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Le juge administratif et l'état d'urgence

Par   •  17 Octobre 2018  •  2 388 Mots (10 Pages)  •  476 Vues

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est la règle et la restriction de police l’exception ».

Le juge administratif a donc compétence pour connaître, a posteriori, des violations des droits et libertés en raison de l’application des mesures prises sous le régime de l’état d’urgence. Dès lors, le juge administratif apprécie l’application concrète des garanties offertes et de leur effectivité.

L’état de la jurisprudence antérieure révélait que l’assignation à résidence est la mesure attentatoire aux libertés fondamentales qui soulevait le plus de contentieux. D’ailleurs, les mesures d’assignation à résidence portées devant les tribunaux étaient généralement celles qui n’avaient pas de lien direct avec une menace terroriste. Depuis la déclaration de l’état d’urgence de novembre 2015, de nombreux requérants, voire la quasi-totalité, ont été débouté de leurs demandes. Toutefois, depuis la dernière loi de prorogation de l’état d’urgence en décembre 2016, il semble que le Conseil d’Etat était plus enclin à condamner les mesures attentatoires des libertés prises dans le cadre de l’état d’urgence même si un prétendu lien avec le terrorisme pouvait exister.

L’analyse de la jurisprudence nous permet de déduire, presque mathématiquement, que si deux conditions cumulatives étaient réunies le Conseil d’Etat suspendait les mesures prononcées, à savoir l’absence de passé judiciaire et l’absence de lien avec une menace terroriste.

Revenons à ces deux phases jurisprudentielles significatives de l’hétérogénéité des solutions juridiques :

- Le Conseil d’Etat, saisi dans le cadre d’une procédure en référé-liberté, a examiné en urgence sept affaires d’assignations à résidence prononcées à l’occasion de la COP 21 en date du 11 décembre 2015 . Dans le cadre de cette affaire, il a renvoyé au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 6 de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, qui fonde le pouvoir d’assignation à résidence du Ministre de l’intérieur. Le Conseil d’Etat se prononce d’abord favorablement sur la recevabilité de la procédure en référé-liberté (art. L 521-2 du CJA). Il estime d’ailleurs qu’une mesure d’assignation à résidence en raison des restrictions qu’elle porte à la liberté d’aller et venir constitue toujours, en principe, une atteinte grave et immédiate à la situation de la personne assignée et justifie donc une situation d’urgence (1ère condition du référé-liberté). La condition d’urgence du référé-liberté est donc en principe remplie lorsqu’est en cause une telle décision.

Le Conseil d’Etat considère, néanmoins, que les mesures d assignation à résidence dont il est saisi ne porte pas une atteinte manifestement illégal (2ème condition) à la liberté d’aller et venir. L’appréciation de cette atteinte par l’autorité administrative se fonde sur la conciliation nécessaire entre le respect des libertés et la sauvegarde de l’ordre public eu égard aux motifs de la mesure et aux modalités de la décision. Le Conseil d’Etat a ainsi constaté que les assignations à résidence prises en l’espèce portent atteinte à la liberté d’aller et venir. En revanche, si les assignations à résidence restreignent cette liberté, il a jugé qu’elles n’étaient pas pour autant privatives de liberté. Dans cette affaire, le Conseil d’Etat a particulièrement relevé que les intéressés avaient déjà participé à des actions revendicatives violentes et qu’ils avaient préparé des actions de contestation visant à s’opposer à la tenue et au bon déroulement de la COP 21 ainsi que des actions violentes à l’encontre de l’Etat ou d’autres personnes morales soutenant cette conférence. Les mesures d’assignations à résidence n’ont donc, en l’espèce, pas été suspendues. Néanmoins, et même si les troubles susceptibles d’être causés n’ont pas de lien avec une menace terroriste, nous soulignons que les requérants étaient connus des services de police pour des faits d’extrêmes violences. Ceci explique certainement la décision du Conseil d’Etat.

Dans un jugement du tribunal administratif de Paris, neuf interdictions de séjour ont été suspendues le 17 mai 2016 s’étalant sur un périmètre délimité aux alentours de la place de la République à l’occasion des manifestations contre la réforme du code du travail. Comme nous l’avons évoqué ci dessus, dès lors que les intéressés n’on pas de lien certain avec une menace terroriste et n’ont pas de passé judiciaire alors la mesure est suspendue.

- Un assouplissement de la jurisprudence relative aux actes de police administrative pris dans le cadre de l’état d’urgence était néanmoins à constater.

Une ordonnance du 06 janvier 2016 contrôlant les modalités d’organisation d’une assignation à résidence, a prononcé la modification de l’assignation à résidence de la requérante. Dans le cas d’espèce, la requérante pouvait avoir un lien avec le terrorisme. En effet, celle-ci était mariée religieusement (musulman) avec une personne liée au terrorisme international, participant à un trafic d’armes au profit de la communauté tchétchène et depuis disparu. Néanmoins, celle-ci n’ayant aucun passé judiciaire et au nom de la vie familiale et de l’intérêt des enfants (trois enfants) le Conseil d’Etat a considéré que les mesures étaient disproportionnées et à ordonné que soit aménagé plus légèrement son obligation de présentation au poste de police. Décision, qui quelques mois auparavant, n’aurait certainement pas été aussi conciliante.

L’ordonnance du 22 janvier 2016 franchit un pas important en suspendant cette fois une assignation à résidence en lien avec le terrorisme. Cette décision confirme que le juge administratif entend exercer un contrôle effectif de la mise en œuvre de l’état d’urgence. Il s’agissait de la première suspension prononcée par la haute juridiction administrative depuis la mise en place de l’état d’urgence le 14 novembre.

Dans l’ordonnance qu’il a rendue, le juge des référés du Conseil d’État, après avoir estimé qu’il y avait urgence à ce qu’il statue à très bref délai, souligne que l’arrêté d’assignation à résidence est fondé sur trois motifs :

- « l’intéressé a été signalé le 13 mai 2015 aux abords du domicile d’une personnalité faisant l’objet d’une protection policière alors qu’il prenait des photos ;

- il appartiendrait

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