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Commentaire d'arrêt Maurice Papon

Par   •  31 Octobre 2018  •  6 763 Mots (28 Pages)  •  702 Vues

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La faute personnelle est celle qui laisse transparaître l’homme pris individuellement et non l’agent public.

La jurisprudence administrative, afin de mettre en évidence la faute personnelle, a considéré deux hypothèses.

Dans un premier temps, ce sont les fautes détachables du service mais non dépourvues de tout lien avec le service. Il s’agit d’une faute commise en dehors de l’exercice normal des fonctions, qualifiée ainsi de faute personnelle. Cependant, la faute est commise soit à l’occasion du service, soit avec les moyens du service. La faute se révèle donc être liée au fonctionnement de l’administration. Une illustration de cette faute peut être apporter par l’arrêt Sadoudi (Conseil d’Etat, 26 octobre 1973) : un agent de police a tué accidentellement son collège à son domicile avec son arme de service.

Enfin dans un second temps, il s’agit d’évoquer une faute commise dans le cadre du service mais détachable du service puisque l’agent par son comportement a trahi une préoccupation personnelle. Philippe Lagrange[2] soutenait « ainsi que l’a établi le commissaire au gouvernement Sophie Boissard, dans ses conclusions à propos de l’affaire Papon (CE ass. 12 avr. 2002 […]), on peut identifier trois grandes catégories de fautes personnelles détachables […]) ».

En effet, le juge administratif retiendra la faute personnelle même dans le cadre du service lorsque se manifeste, dans le comportement de l’agent, une intention malveillante ou un désir de nuire.

Comme l’illustre l’arrêt du Tribunal des Conflits, Dame Técher[3], il s’agit d’une faute personnelle constituée par des violences infligées par un agent de la poste à un usager ; des propos injurieux adressés par un agent à l’encontre d’un administré. En d’autres termes, une faute due à « un excès de comportement » comme l’évoquait le Professeur Chapus.

La faute est également réputée personnelle, selon S. Boissord, lorsque l’agent a entendu poursuivre par l’exercice de ses fonctions, un intérêt n’étant que personnel : « des fautes qui révèlent, de la part de l’agent, des préoccupations d’ordre privé »[4]. A l’instar d’un agent qui a commis un détournement de fonds à l’occasion de sa participation au service, commet ainsi une faute personnelle (Conseil d’Etat, 21 avril 1937, Delle Quesnel).

Enfin, il s’agit des « fautes d’une particulière gravité, de par leurs conséquences ou leur caractère inexcusable »[5]. Cette faute doit être « manifeste et d’une exceptionnelle gravité ». C’est ainsi le cas lorsqu’un commissaire de police laisse abattre une personne qui s’était réfugiée au sein de son commissariat. Il est ainsi établi que ce dernier a commis une faute d’une gravité inadmissible (TC, 9 juillet 1953, Dame Veuve Bernadas). Une faute grave est aussi constituée lorsqu’un pompier provoque un incendie en jetant, par inadvertance, une cigarette allumée dans une grange (CE, 27 février 1981, Commune de Chonville-Malaumont).

S. Boissard, dans ses conclusions sur l’arrêt M. Papon, a pu relever que les faits qui ont été commis par l’ancien Secrétaire général de la Préfecture de Gironde n’avaient pas poursuivi un but personnel et que ses agissements n’étaient pas assimilables à des excès de comportements « […] Il n’a en particulier jamais été soutenu, au cours des débats devant le juge pénal que sa conduite avait été dictée par des convictions fascistes ou antisémites ou qu’elle s’expliquerait par un tempérament violent ou agressif ». Le Conseil d’Etat a soutenu que les fautes commises par M. Papon avaient entrainé des conséquences d’une extrême gravité et qui révélaient un comportement inexcusable.

En l’espèce, le Conseil d’Etat a pu relever ce qu’on pourrait appeler un « zèle » de Maurice Papon dans l’exécution de sa mission. En effet, la fonction de Secrétaire général de la Préfecture de la Gironde qu’occupait M. Papon entre 1942 et 1944 n’englobait pas la Direction du Service des questions juives. Seulement par une initiative personnelle, M. Papon avait placé ce service sous son autorité directe.

De plus, le Conseil d’Etat relève d’autres initiatives venant devancer les instructions des supérieurs de M. Papon afin de mettre en œuvre «avec le maximum d’efficacité et de rapidité les opérations nécessaires à la recherche, à l’arrestation et à l’internement des personnes en cause». Maurice Papon avait fait en sorte que les jeunes enfants qui avaient été placés dans des familles d’accueils à la suite de la déportation de leurs parents, soient présents dans les quatre convois qui ont été retenu à sa charge, par la Cour d’assises de la Gironde.

Une telle attitude ne relève selon la Haute Juridiction que d’une faute manifestement personnelle : « […] revêt, eu égard à la gravité exceptionnelle des faits et de leurs conséquences, un caractère inexcusable et constitue par la même une faute personnelle détachable de l’exercice des fonctions ». Pour le Conseil d’Etat, M. Papon responsable de l’arrestation, internement et déportation de 76 personnes d’origine juive ne peut pas expliquer son comportement par des pressions exercées par l’occupant allemand ou des ordres reçus par des supérieurs hiérarchiques. Comme l’a soutenu Michel Zaoui[6], cette décision rendue est extrêmement importante puisqu’elle « repousse énergiquement l’argument de « l’obéissance aux ordres » par le fonctionnaire. Cette obéissance n’exclut pas la conscience du fonctionnaire lorsqu’il exécute l’ordre ». Ce comportement est ainsi inexcusable et revêt un caractère de gravité exceptionnelle. Il s’agit ainsi d’une faute personnelle, le fait que ces actes ont été commis dans le cadre du service est sans influence sur leur qualification.

Le Conseil d’Etat va toutefois reconnaitre qu’une partie des actions commises par l’administration française, qui ne relevait pas directement d’une contrainte de l’occupant allemand, a permis de faciliter les opérations à l’origine de la déportation des personnes d’origine juives (B).

- Une faute de service également identifiée

Par l’arrêt Papon, le Conseil d’Etat revient sur sa jurisprudence d’après-guerre et va ainsi reconnaitre pour la première fois que l’Etat français doit assumer la responsabilité des agissements dommageables commis entre juin 1940 et la date de rétablissement de la légalité républicaine. En effet « cette responsabilité est engagée

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