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Les fondements constitutionnels de l'insurrection au Burkina Faso

Par   •  28 Juin 2018  •  3 183 Mots (13 Pages)  •  582 Vues

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Pourtant dès la fin du XVIIIème siècle, le droit à l’insurrection a été constitutionnalisé aux Etats Unis puis en France. Dans la déclaration d’indépendance des Etats Unis, l’on peut lire que « toutes les fois qu’une forme de gouvernement devient destructive de but, le peuple a le droit de la changer ou de l’abolir, et d’établir un nouveau gouvernement, en le fondant sur les principes et en l’organisant en la forme qui paraîtront les plus propres à lui donner la sûreté et le bonheur (…) ; lorsqu’une longue suite d’abus et d’usurpations, tendant invariablement au même but, marque le dessein de les soumettre au despotisme absolu, il est de leur droit et de leur devoir de rejeter un tel gouvernement et de pourvoir, par de nouvelles sauvegardes, à leur sécurité future ». Il faut aussi rappeler l’article 35 de la Constitution française du 24 juin 1793 qui dispose que « lorsque le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection devient pour le peuple et pour chaque portion du peuple le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ».

La Déclaration Universelle des droits de l’Homme reconnait l’insurrection populaire comme droit, voire devoir, quand elle considère qu’il est « essentiel que les droits de l’homme soient protégés par un régime de droit pour que l’homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression »[17]. La constitution portugaise est aussi très formelle en matière de consécration du droit à l’insurrection quand elle dispose que « le Portugal reconnaît le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, le droit au développement ainsi que le droit à l’insurrection contre toutes les formes d’oppression »[18].

L’on peut se demander pourquoi le constituant burkinabè, qui est pourtant conscient que cette situation peut bien survenir au regard du soulèvement populaire du 3 janvier 1966, n’a pas reconnu expressément ce droit naturel et imprescriptible ? Le constituant burkinabè de 1991 n’a pas voulu donné un contenu positif, une substance ou valeur juridique à cette notion qui semble être un mode de justification à posteriori d’actions révolutionnaires mais normalement répréhensibles. Du reste, l’affirmation constitutionnelle de la souveraineté du peuple peut être interprétée comme un droit à l’insurrection.

- L’affirmation constitutionnelle de la souveraineté du peuple : un droit à l’insurrection.

Le Burkina Faso a opté pour un régime démocratique. La Constitution du 02 juin 1991 dispose que « le Burkina Faso est un Etat démocratique », le Faso étant la forme républicaine du pays[19]. Ce choix de la démocratie comme régime n’est pas sans conséquence. Etymologiquement, la démocratie unit deux éléments fondamentaux, le peuple et les pouvoirs de gouvernement – car kratia n'est pas kratos et contient l'idée de système ou d'ensemble. Selon l'Histoire de la démocratie grecque, il devrait signifier exercer : "le peuple exerce les pouvoirs de gouvernement". La définition devenue rhétorique de la démocratie est celle d’Abraham LINCOLN selon laquelle « la démocratie est le pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple ». La démocratie serait donc un régime politique dans lequel le peuple possède les pouvoirs de gouvernement.

Dans une république démocratique, le souverain, c’est le peuple. « Nous, peuple souverain du Burkina Faso… » peut-on lire à l’alinéa 1 du préambule de la Constitution burkinabè du 2 juin 1991. Du latin superus qui signifie supérieur, l’adjectif "souverain" signifie « qui détient l'autorité suprême, qui en est revêtu. C'est un pouvoir qui n'est pas limité par un autre, qui n'est susceptible d'aucun contrôle. Le concept est apparu au Moyen-âge, d'abord relatif à une personne détenant le pouvoir suprême, le roi ou l'empereur, puis devenant un concept abstrait indépendant. Pour le Professeur Olivier Beaud, « le souverain est la personne qui détient et exerce le pouvoir suprême, c’est-à-dire, la personne qui, sans être contrôlée, crée librement le droit positif »[20]. Selon la conception de Beaud, le peuple est un souverain « au-dessus de la Constitution »[21]. Cela dit, le souverain n’est pas limité par la Constitution et la constitutionnalisation de ce principe de souveraineté suffit à fonder toute action dans l’Etat qui viendrait du peuple. C’est lui qui, exerçant son pouvoir constituant, fait et défait l’ordre constitutionnel, institutionnel et social.

Techniquement, le peuple souverain charge le gouvernement, qui exerce son pouvoir, d’une mission de service de ses intérêts. Si le peuple pour qui le gouvernement a été investi se retrouve dans une situation de délaissement ou d’oppression, celui-ci a le droit naturel de reprendre son pouvoir et l’exercer par lui-même ou le confier à d’autres personnes. Il est vrai que la démocratie implique la désactivation du pouvoir par des mécanismes qui lui sont propres (par des élections notamment) mais cela ne vaut que dans des situations normales. En cas de violation de la légalité par les gouvernants, le titulaire du pouvoir intervient pour rétablir l’ordre bouleversé. C’est pourquoi « le changement qui est recherché par l’insurrection est réputé plus qualitatif que l’ordre préexistant »[22]. Alexis de Tocqueville voit dans l’insurrection « le mouvement d’achèvement du développement de la démocratie comme état de société »[23]. La reprise par le titulaire de son pouvoir est inconditionnelle. Tous les moyens sont permis, y compris la violence, lorsqu’il s’agit de recouvrer sa dignité, son pouvoir. D’ailleurs, les conditions à la survenance d’une insurrection sont prévues par la Constitution ; ce que nous avons appelés les prémices du droit à l’insurrection.

- Les prémices du droit à l’insurrection dans la constitution

Le Larousse en ligne définit les prémices comme les « premières manifestations de quelque chose d'important »[24]. Comme nous l’avons souligné, le droit à l’insurrection n’est pas consacré de manière expresse en droit constitutionnel burkinabè. Toutefois, certaines dispositions constitutionnelles constituent des ingrédients à la survenance d’une insurrection. Il s’agit d’une part des règles relatives aux libertés (A), et d’autre part du droit à la désobéissance civile (B)

- Les libertés

« Les libertés publiques sont une des expressions de ces droits les plus liées à l'exercice

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