Commentaire Cass. Com, 5 janvier 2016
Par Orhan • 30 Mai 2018 • 1 992 Mots (8 Pages) • 783 Vues
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La déterminabilité du prix apparait donc comme un critère jurisprudentiel inhérent à la clause de prix contenu dans un pacte de préférence.
En principe, la déterminabilité de ce prix doit être libre. Ainsi, dans cet arrêt, les juges ont constaté « qu'aucune négociation n'est intervenue entre les parties après la notification du prix de cession par M. et Mme X... aux autres signataires, il retient que le cédant était ainsi définitivement engagé par l'offre de vente et devait se soumettre au prix déterminé par l'expertise et que les parties entendaient seulement fixer celui-ci par intervention de tiers en application de l'article 1592 du code civil. » N’ayant donc pas montré de volonté de négociation, le cédant était donc engagé par l’offre de vente, ainsi, il devait se soumettre au prix déterminé par l’expertise. De ce fait, par l’effet de ce contrat de vente, le cédant avait perdu « la liberté de déterminer lui-même le prix de la cession ». La détermination du prix doit relever d’un accord de volontés entre les parties, néanmoins, l’article 1592 du Code civil dispose quelle « peut cependant être laissé[e] à l’arbitrage d’un tiers ; si le tiers ne veut ou ne peut faire l’estimation, il n’y a point de vente. »
Dans cet arrêt, la détermination du prix avait été laissée aux mains d’experts puisqu’il n’y avait eu aucune négociation et que la clause inclue dans le pacte de préférence prévoyait, qu’à défaut d’accord amiable, le prix serait fixé « à dire d’expert ». De cette façon, le cédant est privé de sa liberté de déterminer lui-même le prix de la cession et cette privation entraine une nullité de la clause relative à la fixation du prix, ce qui n’est pas sans conséquence sur l’ensemble du pacte de préférence.
- Les conséquences de l’insertion d’une clause relative au prix de vente dans un pacte de préférence
L’insertion d’une clause relative au prix de vente dans un pacte de préférence entraine plusieurs conséquences. Les juges ont ainsi constaté que le pacte contenant un prix indéterminable est réputé nul (A), ce qui rapproche le pacte de préférence, avant-contrat, du contrat de vente qu’il précède (B).
- La nullité du pacte contenant un prix indéterminable
Dans cet arrêt, les juges déclarent donc une exigence de déterminabilité du prix. Néanmoins, dans le cas présent, le prix n’est pas déterminable. Il faut donc évaluer les conséquences que cela emporte sur l’ensemble du pacte de préférence.
Dans la section consacrée aux sanctions, le législateur a prévu que lorsque la cause de nullité n’affecte qu’une ou plusieurs clauses du contrat, elle n’emporte nullité de l’acte tout entier que si cette ou ces clauses ont constitué un élément déterminant de l’engagement des parties ou de l’une d’elles. En l’espèce, la cause de nullité affecte la clause sur le prix. Le pacte de préférence est préalable à la vente et, de par sa nature, il est valable même sans prix. Par le pacte de préférence, le vendeur s’engage à donner la préférence au bénéficiaire s’il vend son bien dans l’avenir. Au moment de la conclusion du pacte, le prix de vente n’est généralement pas fixé.
Pour autant, dans cet arrêt la Cour de cassation soutient la cour d’appel en mentionnant qu’elle « a exactement déduit que la nullité de la stipulation relative à la fixation du prix affectait la convention en son entier. » Cette solution semble donc prendre un chemin nouveau mais en fait, dans l’arrêt du 6 novembre 2012 précité, la chambre commerciale avait rendu une décision similaire dans laquelle « la nullité de la stipulation relative à la fixation du prix affectait la convention en son entier. »
Encourt donc la nullité pour indétermination du prix, un pacte de préférence qui contient une clause relative à la fixation du prix. Enfin donc, comme l’a été mentionné dans Lamy Droit du contrat (120-31) « le pacte de préférence, qui prévoit des critères insuffisamment définis quant à la fixation du prix de la vente, doit être annulé. »
- L’écho du contrat de vente sur le pacte de préférence, avant-contrat
Dans le pacte de préférence, le promettant n’est pas engagé à vendre donc le prix peut être indéterminé puisqu’il porte sur une éventualité. Néanmoins, on constate ici que les dispositions de l’article 1591 selon lequel « Le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties » s’appliquent au pacte de préférence même si la nature de celui-ci ne prévoit pas l’obligation de déterminer un prix de vente. Lorsque les parties choisissent d’inclure une clause de prix dans un pacte de préférence, celui-ci doit être déterminé ou du moins, déterminable selon des critères détaillés.
C’est à ce moment-là que peut se poser la question de l’autonomie du pacte de préférence qui ne constitue pas à la base une vente, ni même une promesse de vente puisqu’il repose sur une éventualité. Dans cette décision donc, la chambre commerciale semble confondre le pacte de préférence, avant-contrat, avec le contrat de vente lui-même.
Cependant, par cette décision la Cour de cassation permet de préserver les intérêts du cédant qui a perdu sa liberté de négocier et de déterminer lui-même le prix de la cession.
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