Commentaire arrêt Musée Rodin, 2008
Par Ramy • 7 Juillet 2018 • 3 055 Mots (13 Pages) • 480 Vues
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B – L’ordonnance du juge des référés manifestement entachée d’une erreur de droit du fait de la grande marge de manœuvre laissée à la personne publique
En l’espèce, le juge administratif considère que le Musée Rodin n’a pas méconnu le principe d’égalité de traitement des candidats en ne négociant qu’avec certains candidats admis à présenter une offre et pas avec d’autres du fait que « la personne publique choisit librement […] ceux des candidats admis à présenter une offre avec qui elle entend mener des négociations » et ce en vertu de l’article 38 de la loi Sapin du 29 janvier 1993. En d’autres termes, le Conseil d’Etat souligne que dans la conduite des négociations la personne publique dispose d’une grande marge d’appréciation. Tout cela permet au juge de considérer que le tribunal administratif de Paris a entaché son ordonnance d’une erreur de droit. En effet, le juge référé, en s’appuyant lui aussi sur la loi Sapin avait estimé le Musée Rodin était tenu de négocier avec tous les candidats admis à présenter une offre et que faute de se conformer à cela le musée avait entaché sa procédure de passation d’une violation du principe d’égalité de traitement des candidats.
Il faut savoir que le Conseil d’Etat a confirmé cette position dans un arrêt de 2009, « Etablissement public du Musée et du domaine national de Versailles », en l’espèce il a considéré que la personne publique était libre de négocier les offres. D’ailleurs, il continue encore aujourd’hui sur la même voie dans son arrêt « Communauté urbaine de Strasbourg » de 2010, il affirme qu’aucune règle n’encadre les modalités d’organisation de la négociation, et qu’il n’y a aucune règle qui impose un calendrier.
Cependant, si les négociations sont librement menées par l’autorité délégante, c’est sous réserve bien évidemment qu’elle respecte le principe d’égalité de traitement des candidats, de transparence, de libre accès à la « commande publique ». D’ailleurs, dans ses conclusions, le commissaire du gouvernement Boulouis donne un exemple de ce qui pourrait constituer une méconnaissance du principe d’égal traitement des candidats pendant la phase de négociation ; ce serait lorsque tous les candidats admis à négocier ne pourraient bénéficier de nouveaux délais de présentation des offres si l'autorité délégante décide de prolonger la phase, de ce fait toutes les entreprises admises à négocier doivent bénéficier des mêmes délais pour présenter une offre modifiée. Mais ce n’était pas le problème, ici il était reprochait au Musée Rodin d’avoir rejeté l’offre de la société Horeto Sorest’Art sans même avoir entamé de négociation avec elle.
II – L’insatisfaction évidente de l’obligation d’information des candidats quant à la durée de la délégation, la violation des règles de publicité et de mise en concurrence
L’information relative à la durée est une clause obligatoire dans toute convention de délégation de service public, c’est une des caractéristiques essentielles de ce contrat. C’est pourquoi le Conseil d’Etat estime que le renvoi en l’espèce fait par le cahier des charges à la durée de la délégation est insuffisant ( A ) et entraine ainsi la méconnaissance des règles de publicité et de mise en concurrence ( B ).
A – Le renvoi insuffisant du cahier des charges à une durée de délégation corrélative aux investissements réalisés du fait de la non-exigence de ces derniers
La loi sapin a constitué un changement du droit au niveau de la durée de la délégation car traditionnellement les contrats de gestion déléguée étaient conclus pour une durée extrêmement longue (au minimum 50 ans), c’était des durées très supérieures à la durée normale d’un amortissement. Cela constituait une situation très avantageuse pour certaines entreprises. Il y avait en plus des clauses de reconduction ou d’avenant conclus sans publicité ou mise en concurrence. La loi sapin vient poser le principe de la limitation de la durée des conventions de délégation de service public dans son article 40 : « Les conventions de délégation de service public doivent être limitées dans leur durée. Celle-ci est déterminée par la collectivité en fonction des prestations demandées au délégataire (…) ». Aussi cet article pose que la durée des conventions doit être déterminée selon que les installations sont à la charge ou non du délégataire. Lorsqu’elles sont à sa charge, la durée de la convention dépend de la nature et du montant de l’investissement à réaliser et ne peut dépasser la durée normale d’amortissement des installations. Dans l’hypothèse où les installations ne sont pas à sa charge : la durée de la convention dépend de la nature des prestations demandée au délégataire, ce critère est vague mais l’idée est d’établir un rapport de proportionnalité entre la durée et les prestations. Le Conseil Constitutionnel a d’ailleurs été saisi de cette disposition, et dans sa décision du 20 janvier 1993, il a admis qu’elle ne portait pas atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales dans la mesure où elle leur laisse quand même une marge d’appréciation suffisante eu égard à la multiplicité des modes de calcul des amortissements. Dans cette affaire, le Musée Rodin précise la durée de la délégation par une stipulation incluse dans le cahier des charges. Celle-ci définit la durée comme étant « liée à la nature des investissements à réaliser par le délégataire, lequel n’avait pas nécessairement de tels investissements à réaliser ». C’est notamment ici que se trouve la difficulté : le cahier des charges prévoyait une durée correspondante à des investissements qui ne seraient pas incontestablement réalisé par le délégataire. Si les investissements avaient été obligatoires, il n’y aurait pas eu de problème sur la durée de la délégation qui aurait été clairement défini en fonction de l’amortissement de ces investissements à réaliser. Le fait que les investissements ne soient pas obligatoires rend la stipulation relative à la durée très imprécise voire floue. Assurément, elle suggérerait que selon que le délégataire fasse tel ou tel investissement la durée de la délégation variera. Cependant, ceci est exclu étant donné que le décret du 24 mars 1993 portant application de l’article 38 de la loi Sapin relatif à la publicité des délégations de service public prévoit que l’avis d’appel public à la concurrence – l’annonce publiée par l’acheteur public pour informer les candidats potentiels de la passation d’un ou de
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