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Le pouvoir gouvernant.

Par   •  24 Mai 2018  •  9 979 Mots (40 Pages)  •  326 Vues

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Si la Vè République est formellement un régime parlementaire, en revanche, la présidence de la république française ne ressemble pas beaucoup aux institutions du même type que l’on trouve dans d’autres régimes parlementaires ! En général, dans les régimes parlementaires, le Président de la République a très peu d’attributions (c’est normal parce que ce n’est pas celui qui gouverne), et même quand il y beaucoup d’attributions, il n’est que le titulaire nominal de ces pouvoirs, et cela même s’il est élu au SUD. En France, pour tous les français, le Président de la République est celui qui gouverne lol. C’est ça la Vè République pour eux. Mais il n’y a qu’en France que c’est comme ça. Le Président de la République Française n’est donc pas dans la situation classique que l’on trouve dans les régimes parlementaires. Nous verrons que la Constitution de 1958, à la différence des autres régimes parlementaires avec un Président de la République élu au SUD, confère au Président de la République de nombreuses attributions importantes dans le fonctionnement de l’Etat, et des attributions qui ont été interprétées très largement, en dépensant les intentions originaires des constituants. Pourquoi cette particularité française, ce caractère sui generis ?

Pour répondre à cela, il faut d’abord revenir sur les intentions des constituants de 1958. La première, on l’a vu, était de renforcer le Gouvernement au détriment du pouvoir législatif (en tant que législateur et contrôleur du gouvernement), c’est la rationalisation du parlementarisme. D’autre part, il s’agissait d’essayer d’assurer la stabilité du Gouvernement en permettant à ce dernier de gouverner en dépit de l’absence d’une majorité disciplinée, perspective totalement inenvisageable en 58. Et c’est là que le rôle présidentiel prend une place cruciale. Il s’agit en effet de permettre une continuité de l’action du Gouvernement grâce au Président de la République, il assurera une continuité du fonctionnement du pouvoir gouvernant. Donc le rôle présidentiel est pensé d’abord par rapport à l’objectif d’assurer une stabilité du pouvoir gouvernant. Puisque le pouvoir exécutif n’est pas atteignable par le Parlement, au moins le Président de la République pourra assurer une forme de stabilité.

Cette dimension est d’autant plus importante qu’à l’époque on est en train de rentrer dans un nouveau monde, un monde de plus en plus marqué par le poids des relations internationales (la mondialisation) ! En effet, le traité de Rome est ratifié en 1957 ! Donc la Vè République nait dans un monde très internationalisée, d’où la nécessité encore plus forte qu’il y ait une stabilité du pouvoir Gouvernant. Dès lors que l’organisation de la France (éco, sociale, financière) est de plus en plus indépendante du contexte international, on ne peut pas se permettre d’avoir des crises fréquentes, donc il faut instaurer une sorte de pôle de stabilité et de continuité dans la Constitution, et de plus, un arbitrage.

C’est une dimension très importante dans la façon dont on a pensé la Vè République car dans les situations de crises politiques comme celles qu’on avait connues sous la 4è République, on se demandait souvent qui arbitre en cas de crises. En cas de crises on appelait au peuple soit en dissolvant l’AN, soit en posant une question par voie du référendum. Qui aurait la légitimité en cas de crise d’en appeler au peuple, de changer le Gouvernement ? Sous la 4è République, ces pouvoirs appartenaient en réalité au Président du Conseil. Mais ce dernier était, en même temps, au front (c’était l’interlocuteur permanent du Parlement). Donc il était en quelque sorte juge et partie sous la 4è République. C’est lui qui avait des armes d’arbitrage (dont le droit de dissolution), alors même qu’il était, lui, dans la compétition ! Et de son côté le Président de la République ne disposait pas de ces pouvoirs d’arbitrage! (Quand il voulait que De Gaulle revienne, il était obligé de mettre sa démission en balance !) C’est donc pour cette raison que sous la Vè République on va penser le Président de la République comme un arbitre disposant de moyens pour peser sur la vie politique en cas de crise.

Ce qui est important dans l’esprit des constituants c’est de construire un rôle politique ayant les moyens constitutionnels nécessaires pour peser en cas de crises. Et Michel Debré, dans son discours de 1958, dit que le Président de la République doit être “le juge supérieur de l’intérêt national”. Ce Président de la République pourra trancher et en appeler au peuple en cas de crise politique. Même si tout cela ne fait pas du Président de la République en soi un homme puissant, sous la Vè République, immédiatement le Président de la République devient prééminent. Ce Président qu’on avait pensé comme un arbitre en juillet 1958, dès le mois d’octobre devient capitaine.

Comment expliquer qu’une Constitution bien faite (ayant anticipé les difficultés que rencontrerait le Gouvernement) n’ait pas prévu ce phénomène ? Comment expliquer que d’entrée, le Président devient capitaine plutôt que l’arbitre qui était prévu ?

Première explication très importante : La Vè République se met en place dans une situation de GUERRE, celle d’Algérie, et la délégation de presque toute la classe politique au général De Gaulle pour qu’il règle le problème algérien, et pour qu’il rétablisse la légitimité politique. Très rapidement, De Gaulle impose une présence qui n’est pas ordinaire, et en plus à ce moment là il n’y a pas de majorité. Oui, la droite a gagné les législatives de 58, mais De Gaulle a gagné les législatives sur une ambiguité : certains ont cru qu’il allait conservé l’Algérie française et d’autre pensaient qu’il allait lui donner son indépendance, et petit à petit les soutiens de De Gaulle s’effritent, à droite tout comme à gauche. Il y a une opposition de plus en plus importante au Parlement. Tout cela aboutira à une motion de censure qui renversera le Gouvernement Pompidou en 62, et dans ce contexte là le seul qui semble être en mesure de mettre de la stabilité et qui est capable d’imposer des choses à AN c’est De Gaulle. De plus, c’est le seul qui réussit à calmer le groupe gaulliste à l’Assemblée, et cela se fait au prix de l’extension pratique et symbolique du rôle présidentiel. C’est comme ça par exemple qu’on va inventer la notion de “domaine réservé”. On dit que le Président de la République a un domaine réservé, et celui ci serait les questions de défense et de politique internationale.

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