, Cousin, Schütz, il analyse les « petites résistances » ou « stratégies » des travailleurs aux contraintes du travail. Seulement, ici, les résistances ne sont plus une réaction aux contraintes imposées par la hiérarchie (Linhart et Cousin). En effet, les vendeurs du bazar de l’Opéra s’efforcent, eux, de résister aux contraintes et aux violences de la relation de service (déjà vu chez Alonzo, Schütz et Pryen). Dans ce sens, l’objet d’étude de Barbier est original. Car si l’on connaît bien les contraintes physiques au travail (pénibilités physiques), on sait très peu de choses sur les contraintes « relationnelles » (« pénibilité relationnelle »). L’auteur va alors s’efforcer de saisir le rôle joué par le client dans le rapport au travail des vendeurs.

Thèmes sociologiques

1) une « contrainte relationnelle »

Le travail des vendeurs du bazar de l’Opéra repose sur un travail relationnel peu qualifié. Il se caractérise aussi par la contrainte exercée par les clients sur les vendeurs. Selon la politique managériale du « client-roi », les vendeurs sont contraints de satisfaire tous les désirs du client. Cela occasionne donc des « petites brutalités » quotidiennes et des « interactions pénibles » entre vendeurs et clients. Cette situation difficile est le produit de trois facteurs :

- la dévalorisation du travail de vendeur (discrédit et stigmate liés au cadre marchand, absence de formation des vendeurs, l’exigence de qualités « naturelles » => voir Alonzo)

- le caractère sollicitatif du travail (obligation d’aller au-devant des clients, jugements et critiques du savoir des vendeurs et illégitimité pesant sur leurs interventions)

- les obligations non réciproques

=> ces trois facteurs rendent vulnérables les interactions et génèrent une « contrainte relationnelle » dans le quotidien du travail

2) Pouvoir, domination et violence sociale au travail

En nous donnant à voir toute la violence sociale au travail, Barbier nous projette au cœur de la relation de pouvoir des clients sur les vendeurs et nous dévoile des rapports sociaux de domination. En bas de l’échelle des qualifications, les vendeurs sont dominés socialement à la fois par leur hiérarchie mais surtout par leurs clients. Ils leur sont subordonnés. Ces clients sont, en effet, d’origine sociale élevée (classe supérieure) alors que les vendeurs sont majoritairement issus des classes populaires ou des fractions dominées des classes moyennes. Cette « conflictualité » masquée revêt alors trois formes :

- la violation gratuite d’un « b.a.b.a » relationnel (oubli de la politesse et courtoisie élémentaires)

- la réduction du vendeur à une chose ou à du bétail (être nié comme sujet, ne pas être reconnu individuellement)

- les critiques de la marchandise (agacement des vendeurs, identification aux produits, remise en cause de leur savoir et savoir-faire, une inévitable dévalorisation)

3) L’influence des trajectoires sociales et propriétés sociales sur le rapport au travail

Quand on les interroge sur ces situations, certains vendeurs sont plus affectés que d’autres. Comment expliquer ces disparités ? Barbier considère qu’elles sont liées aux trajectoires scolaires et professionnelles des vendeurs (c’est-à-dire leur parcours scolaire et professionnel) et à leurs propriétés sociales (origines sociales). Il distingue quatre propriétés :

- le domaine de qualification,

Les jeunes vendeurs ayant une formation de commerce et de vente acceptent plus facilement la dureté de la relation. Ils privilégient la mise à distance et arrivent à convertir cette « capacité à prendre sur soi » en « capacité professionnelle ». Ils en tirent finalement partie et y trouvent une source de valorisation (fierté, gloire du détachement).

- l’origine sociale.

Les vendeurs doivent affronter « l’épreuve de la distance sociale ». L’interaction est avant tout une « interaction de classe » entre classe dominée (classe populaire/classe moyenne inférieure) et classes dominante (classe supérieure). Cette distance sociale, nous dit Barbier, augmente l’épreuve de sujétion. Aussi, ces rapports de classe sont renforcés par un rapport de genre (80% de femmes). Le genre joue un rôle indéniable dans l’interaction (prendre la vendeuse pour « une bonne »)

- la trajectoire sociale

La sujétion s’amplifie avec le déclassement scolaire et social des vendeurs. Les vendeurs déclassés (surdiplômés et diplômés du supérieur = décalage entre le diplôme obtenu et la position professionnelle occupée) estiment ces interactions intolérables. C’est que leur position professionnelle subalterne (« serviteur ») entre en contradiction directe avec l’image positive qu’ils ont d’eux-mêmes (« conseillers » et non vendeurs). Il n’y a que le statut d’étudiant qui puisse les protèger des agressions des clients (situation temporaire et indéterminée, voir aussi Schütz).

- la carrière dans l’entreprise

La contrainte est, en revanche, tolérée par les vendeurs en attente de promotion ou de revalorisation salariale. Elle l’est moins par ceux ayant une condition salariale qui stagne.

4) Résistances, stratégies et autonomie

Face à ce rapport de force avec les clients, les vendeurs ne sont pas démunis. Ils ont quelques « ressources relationnelles » pour résister à la subordination. Barbier distingue 2 stratégies de résistance :

- exiger la réparation (utiliser les règles de la direction pour sanctionner le client, réduire le service au minimum,

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