Le Parlement de la Ve République est-il encore aujourd’hui le législateur ?
Par Stella0400 • 4 Juin 2018 • 3 212 Mots (13 Pages) • 821 Vues
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le Comité consultatif pour la révision de la Constitution présidé par le doyen Vedel constatait que « trente cinq après l’entrée en vigueur de la Constitution, les interrogations se multiplient sur la place, le rôle et les conditions d’activité du Parlement »
Il est ainsi légitime d’étudier comment la pratique du régime de la Ve République a influencé le rôle du Parlement et ses prérogatives, jusque la détenteur absolu du processus législatif, au point de bousculer la séparation des pouvoirs.
Aussi , bien que le Parlement demeure le principal législateur quoique bridé depuis 1958 (I) , ce dernier est dans sa fonction législative , également concurrencé et contourné par d’autres acteurs (II).
I- Le Parlement : un législateur probant mais bridé depuis 1958
Le parlement reste un législateur important depuis 1958. Toutefois le pouvoir constituant a restreint son activité législative. En effet , son pouvoir d’initiative a été limitée et si dans l’élaboration de la loi , le Parlement dispose de plusieurs moyens d’actions, ils ont aussi été encadrés (A). En outre , le fait majoritaire apparu à partir des années 60 , a transformé le Parlement en chambre d’enregistrement qui vote les lois sans réellement les discuter (B).
A- La Constitution de 1958 comme frein du Parlement par une limitation du pouvoir d’initiative et un encadrement des moyens d’actions
L’article 39 de la Constitution dispose que l’initiative législative appartient au Premier ministre (projet de loi) et au Parlement (propositions de lois déposés par un sénateur ou un député et souvent par plusieurs) , confirmant l’idée que le Parlement est bien un législateur à part entière. Cependant , ce droit d’initiative a été bridé par la Constitution. L’article 40 organise l’irrecevabilité financière qui interdit à une proposition d’avoir pour conséquence une diminution des ressources publiques ou une aggravation des charges publiques , ce qui constitue une limitation drastique. L’article 41 pour sa part rejette les contrariétés avec la Constitution mais de façon moins radicale . En outre, l’initiative parlementaire est écartée pour des lois spécifiques ( lois de finances ou de programmation). Enfin, si le domaine de la loi a également connu une limitation certaine en 1958 que la jurisprudence du Conseil constitutionnel a cependant élargie , le nouvel article 39 alinéa 5 peut conduire à soumettre les propositions à un éventuel contrôle du Conseil d’État sauf si son auteur s’y oppose. Ces limitations de droit d’initiative témoignent d’une volonté d’encadrement du Parlement qui se retrouve également dans les autres moyens d’action dont il dispose dans sa fonction.
Les propositions de loi qui ont franchi les obstacles précédents sont ensuite discutées par l’une des commissions prévues à l’article 43 (huit à l’Assemblée nationale et Sénat). A ce stade, les textes de loi peuvent être amendés en vertu de l’article 44 alinéa premier de la Constitution. C’est ce moment privilégié qui constitue la liberté d’expression des parlementaires qui est cependant soumis aux irrecevabilités des articles 40 et 41. Rendu plus aisé en première lecture depuis 2008 (article 45 alinéa premier), ce droit d’amendement est aussi possible en séance plénière bien que dans des conditions plus limités, si le Gouvernement le décide (article 44 alinéa 2).
Toutefois , à la faveur de la révision de juillet 2008, les textes qui seront débattus en séance publique ne sont plus systématiquement les textes du Gouvernement, comme depuis 1958 , mais ceux proposés par les commissions parlementaires (article 42 alinéa premier). Rendant ainsi au Parlement sa fonction réelle d’étude et d’amélioration des textes dans des délais stricts (article 42 alinéa 3), la portée de cette disposition est à nuancer compte tenu de la composition des commissions, reflet de la majorité qui soutient le Gouvernement.
Enfin , l’inscription à l’ordre du jour a longtemps été le privilège unique du Gouvernement (article 48). Depuis la révision de 2008 , une nouvelle organisation de cet ordre du jour permet aux parlementaires de le maîtriser un peu mieux ( une semaine sur quatre lui est octroyée,en vertu du nouvel article 48) mais la encore le Gouvernement a la faculté d’en réduire la portée , sans pour autant la négliger complètement et peut même compter sur une majorité docile pour modifier son propre ordre du jour.
Encadré dans ses moyens d’action instaurée par la Constitution, le Parlement peut voir son rôle de législateur remis en cause également par le phénomène du fait majoritaire.
B- L’autonomie législative du Parlement restreinte par le fait majoritaire
Le fait majoritaire sous la Ve République apparu en 1962, assure un fonctionnement régulier du régime et constitue une rupture importante par rapport aux régimes précédents. Le fait majoritaire parfait (soit l’alignement politique des trois majorités: présidentielle, gouvernementale et parlementaire ) est défavorable au Parlement dans le sens ou la solidarité nécessaire en régime parlementaire entre Parlement et Gouvernement s’est transformée en domination du Gouvernement sur le Parlement.
Il y a plusieurs raisons à la survenance de ce phénomène. Tout d’abord, on peut évoquer la mise en place du scrutin uninominal à deux tours pour les élections législatives. Sous la IVe République, la représentation proportionnelle contribuait à émietter la représentation parlementaire et empêchait la formation d’une majorité stable et de soutien à la politique du Gouvernement. Désormais, l’élimination au second tour des candidats qui ont un score trop faible avantage les grosses formations et contribue à sur représenter la majorité. D’autres moyens contenus dans la constitution assurent cette stabilité et une certaine discipline qui va donner naissance au fait majoritaire . Ensuite, l’élection présidentielle au suffrage universel direct, depuis 1962, légitime le Président de la République et en fait le chef de la majorité présidentielle (celle qui l’a élu) ainsi que de celle parlementaire (celle qui le soutien au Parlement). Pour cette dernière des mécanismes assurent la prééminence du Président de la République.
Le Gouvernement tire donc sa légitimité de la majorité présidentielle et impose au Parlement ses décisions. La procédure législative lui permet en effet d’imposer
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