Commentaire de l'arrêt de Cass. Crim. du 25 septembre 2012
Par Ramy • 19 Novembre 2018 • 3 393 Mots (14 Pages) • 594 Vues
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Par suite, les prévenus ont formé un pourvoi en cassation.
- Les juridictions françaises sont-elles compétentes pour sanctionner une infraction de rejet d’hydrocarbures commise en haute mer ? L’affréteur peut-il être tenu responsable de l’Etat de vétusté du navire ?
Devant la Cour de cassation, la crainte d'un retour en arrière s'était manifestée lorsque l'on eut connaissance de l'avis de l'avocat général. Celui-ci contestait d'une part l'application de la loi française, d'autre part la notion de préjudice écologique, estimant qu'il se confondait avec le préjudice moral des associations. La Cour de cassation n'a fort heureusement pas suivi l'avis de son parquet. Elle confirme d'abord la compétence des juridictions françaises, même pour un naufrage ayant eu lieu en dehors des eaux territoriales, dès lors qu'est sanctionné un rejet involontaire d'hydrocarbure dans la zone économique française par un navire étranger entraînant un dommage grave à l'Etat côtier dans sa mer territoriale et sur son littoral. Puis elle retient la responsabilité civile de la société Total, écartée par la cour d'appel, en présence d'une « faute de témérité » de l'affréteur habituellement nommée faute inexcusable. Mais surtout, la chambre criminelle consacre la notion de préjudice écologique défini sommairement comme « l'atteinte directe ou indirecte portée à l'environnement » et considère justifiées les indemnités allouées en réparation de ce préjudice, alors même que l'avocat général s'en tenait à la réparation des seuls préjudices prévus par la convention CLC, à savoir des préjudices économiques (art. 1-6).
- La compétence exceptionnelle des juridictions françaises pour les infractions commises au-delà des eaux territoriales
- Une compétence de principe de l’Etat côtier en cas de dommage grave …
L'argument le plus radical élevé contre l'arrêt attaqué relevait du seul droit de la mer. En effet, l’article 97 de la Convention de Montego Bay sur le droit de la mer, signée le 10 décembre 1982 et publiée par le décret n°96-774 du 30 août 1966, précise que c’est en principe la loi de l’Etat du pavillon du navire qui s’applique en cas d’infraction en dehors des eaux territoriales d’un Etat tiers. En l’espèce, c’est donc le droit maltais, en matière de rejet des polluants en mer, qui aurait dû s’appliquer à l’Erika.
Toutefois, la CMB apporte un certain nombre de dérogations à cette règle, et les plus pertinentes se trouvent dans sa section 5 intitulée Règlementation internationale et droit interne visant à prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin. C’est au cœur de cette section que la Cour de cassation trouve le fondement de la compétence des juridictions françaises, nonobstant les conclusions de l’avocat général. En effet, la Cour de cassation invoque à l’appui de son raisonnement l’article 228 de la CMB qui dispose que :
« Lorsque des poursuites ont été engagées par un État en vue de réprimer une infraction aux lois et règlements applicables ou aux règles et normes internationales visant à prévenir, réduire et maîtriser la pollution par les navires, commises au-delà de sa mer territoriale par un navire étranger, ces poursuites sont suspendues dès lors que l'État du pavillon a lui-même engagé des poursuites du chef de la même infraction, dans les six mois suivant l'introduction de la première action, à moins que celle-ci ne porte sur un cas de dommage grave causé à l'État côtier ou que l'État du pavillon en question ait à plusieurs reprises manqué à son obligation d'assurer l'application effective des règles et normes internationales en vigueur. »
Toutefois, il convient de préciser que cette disposition ne règle qu’un simple conflit de juridiction et suppose que l’Etat tiers, souvent l’Etat côtier, dispose au préalable du pouvoir de juger. C’est d’ailleurs ce que soutiennent les prévenus, qui estiment que la loi du 5 juillet 1983 réprimant la pollution par les navires et punissant toute personne ayant un pouvoir de contrôle et de direction dans la gestion et la marche du navire, dont l’imprudence ou la négligence a provoqué un accident de mer à l’origine d’une pollution des eaux territoriales, ne pouvait s’appliquer à des rejets de navires au-delà des eaux territoriales. Pour rejeter cette argumentation, la Cour retient que l’infraction de pollution involontaire a entrainé des dommages graves à l’Etat côtier, sans entrer plus en détail dans la distinction entre le lieu de commission de l’infraction et le lieu du dommage.
- … Ou de l’inaction de l’Etat du Pavillon
Force est de constater qu’il aurait été plus opportun pour la Cour de soutenir la compétence française au visa de l’article 211 de la CMB, selon lequel « Les États côtiers peuvent adopter pour leur zone économique exclusive des lois et règlements visant à prévenir, réduire et maîtriser la pollution par les navires qui soient conformes et donnent effet aux règles et normes internationales généralement acceptées établies par l'intermédiaire de l'organisation internationale compétente ou d'une conférence diplomatique générale. » Or, comme le pouvoir de juger est, en droit pénal international, indissolublement lié au pouvoir de légiférer, et que la Cour de cassation a jugé l'article 8 de la loi du 5 juillet 1983 réprimant la pollution par les navires conforme aux « règles et normes internationales » les juridictions françaises étaient compétentes, compte tenu de l'inaction de l'État de Malte.
- La responsabilité civile des personnes s’acquittant de services pour le navire
- Une responsabilité fondée sur la négligence
Pour retenir la responsabilité civile des personnes morales mises en cause, la Cour s’est fondée sur le protocole du 27 novembre 1992, relatif à La responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, autrement appelée Convention CLC 69-92 et publiée en droit interne par les décrets n°75-553 du 26 juin 1975 et n°96-718 du 7 avril 1996.
L’article III de la Convention CLC fait peser une obligation générale de réparation intégrale pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures « sur le seul propriétaire du
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