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Interprétation stricte de la loi pénale

Par   •  25 Novembre 2018  •  2 523 Mots (11 Pages)  •  449 Vues

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La Cour de cassation interdit également au juge du fond de sanctionner un comportement en appliquant à texte qui a été pour un autre sous prétexte qu’ils sont similaires. Dans un arrêt du 2 novembre 1945 la chambre criminelle de la Cour de cassation précise que « qu’en matière répressive, tout est de droit étroit ; qu’une disposition légale sanctionnée par une peine ne peut pas être étendue, pour l’application de cette peine, des cas qu’elle a spécifiés à un cas qu’elle n’a pas prévu ». Si un comportement n’est pas incriminé et assorti d’une peine dans la loi, le juge ne peut pas par un raisonnement analogue le condamner : « les juges répressifs ne peuvent prononcer une condamnation que si le fait poursuivi constitue une infraction punissable » chambre criminelle, 24 novembre 1993.

L’interprétation par analogie permettrait en fait au juge pénal de rajouter des dispositions à un texte incriminateur alors que le juge devrait en principe être uniquement « la bouche de la loi », se contenter d’appliquer les lois telles que rédigées par le législateur.

Par exemple, le juge ne pouvait sanctionner le comportement qui consiste à consommer dans un restaurant en sachant qu’on est dans l’impossibilité de payer car ce n’était pas un vol car il n’y avait pas de soustraction frauduleuse ayant été servi. On ne pouvait pas également qualifier d’escroquerie car il n’y a pas de moyens frauduleux qui ont été utilisés ni d’abus de confiance puisqu’il n’y a pas de détournement. Le juge pénal procèderait pas analogie s’il qualifiait ce comportement par ces incriminations or c’est contraire au principe de légalité criminelle et au principe d’interprétation stricte. Le législateur a donc incriminé ce comportement à l’article 313-5 du code pénal : la filouterie d’aliments. L’article liste plusieurs filouteries comme la filouterie de carburant.

Il y a une exception à cette interdiction d’une interprétation par analogie, c’est lorsqu’elle s’opère en faveur de la personne poursuivie. L'analogie peut être utilisée pour élargir les causes d'irresponsabilité pénale. L’ancien code pénal admettait exclusivement la légitime défense des personnes cependant les juges l'ont étendue aux biens. Si l'immunité familiale était limitée à la qualification du vol, la jurisprudence lui a reconnu une définition large et l'a appliqué à d'autres atteintes aux biens comme l’escroquerie ou l’abus de confiance. Le nouveau code pénal a consacré ces jurisprudences.

- L’interprétation stricte : outil essentiel du juge pénal

Le juge peut établir une politique criminelle grâce au principe d’interprétation stricte en faisant une interprétation défensive de la loi (A) et en faisant une utilisation défensive de l’interprétation stricte (B).

- L’interprétation défensive de la loi pénale

L’interprétation de la loi pénale utilisée à titre défensif permet au juge de refuser de trancher une question de droit sensible. Le juge l’a notamment utilisée concernant l'application de l'incrimination de l'homicide involontaire à l'enfant à naître, plus précisément, à l'enfant viable qui n'a jamais respiré. La Cour de cassation a considéré que l'enfant viable et qui n’a pas été vivant est exclu du champ d'application de l’homicide involontaire. En raison du principe de l'interprétation stricte de la loi pénale, l'enfant à naître n'accède pas au statut d'« autrui » protégé par l'article 221-6 du Code pénal. L’arrêt rendu en assemblée plénière du 29 juin 2001 confirme cette analyse. En l’espèce, un conducteur ivre a provoqué un accident, la femme enceinte victime de l’accident n’a pas subi de blessures mais l’enfant est né mort-né. L’autopsie a montré que l’enfant n’a pas respiré et on ne peut donc pas appliquer l’homicide involontaire car il ne s’applique pas à l’enfant à naitre. La Cour Européenne des Droits de l'Homme, dans l’arrêt Vo contre France rendu en 2014, a considéré que le droit français ne viole pas les garanties essentielles de la Convention. En l'absence de consensus en Europe sur ces questions, la Cour européenne des droits de l’Homme déclare « qu'il ne lui paraît ni souhaitable, ni même possible actuellement de répondre dans l'abstrait à la question de savoir si l'enfant à naître est une personne au sens de la Convention ». Ce revirement de la cour de cassation concernant l’enfant viable découle du principe d’interprétation stricte car l'article 221-6 ne précise pas à quel seuil il considère que autrui est une personne et n’exclut pas non plus l’enfant naissant de la protection pénale qu’il garantit. Le juge n’a pas voulu procédé par analogie en appliquant autrui à l’enfant à naitre car le législateur dans ces travaux tend à protéger d’avantage la femme qui l’enfant à naitre avec le droit à l’avortement. C’est donc une méthode téléologique qui a été utilisé, on a cherché l’intention du législateur et à ne pas la contrer.

La chambre criminelle s’est rendu compte que l’argument de l’interprétation stricte ne tient pas car autrui ne renvoie pas nécessairement à une personne juridique (d’autres textes du code pénal précise « personne d’autrui »). Ce revirement a donc été critiqué car le juge aurait ajouté des conditions u texte 221-6 qui ne précise pas de délai.

Devant l'attitude hostile de la doctrine et la résistance des juridictions du fond, la Chambre criminelle refuse de motiver cette solution juridique à partir de 2003. Si dans un premier temps, la Cour de cassation a visé uniquement le principe de l'interprétation stricte de la loi pénale, dans un deuxième temps, elle décide de faire référence au « régime juridique de l'enfant à naître relevant de textes particuliers sur l'embryon ou le fœtus » dans un arrêt du 29 juin 2001 (assemblée plénière) pour ensuite revenir à l'exclusivité de l'interprétation stricte dans l’arrêt du 4 mai 2004 : « dès lors que, l'enfant n'étant pas né vivant, les faits ne sont susceptibles d'aucune qualification pénale ».

C’est une interprétation défensive de la loi pénale puisque cette absence de motivation est un choix de la part du juge afin de pousser le législateur à intervenir et à modifier la protection pénale de l'enfant à naître qui au-delà du débat juridique, est un débat de société. En refusant de se prononcer, le juge

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