Commentaire de l'arrêt ferrazzini
Par Plum05 • 25 Novembre 2018 • 2 100 Mots (9 Pages) • 402 Vues
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La Cour souligne à cet égard que les anciennes instances ont pris en compte cette évolution puisqu’elles ont progressivement inclus dans le champ de la matière civile des procédures dépendantes du « droit public » lorsque leur issue était déterminante pour des droits et obligations de caractère privé.
À titre d’exemple, la Cour cite la jurisprudence rendue tant sur les litiges relatifs aux prestations accordées par les systèmes publics de protection sociale que sur ceux concernant les autorisations administratives encadrant l’exercice de certaines professions.
Cependant, la Cour relève que l’ancienne juridiction excluait de la matière civile, malgré leur éventuel caractère patrimonial, les litiges portant sur des droits et obligations de caractère politique, tel le droit de se porter candidat à une élection à l’Assemblée nationale (CEDH 21 oct. 1997, Pierre-Bloch cl France), les litiges nés entre l’Administration et ses agents participant à l’exercice de la puissance publique et enfin les litiges portant sur l’expulsion des étrangers (CEDH, Maaouia c/France).
Sur un plan particulier, la Cour considère qu’en matière fiscale, celle-ci relève du noyau dur des prérogatives de la puissance publique dans la mesure où, selon elle, « le caractère public du rapport entre le contribuable et la collectivité reste prédominant ». Ainsi, des obligations fiscales relevant du droit public, ne peuvent en conséquence, ne pas entrer dans le champ de la notion de « droits et obligations de caractère civil ».
En l’espèce, l’obligation du contribuable était de nature patrimoniale et résultait d’une législation fiscale, elle relève donc du domaine public et est exclue du volet civil de l’article 6.
- Une décision critiquable.
Le refus de la Cour d’appliquer l’article 6§1 de la CEDH au contentieux fiscal peut être critiqué au regard du principe d’indisponibilité de la notion « des droits et obligations à caractère civils » (A) et l’exclusion du champ de l’article 6§1 du caractère patrimonial (B).
- L’indisponibilité de la notion « des droits et obligations à caractère civil ».
Dans plusieurs arrêts, la Cour a affirmé le principe de l’autonomie de la notion « des droits et obligations à caractères civils ». La Cour s’était proposée de vérifier si le champ d’application de l’article 6 devait ou non être désormais étendu aux litiges fiscaux qui mettent en cause la légalité en droit interne des décisions de l’Administration fiscale, et donc implicitement de vérifier si un caractère civil devait ou non être reconnu aux droits invoqués par les contribuables dans de tels litiges.
Or, la Cour s’est principalement concentrée sur la nature des « obligations », mettant ainsi de côté celle des droits. De plus, elle s’est uniquement préoccupée de l’intervention de l’État dans la réglementation des relations privées entre individus et de la vie civile des contribuables, sans prendre en considération les changements intervenus dans la protection juridique des contribuables dans leurs relations avec les administrations fiscales. Elle considère en effet dans un premier temps que les évolutions qui ont pu avoir lieu dans les sociétés démocratiques ne concernent pas la nature essentielle de « l’obligation » pour les individus et les entreprises de payer l’impôt. Ainsi, c’est bien, entre autres, par des motifs identiques à ceux de l’arrêt « Schouten et Meldrum » que la Cour justifie sa décision « Ferrazzini ».
Ensuite, et en tout état de cause, l’affirmation de la Cour, selon laquelle les évolutions qui ont pu avoir lieu dans les sociétés démocratiques ne concernent toutefois pas la nature essentielle de « l’obligation » pour les individus et les entreprises de payer l’impôt, ne paraît ni certaine ni suffisante pour justifier l’inapplicabilité de l’article 6 en matière fiscale.
Elle est tout d’abord contestable parce que les changements intervenus dans la législation pour encadrer les pouvoirs de l’Administration dans les procédures fiscales, aussi bien administratives que contentieuses, ont fortement réduit le pouvoir discrétionnaire de l’État dans ce domaine. En ce sens, même s’il est vrai que les obligations fiscales des contribuables ressortissent fondamentalement du droit public, son caractère public a perdu de sa vigueur, l’Administration devant aujourd’hui plus que jamais justifier son action dans le domaine fiscal.
Elle paraît insuffisante ensuite, car il s’agissait de vérifier si les changements intervenus quant à la protection juridique des contribuables dans leurs rapports avec l’Administration fiscale étaient ou non de nature à conclure désormais que les « droits », ou certains « droits », revendiqués par les contribuables présentaient un caractère civil au sens de l’article 6
La doctrine fiscale actuelle montre en effet l’absurdité qu’il peut y avoir à soutenir qu’un litige, du seul fait qu’il est fiscal, n’a pas à satisfaire les garanties du procès équitable alors même que le droit interne lui accorde déjà des structures juridictionnelles pratiquement en tous points conformes aux juridictions judiciaires, quand une partie du contentieux n’est pas elle-même gérée par les juridictions judiciaires.
- L’exclusion du caractère patrimonial injustifié.
Concernant le contentieux fiscal, si la Cour ne conteste pas le caractère « patrimonial » du droit des contribuables à récupérer les sommes qu’ils estiment avoir indûment versées dans le cadre de la contestation du bien-fondé de leurs impositions comme des procédures conduisant à leur établissement, la Cour a jugé, dans sa décision « Schouten et Meldrum » du 9 décembre 1994, que ce caractère patrimonial est cependant insuffisant pour emporter une qualification civile. Ainsi, pour la Cour, toute obligation de nature patrimoniale n’a pas vocation à entrer dans la sphère civile de l’article 6§1, et la Cour précise dans l’absolu que tel est le cas des obligations fiscales, tout en réservant le cas des actions relevant de la matière pénale (CEDH, 24 février 1994, Bendenoun c/France).
L’article 6 prévoit en effet l’application des garanties du procès équitable lorsque la contestation du requérant porte sur « ses » droits et obligations de caractère civil. C’est donc du point de vue du requérant qu’il convient de se placer pour apprécier le caractère civil du droit et/ou de l’obligation en cause.
D’après
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