Distinction contrat d'entreprise contrat de vente
Par Matt • 13 Décembre 2017 • 3 366 Mots (14 Pages) • 1 269 Vues
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La première victoire de ce dernier sur la vente démarre en 1897 avec l’arrêt de principe de la chambre civile, en date du 5 janvier, qui accepte le contrat d’entreprise pour un contrat de commande d’une chose à fabriquer dont le travailleur amène lui-même la matière. Afin de distinguer les deux formes contractuelles la jurisprudence, à partir de cet arrêt, applique un critère dit « économique » ou « accessoire ». Le juge recherche par ce critère dans l’opération quelle est la part prépondérante (le moteur des volontés) entre la matière fournie et le travail effectué dans le contrat. Par exemple, quand la fourniture de matériau prédomine sur le travail fourni, considéré comme accessoire, la jurisprudence parle de « vente à livrer » (1re civ. 27 avril 1976). En l’espèce il s’agissait d’une commande d’un ensemble décoratif composé de rideaux et passementeries. La qualification donnée par ce critère est unique ou exclusive, le contrat peut être soit de vente soit d’entreprise (le caractère mixte et l’application distributive des règles des deux régimes étant rarement retenue par les juges). Des indices permettaient de mettre en avant un type de contrat, par exemple la présence du sous-traitant sur le chantier envers le contrat d’entreprise (3ème civ. 31 janv. 1996).
Cette qualification quantitative présente des avantages certains, alors même que son caractère objectif est contestable. En effet, le juge pouvait s’en servir afin de protéger la partie la plus faible au contrat. Il arrivait au juge, dans un soucis de protection du consommateur, de privilégier la vente pour faire profiter le contractant des garanties du par le fournisseur. Par exemple pour la commande d’un équipement frigorifique adapté à un camion afin d’écarter une limitation de garantie (Com. 5 janv. 1961).
Cependant le critère économique, en outre que la qualification unique peut sembler réductrice, ne reflète pas toujours la réalité.
Ainsi la Cour de cassation y a préféré un autre critère, abandonnant par là même celui économique : le critère dit « spécifique » ou « standard ». Cette nouvelle méthode a été insufflée par l’arrêt de la 3ème chambre civile du 5 février 1985 relatif à des armatures métalliques destinées à des travaux de fondation d’un immeuble. Cette évolution jurisprudentielle (confirmé depuis : com. 13 oct. 1998, 14 déc. 1999, 6 mars 2001) est analysée par certains auteurs comme une seconde victoire du contrat d’entreprise sur la vente car il n’y a plus besoin de regarder qui fournit les matériaux entrant dans la composition de l’ouvrage, ni que le travail prédomine dans le contrat pour obtenir sa qualification. Les juges distinguent via ce critère « la production standard et la confection sur mesure » selon l’expression de J. Huet. Le contrat d’entreprise se distingue alors de la vente en ce qu’il porte « non sur des choses dont les caractéristiques sont déterminés d’avance par le fabricant mais sur un travail spécifique pour les besoins particuliers » exprimés par le maître de l’ouvrage (Com. 4 juill. 1989). A l’inverse, il a été jugé par exemple qu’il relevait de la vente la fourniture de machines et accessoires fabriqués sur commande car elle « ne présente aucune particularité et aucune indication spécifiques concernant la forme, la consistance, les dimensions desdites machines eu égard à l’ensemble commandé » (Com. 1 oct. 1991).
C’est bien se critère qui a permis au juge le 2 juillet 2008 de considéré que les matériaux produits par la SEAC n’étaient pas suffisamment spécifiques pour entrer dans la qualification juridique du contrat d’entreprise. On peut tenter, à partir des différents exemples jurisprudentiels, de dessiner le cadre de ce critère spécifique.
- Les conditions de reconnaissance d’un contrat de vente par le critère de spécificité
Une fois qu’on a dit qu’il s’agissait d’un critère spécifique pour distinguer les deux formes contractuelles qui nous intéressent nous n’avons pas dit grand chose. Quel degré de spécificité ? Pour comprendre l’attendu de l’arrêt d’espèce il faut s’intéresser à la nature profonde de la prestation contractuelle que tend à transcrire ce critère. Il semble que travers ce critère de spécificité la jurisprudence a développé deux conditions permettant la distinction contractuelle : l’unicité et la finalité (Com. 20 juin 1989, 1re civ. 4 juillet 1989).
Dans un premier temps, la condition d’unicité prévoit que le contrat de vente se reconnaît par la standardisation de la chose, c’est à dire l’existence d’un substitue, puisque produit en série. La présomption va à la vente du l’objet commandé est présente dans le catalogue du fabricant (Com. 6 mars 2001). Inversement, pour le contrat d’entreprise il faut que l’objet du contrat ne porte pas sur des choses déterminées à l’avance, afin que le bien soit ni remplaçable ni substituable. Le corolaire de ce caractère irremplaçable de la chose est que celle-ci soit « incompatible avec une production en série normalisée » comme le souligne l’arrêt Cogemip.
En cas de défaut de précisions sur la nature de la chose il faut présumer la standardisation (3ème civ.11 mai 2005). Les juges de cassation font de la vente le principe et le contrat d’entreprise l’exception.
En l’espèce la SEAC Guiraud frères, s’appuyant sur le rapport de SOCOTEC, ont mis en exergue que les produits commandés exigeaient « une adaptation à réaliser pour chaque commande » afin de correspondre au chantier. De surcroit que « [la] géométrie [des produits en cause] en trois dimension doit donc être déterminée en regard de l’ouvrage dans lequel ils serons mis en œuvre ». Ainsi ces marchandises étaient donc fabriquées sur mesure selon l’entreprise, alors on est en droit de s’interroger sur le rejet de la condition d’unicité.
Pour appréhender la solution de la Haute Cour il faut la regarder à travers le prisme de la jurisprudence Alcatel (Com. 6 mars 2001). En effet dans cette affaire relative à la commande d’un câble de fibre optique, la Cour de cassation a développé le critère de spécificité en distinguant entre spécifications données et travail spécifique ; le second seulement emportant la qualification de contrat d’entreprise. L’attendu dispose que « les spécifications ne traduisent pas [nécessairement] une exigence impliquant une confection particulière ». Le contrat d’entreprise ne suppose donc pas seulement que le donneur d’ordre exige certaines particularités quant à la chose fabriquée
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