Le principe de primauté du droit communautaire dans l'ordre juridique interne
Par Orhan • 10 Juin 2018 • 2 229 Mots (9 Pages) • 776 Vues
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assuré dans le cadre d’un contrôle de la conformité de la loi à la Constitution.
B. La position des juges ordinaires
Le juge judiciaire a pendant longtemps refusé de faire prévaloir un traité ou un accord international
sur une loi postérieure au motif qu’il ne se reconnaissait pas le droit de remettre en cause la volonté
du législateur. Cependant quelques mois après la décision IVG du Conseil constitutionnel, la Cour
de cassation abandonne cette doctrine à l’occasion de l’affaire “Société des cafés Jacques Vabre”.
Elle fait primer une disposition du traité CEE sur une loi nationale postérieure en appuyant son
raisonnement non seulement sur la spécificité de l’ordre juridique communautaire mais également
sur l’article 55 de la Constitution consacrant ainsi la primauté du droit de l’Union sur la loi nationale
même postérieure.
Cette double référence ne sera pas exempte de critiques dans la mesure ou l’argument de la
spécificité de l’ordre juridique renvoie à une primauté absolue alors que celui tiré de l’article 55 de
la Constitution conduit seulement à une primauté relative compte tenu de la clause de réciprocité.
La Cour de cassation confirmera à de nombreuses reprises sa jurisprudence en se réfèrant de
manière systématique à ce double fondement ( Ch.Crim Klaus Barbie – Ch.Civile, SA des marchés
et usines “Auchan).
Le Conseil d’état ne manifeste pas le même “enthousiasme” que son homologue judiciaire, alors que
le juge judiciaire n’a pas eu de grandes difficultés à admettre la primauté du droit de l’Union sur les
lois antérieures, il se posera beaucoup plus de questions s’agissant des lois postérieures au traité en
se fondant comme le juge judiciaire sur une tradition constitutionnelle française de soumission du
juge au pouvoir législatif.
Selon le Conseil d’état, reconnaître la primauté du traité sur une loi postérieure revenait à contrôler
la conformité des lois au regard des traités internationaux, ce que le juge administratif ou juge
judiciaire s’interdit normalement de faire dans la mesure ou cette tâche relève de la compétence
exclusive du Conseil constitutionnel.
C’est ainsi que dans une affaire dite des Semoules de 1968, il refuse donc de faire primer un
règlement du Conseil sur une ordonnance législative au motif que le règlement était antérieur au
texte national et ce en dépit de la décision IVG de 1975 rendu par le Conseil constitutionnel et de
l’arrêt de la Cour de cassation qui y fait suite; il restera sur cette position pendant plus de vingt ans.
Il faut attendre l’arrêt Nicolo de 1989 pour que le juge administratif consente à abandonner sa
théorie de la “loi-écran” et que soit explicitement consacrée la primauté du droit primaire sur une loi
postérieure. Il convient cependant de préciser que le juge administratif justifie cette évolution en se
fondant uniquement sur l’article 55 de la Constitution et non comme le juge judiciaire sur la
spécificité de l’ordre juridique de l’Union, position qui sera réaffirmée ultérieurement par le Conseil
d’Etat dans un arrêt “Mlle Deprez et Baillard” de 2005.
La primauté du droit de l’Union sur les lois nationales postérieures est désormais largement admise
par les juridictions administratives dans la mesure ou le bénéfice de la jurisprudence Nicolo a été
étendu aux réglements (CE, 1990, Boisdet) et aux directives (CE, 1992, SA Rothmans International
France et SA Philip Morris France) et enfin aux principes généraux du droit de l’Union (CE, 2001,
Syndicat national de l’industrie pharmaceutique)
II. Une difficile mise en oeuvre du principe de primauté du droit de l’Union européenne face au juge
constitutionnel français
Alors que la Constitution de 1946 était plutôt favorable au droit communautaire en son alinéa 14 du
préambule qui prévoyait que la “République française fidèle à ses traditions se conforme aux règles
du droit international public”, la Constitution de 1958 n’y est pas aussi favorable.
A. La position du juge constitutionnel
Les traités et accords internationaux souscrits antérieurement à l’entrée en vigueur de la Constitution
de 1958 bénéficient d’une présomption de compatibilité avec cette dernière comme l’a rappelé le
Conseil constitutionnel dans sa décision du 19 Juin 1970 en affirmant que les traités de Paris et de
Rome “ont été régulièrement ratifiés et publiés et sont, dès lors, entrés dans le champ d’application
de l’article 55 de la Constitution”, c’est à dire qu’ils bénéficient d’une immunité constitutionnelle et
d’une autorité supérieure à celle des lois”.
Le Conseil constitutionnel s’est gardé pendant bien longtemps de juger que les normes
communautaires dont il était saisi étaient incompatibles avec la Constitution, il faut attendre 1992
pour qu’il s’oppose pour
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