Les buts et les fonctions de la peine
Par Andrea • 6 Février 2018 • 15 864 Mots (64 Pages) • 835 Vues
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Section 2 : L'évolution historique de la peine
Les fonctions de la peine ont évolué, on constate une humanisation de la peine, elle est empreinte d'un certain idéal (disparition des châtiments corporels, puis des travaux forcés, de la déportation, de la mort civile) sous l'influence de la CEDH. En effet, la Cour a une vision protectrice de la condition des détenus (l'article 3 concernant l'interdiction de la torture et des mauvais traitements, l'article 8 concernant le respect de la vie privée et familiale, l'article 9 concernant la liberté de conscience). En octobre 2006, la CEDH condamne la France pour traitement dégradant contre un détenu handicapé qui ne pouvait pas se déplacer seul dans l'établissement alors que dans les années 70, les interrogatoires musclés n'étaient pas sanctionnés.
Il y a donc une évolution très importante. En revanche, la CEDH affirme qu'une peine privative de liberté entraîne des souffrances, sans que celles-ci soient systématiquement synonyme de traitement dégradant.
L'idéalisme de la peine s'illustre par l'abolition de la peine de mort en 1848 pour les crimes politiques et en 1981 pour les crimes de droit commun. L'abolition est devenue constitutionnelle, elle est prévue à l'article 66-1 de la Constitution. En France, les débats parlementaires qui ont précédé l'abolition se sont axés sur des considérations philosophiques, aux USA, l'approche est pragmatique, on se demande si la peine de mort est utile.
La disparition de la peine de mort a été renforcée par la CEDH, dans son arrêt Soering /c RU de 1989, un individu Allemand a commis un crime sanctionné par la peine de mort et s'est réfugié en Angleterre. Les USA requiert l'extradition, le RU accepte, la CEDH condamne le RU car l'extradition exposait le requérant au syndrome du « couloir de la mort » qui est constitutif d'un traitement inhumain.
Malgré cet idéalisme, la peine souffre encore de nombreuses imperfections :
- Les peines sont difficiles à mettre à exécution (amende, peine privative de liberté, TIG).
- Les peines privatives de liberté sont longues à mettre à exécution.
- Les conditions d'exécution de la peine privative de liberté ne sont pas satisfaisantes, notamment dans les maisons d'arrêt qui gèrent le flux de détenus.
- Le placement sous surveillance électronique n'est pas efficace dans la durée.
Section 3 : La définition de la peine
La peine est une notion difficile à définir, on a du mal à la distinguer de notions voisines. On sait que la peine est la sanction d'un comportement, mais les dommages et intérêts sanctionnent également un comportement alors qu'ils ne sont pas une peine.
Certaines mesures qualifiées de peines existent dans l'autre branche du droit sans être qualifiées de peine (ex : privation de liberté, hospitalisation sans consentement, amendes douanières, l'incapacité civile...).
Dans la matière pénale elle même, des mesures identiques sont parfois qualifiées différemment. Il est difficile de distinguer un TIG avec un sursis avec obligation d'accomplir un TIG. La différence existe au regard des effets, dans le cas du TIG dès lors que le TIG est effectué, la peine est effectuée. Dans le cas du sursis, vous ne devez pas effectuer de nouvelle infraction durant une période, dans le cas contraire le sursis est révoqué et le TIG doit être effectué.
Si on est condamné à un TIG, c'est une peine, si on est condamné à un TIG avec sursis alors c'est une modalité d'exécution du TIG. La suspension du permis peut intervenir pénalement au titre des peines complémentaires, c'est une peine. Si la suspension est administrative, ce n'est pas une peine.
La définition communément admise est la suivante : « est une peine ce qui est qualifié de peine par le législateur ».
Il y a un intérêt à distinguer la peine des notions voisines, la peine fait l’objet de garanties :
- Principe de légalité criminelle, c'est à dire que le juge ne peut prononcer qu'une peine existante.
- Principe de rétro-activité de la loi pénale plus douce et de la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère.
Pour aller contre cette tendance du législateur de contourner cette notion de peine, il a fallu compter sur le Conseil constitutionnel et la CEDH.
Le Conseil Constitutionnel n'utilise pas le terme de peine, il utilise le terme de « sanction ayant caractère de punition » et doit vérifier qu'il respecte bien les garanties de la peine.
La CEDH rappelle qu'au sens de la Convention, le mot « peine » à une signification autonome détachée du sens donné par les États. C'est à l'article 7 qu'on trouve les garanties de la peine. La CEDH donne des critères pour savoir si on est en présence d'une peine. Dans un arrêt Jamil /c France de 1995, il s'agissait de la contrainte par corps qui n'existe plus. Cette mesure permettait de priver de liberté une personne qui ne s'était pas acquitté du montant d'une amende. En 1987, une loi allongeait la durée de la contrainte par corps qui était limitée à 4 mois, elle était désormais de 2 ans. Le requérant commet des faits avant 1987, il est condamné à payer une amende, on lui fait application de la nouvelle loi qui est plus sévère. La France affirme qu'il ne s'agit pas d'une peine mais d'une mesure d'exécution et estime qu'il n'y a pas violation de la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère. La CEDH affirme que le mot peine a une signification autonome au sens de l'article 7 de la Convention. De plus, il s'agit d'une privation de liberté. Enfin, cette mesure est prononcée par des juridictions pénales. En conclusion, c'est une peine au sens de l'article 7.
Dans un arrêt Malige /c France de 1998, la CEDH vient statuer sur le retrait automatique des points du permis de conduire. En droit Français, c'est une sanction administrative. La CEDH relève que le retrait automatique intervient après la commission d'une infraction, et donc dans un contexte pénal, on vient sanctionner un
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