Le laboratoire constitutionnel français
Par Christopher • 5 Mars 2018 • 48 497 Mots (194 Pages) • 551 Vues
...
L'Assemblée nationale est élue le 8 février 1871 dans laquelle les députés monarchistes sont largement majoritaires, les bonapartistes sont affaiblis et les républicains sont quant à eux en position minoritaire.
Nous sommes en présence d'une Assemblée conservatrice qui va rapidement prendre 2 décisions :
➤elle met entre parenthèse le règlement des institutions futures (le pacte de Bordeaux).
➤elle va nommer quelqu'un qui la représente bien comme chef du pouvoir exécutif provisoire : Adolphe Thiers, nommé chef du pouvoir exécutif sous l'autorité de l'Assemblée, entouré de ministres choisis par lui.
En dépits d’incontestables succès, comme la réorganisation socialement et économiquement du pays et la conclusion de la paix en obtenant une quasi libération du territoire, les relations entre le Cabinet et l'Assemblée sont particulièrement mauvaises et vont se détériorer au cours du temps.
Les mesures destinées à stabiliser le régime
En moins de deux ans, trois mesures sont à rappeler :
➤ Loi du 31 août 1871 : Constitution Rivet. Au début de l'été 1871, A. Thiers sent bien que toute restauration monarchique est provisoirement impensable (lui-même orléaniste). De plus, les élections ont conforté la place des républicains dans la Chambre. C'est une loi, mais son contenu est matériellement constitutionnel puisque selon les termes même de la loi, le chef du pouvoir exécutif prend le titre de Président de la République française.
Cette loi est surtout l'occasion pour l'Assemblée de rappeler sa souveraineté, la seule à être issue du suffrage universel. Elle profite de la loi pour imposer la responsabilité politique de Thiers devant elle. On pourrait dire pour résumer que l'objet de cette Constitution Rivet est d'encadrer l'influence personnelle de Thiers tout en renforçant la dépendance personnelle de Thiers vis-à-vis de la Chambre. Le problème est l'immense ascendant que Thiers va prendre dans les mois qui vont suivre. Il s'impose politiquement, obtient de francs succès notamment sur le terrain économique. Et comme c'est un charismatique opportuniste, il commence à comprendre qu'il sera difficile de restaurer la monarchie, il devient républicain conservateur. Il se met alors à dos tous les monarchistes de la France qui restent majoritaires. Et comme les monarchistes dominent encore malgré tout, ils vont adopter une loi.
➤ Loi du 13 mars 1873 dite loi de Broglie (dit Breuil) : dans le prolongement de la loi Rivet, elle va confirmer la responsabilité du chef de l'exécutif devant la Chambre, mais va surtout rappeler un principe du régime parlementaire qui veut que les ministres devront rendre des comptes de leurs actions devant l'Assemblée nationale. C'est un peu la mise en place d'un régime dans lequel le Président de la République règne sans gouverner vraiment. On essaie de le neutraliser, de le mettre à l'écart des institutions.
➤ Loi du 20 novembre 1873, ou loi du septennat : été 1873 la situation des institutions paraît bloquée, même si les choses avancent pour une sensibilisation républicaine, l'orientation du régime est incertaine du fait d'une sorte de conflit au sein des monarchistes entre le Comte de Paris et le Comte de Chambord (conflit dans la couleur du drapeau notamment). Tout le monde pense que le Comte de Chambord n'en a que pour quelques années (il est attaché au drapeau blanc), qu’il lui faudra à peu près 7 ans pour se ranger à d'autres vues ou pour disparaître. Du côté des républicains, on estime un certain temps nécessaire pour influencer le pays du côté républicain (en campagne). La durée de 7 ans apparaît comme relativement sage dans les différents camps. Désireuse de gagner du temps, l'Assemblée va prolonger un gouvernement provisoire en évinçant Thiers et en mettant à sa place un personnage relativement consensuel et mou, le Maréchal de Mac Mahon, duc de Magenta. Il se voit confier par la loi du septennat le pouvoir exécutif pour une durée de 7 ans, avec le titre personnel de Président de la République.
2. La rédaction des lois de 1875
La Commission des trente
Réunion d’une Commission pour rédiger une constitution.
Au lendemain de la loi du septennat, la sensibilité politique dominante reste incertaine en dépit des incontestables avancées républicaines par Gambetta et les radicaux à partir du milieu de l'année 1872 (milieux ruraux). Il existe un consensus qui commence à se faire par décantation, conjonction des centres qui permet d’envisager la rédaction d’un texte constitutionnel.
Mais fin 1873, le bonapartisme refait surface et redevient actif. La loi du septennat avait prévu la création d'une commission de trente membres, commission censée refléter la pluralité des opinions politiques du moment et chargée de préparer un projet de constitution. Les travaux n'avancent que très lentement, si lentement que début janvier 1875, le Maréchal de Mac Mahon se plaint, à l'occasion d'un message qu'il adresse aux Chambres, de l'importance du retard pris.
Le passage à la République
Avec A. Thiers, on était en présence d'un homme qui s'impliquait directement et dirigeait l'action de ses ministres, à l’inverse Mac Mahon a accepté la Présidence de la république par devoir mais il entend garder ses distances vis-à-vis de la politique. Cela va valoriser le vice-président du Conseil des ministres, qui va devenir le véritable chef du gouvernement. Si bien qu'en pratique, les éléments caractéristiques du régime parlementaire sont déjà bien présents sans qu'on puisse parler d'un régime républicain à la même époque.
A une voix de majorité, et grâce à un groupe centriste (353 contre 352 voix), un historien de la Sorbonne, Wallon parvient à rallier autour d'un amendement qu'il propose à la Commission des trente, suffisamment de voix, le 30 janvier 1875. La République est enfin proclamée puisque l'amendement dispose « le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et la Chambre des députés. Il est nommé pour 7 ans et il est rééligible ». Après cet amendement Wallon, on pense que les esprits sont prêts et on
...