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Le designer est-il une figure toujours convaincue de la collaboration avec l'industrie 

Par   •  8 Octobre 2017  •  1 899 Mots (8 Pages)  •  989 Vues

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à ce moment là que la question de l’affecte s’est posé. Quel lien était jusqu’ici établi entre le consommateur et l’objet  ? Existait-il un rapport sensible, affectueux entre eux  ? Ou n’était-ce qu’un rapport dérisoire entre un homme et son matériel  ?

Le but va être de transmettre des émotions par l’objet, en transformant justement la composition de l’objet standard, son allure, mais aussi le message personnel qu’il fait passer au consommateur. Un groupe de designers portés par les même idéaux, c’est à dire de renouveler les objets industriels standard devenus trop répandus et acceptés, vont se rassembler à l’aube des années quatre-vingt pour former Memphis. Fondé par Ettore Sottsass en 1981 à Milan, ils ont beaucoup travaillé sur les formes, les matériaux, mais ils ont aussi élargi les gammes de couleur, de motif, et de matériaux. Les couleurs deviennent, avec eux, plus pétaradantes, plus gaies, comme on peut l’observer par exemple sur la Bibliothèque Carlton qu’a réalisé Ettore Sottsass en 1981. Non seulement les formes de cette bibliothèque sont nouvelles et inédites, mais elle est aussi très colorée, ce qui, à l’époque, casse avec le design qui est habituellement donné à voir. Il y a aussi un jeu sur le motif, que Nathalie Du Pasquier sait d’ailleurs bien manier. Elle collabore avec de nombreux designers en intégrant ses motifs dans leurs productions, comme par exemple dans les Armchairs de George Sowden en 1981. Ses motifs, à la fois simples mais travaillés, se fondent à merveille dans ces meubles colorés, ils deviennent l’identité de l’objet, le rendant à part entière. Les objets ne sont plus fades, parce que colorés par un code pré-établi, comme celui du Bauhaus par exemple, au contraire, leur couleurs et leurs motifs deviennent expressifs, ils nous donnent à penser, ils nous donnent envie de nous y attacher, ils deviennent agréables et perdent la froideur qu’ils pourraient dégager sans cela. Certains designers vont aussi questionner le rapport que peut avoir l’homme avec la nature, en l’intégrant dans leurs objets, cette dernière n’ayant jusqu’ici aucunement sa place au sein de l’objet standard industrialisé. C’est ce qu’a fait Andrea Branzi dans sa série Les Animaux domestiques en 1985 où il intègre à des objets de mobilier à forme archétypale des rondins de bois. Ces éléments naturels apportent la fonction inédite du rapport affectif à l’objet. Il est vrai que l’homme entretient un lien particulier avec la nature, il n’a parfois pas l’occasion de s’y retrouver tous les jours pleinement, il apprécie donc la retrouver dans un contexte quotidien plus confortable et intime, ce qui lui offre la possibilité de s’y attacher, contrairement à un objet standard à l’aspect plus lisse, plus parfaite, mais beaucoup plus froide. Au delà de l’attrait esthétique agréable, l’apport de la nature dans cette production permet la singularité de cette dernière. En effet, aucune branche ou rondin n’est identique, aucune production ne pourra être la même  : c’est ce qui la définit en tant que pièce unique. C’est pour cela que le consommateur va entretenir un rapport encore plus personnel avec l’objet  : la sensation d’être le seul à le posséder va engendrer le fait qu’il va se l’approprier entièrement et de ce fait réellement l’apprécier, voire l’aimer. En tout cas, se sentir vraiment proche de lui, et lui porter encore plus d’intérêt, puisqu’il est intégré depuis longtemps dans les mentalités que la rareté a plus de valeur que la banalité. C’est pourquoi ces designers ont permis un grand tournant dans l’histoire du design. Alors que les objets devenaient purement fonctionnels et pauvres de sensibilité, ils ont su à l’aide d’une nouvelle esthétique et d’une singularité de l’objet, redonner vie à ces objets, et surtout, créer un réel rapport entre l’objet et le consommateur, pourtant inexistant auparavant.

Le designer a réussi à vivre avec son temps et a collaborer avec l’industrie d’une manière très pertinente. Il a su, dans une logique capitaliste, adopter une attitude socialiste en faisant en sorte de pouvoir créer des objets bien moins coûteux que ce que proposait l’artisanat, et de ce fait s’adresser au plus grand nombre. Les objets industriels étant au départ très critiqués, et très peu acceptés, certains designers (notamment ceux de l’école du Bauhaus et de l’école d’ULM) ont réussi à travailler en adéquation avec l’industrie et à proposer des objets agissant comme médiateurs entre les hommes et l’industrie, proposant et instaurant des standards esthétiques au sein des populations. On s’éloigne tout de même de la production artisanale et de l’héritage laissé par William Morris qui, par l’ornementation, et son mouvement Arts & Crafts, souhaitait allier l’artisanat et l’industrialisation. John Rosquin déplore par ailleurs le geste artisanal, l’erreur, la trace, ce qui atteste de l’individualité de l’homme, ce qui provoque une émotion, perdus à cause de l’industrie qui produit des objets parfaits. Ce sont toutes ces valeurs oubliées qui vont motiver la quête de certains designers, dont ceux de Memphis. Ils vont réussir à montrer comment le design peut communiquer, être expressif, et transmettre des émotions par différents moyens, chose qui avait été entièrement perdue avec l’objet standard et la fin de l’artisanat. En parvenant à allier le naturel à l’artificiel, l’artisanat à l’industriel, ils ont fait naître une conciliation entre la mémoire, les souvenirs, la poésie, les rêves, demeurant tout en chacun. Malgré tout, l’objet artisanal est, et demeure très cher, bien plus coûteux qu’un produit industrialisé. C’est pourquoi, la posture du designer reste complexe. Comment agir pour le plus grand nombre en gardant des valeurs telles que celles de Memphis  ? Le designer se retrouve sans cesse tiraillé entre deux idéaux  : celui de produire des choses accessibles aux populations, et celui de transmettre quelque chose de vrai, par l’objet, à ces mêmes populations.

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