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La conscience de soi suppose-t-elle autrui?

Par   •  23 Novembre 2018  •  1 890 Mots (8 Pages)  •  1 092 Vues

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Quant à Jean-Paul Sartre, philosophe et écrivain français du XXème siècle, il donne dans son ouvrage sur l’existentialisme deux vérités fondamentales : la conscience et autrui, ce qui suppose que les deux notions se complètent et sont de pair. Il développe également dans un autre essai l’idée qu’un acte ou des paroles ne deviennent honteuses que quand on voit qu’elles sont mal perçues par autrui : Si l’on dit ou fait quelque chose de vulgaire, on n’éprouve de la honte que si l’on se rend compte qu’autrui nous juge de façon négative.

De même, on remarquera qu’un complexe physique ne se développe qu’après qu’autrui ait fait une remarque négative sur notre corps, ceci entraînant une comparaison à autrui qui tout à coup nous apparaît comme mieux que nous. Avant ces remarques négatives, nous ne nous serions jamais posés de questions sur notre physique.

On remarquera donc que notre rapport à autrui est essentiel, autant dans l’acquisition, la construction et le développement de notre conscience que dans notre rapport à nous-mêmes. Mon « je » existe car il a un rapport avec un « tu », sans autrui, nous n’avons pas de conscience réfléchie et nous pouvons sombrer dans la folie. Comme le dit Michel Tournier, « Autrui, [est la] pièce maîtresse de mon Univers ».

Enfin, dans ce cas, que faut-il en retenir ? Cela semble évident, la conscience de soi suppose bel et bien autrui, mais plus encore, c’est l’intersubjectivité qui semble importante dans notre rapport à autrui. L’intersubjectivité, c’est la rencontre de deux consciences, où chacun doit considérer autrui d’après sa subjectivité. En effet, pour se reconnaître nous-mêmes en tant qu’être pensant, on a besoin d’obtenir la reconnaissance d’autrui en tant que sujet. C’est grâce à cela qu’on se sent unique et qu’on arrive à se détacher d’autrui, à ne pas se sentir pareil à lui.

Cette reconnaissance s’obtient la plupart du temps par l’opposition conflictuelle à autrui. Hegel, philosophe allemand du XIXème siècle, développe à ce propos la « dialectique du maître et de l’esclave », selon laquelle deux personnes, ou plutôt leur conscience, vont lutter pour leur reconnaissance mutuelle dans un conflit où chaque conscience veut conduire à la mort de l’autre. Ce conflit se règlerait, selon Hegel, par un principe de domination. Il y aurait alors un maître, dominant, et un esclave, dominé, deux positions que chacun aurait choisi, le dominant maintenant l’autre en vie pour faire travailler sa conscience, le dominé ayant préféré son statut de serviteur à la mort. Le résultat de ce conflit est finalement la reconnaissance mutuelle des consciences. Pareillement, dans la passion amoureuse, notre désir et notre raison s’opposent quant à l’amour qu’on éprouve pour autrui. Quand, dans une relation amoureuse, les deux consciences cherchent à se reconnaître mutuellement, dans la passion amoureuse, on aime et on rejette l’autre en même temps.

D’autre part, on pourrait considérer que notre conscience de soi peut également s’acquérir à partir du moment où l’on se rend compte qu’autrui, bien que partageant des similarités avec moi, n’est pas moi. En dépassant cette analogie, on arriverait alors à comprendre qu’on est un être unique. En revanche, il faudrait pour cela être conscient du fait qu’on est influencé par autrui et qu’on peut également l’influencer afin de rester lucide sur l’aspect unique de notre être, de nos goûts, de notre personnalité.

En ce qui concerne les influences, elles peuvent changer, ou même se développer et se nuancer grâce au dialogue que j’entretiens avec autrui. En obtenant l’avis d’autrui, en connaissant son point de vue et son vécu, on peut se détacher de nos influences premières, et, bien que restant influencé, on peut gagner en autonomie de penser, et développer sa conscience, ce qui, encore une fois, relève de l’intersubjectivité et de la présence d’autrui.

En conclusion, il paraît donc impensable que conscience de soi ne soit pas lié à la présence d’autrui comme le suggère de célèbres penseurs tel que Descartes, bien qu’au premier regard, ces deux notions opposées semblent impossibles à accorder. A cause de l’introspection, on pense que notre conscience s’est constituée grâce à nous seuls, et nous pousse au solipsisme de la réflexion. Certes, autrui ne pourra jamais totalement nous comprendre ou nous connaître, ce qui peut se montrer frustrant, mais il est indéniable que nous avons besoin de lui pour ne serait-ce qu’acquérir une conscience de soi, et ensuite pour la développer. Sans autrui, nous n’aurions pas de conscience de nous-mêmes ou deviendrions fous, autrui est indispensable à la construction de notre personnalité et de notre conscience de soi. C’est véritablement l’intersubjectivité, la rencontre des consciences et la reconnaissance mutuelle qui permet de constituer notre conscience. Toutefois, cette relation à autrui peut parfois avoir des conséquences néfastes sur l’opinion que l’on se fait de nous-mêmes, par exemple par la création de complexes ou de sentiments de honte. De la même manière, la reconnaissance mutuelle des consciences est conflictuelle, comme dans l’amour passionnel ou la dialectique du maître et de l’esclave selon Hegel. Il faut donc rester prudent quant à notre relation à autrui, et surtout, essayer de surpasser l’analogie que l’on fait et qui risquerait de nous éloigner de l’aspect unique et original d’autrui à cause de la comparaison qu’on fait avec nous-mêmes. On pourrait également traiter cette question d’un point de vue matérialiste, qui voudrait que ce soit plus largement la société qui forge notre conscience de soi, incluant une lutte des classes qui pourrait être comparée à la dialectique du maître et de l’esclave.

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