Cas pratique l’exécution forcee en nature
Par Matt • 23 Février 2018 • 5 308 Mots (22 Pages) • 639 Vues
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Cependant, il convient de rappeler que la riposte du créancier doit être proportionnée à la gravité du manquement du débiteur. En outre, celui qui l’invoque doit être de bonne foi. Ainsi, le locataire n’a le droit de retenir les loyers que dans des cas extrêmes, où le défaut d’entretien empêche la jouissance des lieux loués. A contrario, il doit exécuter son obligation si, malgré l’inexécution de travaux, il continue à jouir des lieux loués. En effet, si, nonobstant cette inexécution, le locataire continue à jouir des lieux loués, cela signifie que le bailleur a alors exécuté son obligation essentielle (jouissance paisible, délivrance…). (Cass. soc. 10 avr. 1959). En l’espèce, la demande de travaux sollicitée par Malcom portait sur la pose d’une baignoire à la place de la douche initialement installée. A la suite à l’inexécution des travaux par le bailleur, le locataire, Malcom refuse de payer les loyers. Il ressort de ces faits que la riposte de Malcom, le refus de payer les loyers, n’est pas proportionnelle à l’inexécution de Monsieur HOUSE. En effet, l’inexécution par le bailleur n’est en rien grave, puisque les travaux demandés par le locataire ne sont que mineurs ! L’absence de travaux, à savoir la pose d’une baignoire, n’empêche pas totalement l’occupation des lieux par le locataire. En tout état de cause, rien ne démontre que HOUSE soit tenu d’effectuer les travaux sollicités, dès lors qu’il ne s’agit pas de réparations mises à la charge du bailleur par les textes applicables, mais plutôt d’une modification du bien loué.
En conclusion, Malcom ne peut opposer à son bailleur l’exception d’inexécution dans la mesure où il n’est pas placé dans une impossibilité totale d’utiliser le bien.
B. L’exercice du droit de rétention par le garagiste
Monsieur HOUSE a conclu un contrat de vente (contrat d’achat) par internet avec Mademoiselle UGLY ayant pour objet un bien meuble, une moto, de la marque Harley Davidson. Après avoir pris contact avec la venderesse, Monsieur HOUSE apprend qu’il pourra retirer l’engin, objet de la vente, dans le garage chargé de la révision. Or, le garagiste refuse de remettre la moto, tant que personne ne se sera acquitté de la facture des réparations demandées, restée impayée depuis plus de deux mois.
Le garagiste a-t-il le droit de retenir le bien transféré à un sous-acquéreur ?
- Le droit applicable
La rétention d’un bien est un droit reconnu à un créancier détenant une chose qu’il est tenu de rendre, de refuser la restitution aussi longtemps qu’il n’est pas payé. (art 2286 du Code civil)
« Peut se prévaloir d'un droit de rétention sur la chose :
1° Celui à qui la chose a été remise jusqu'au paiement de sa créance ;
2° Celui dont la créance impayée résulte du contrat qui l'oblige à la livrer ;
3° Celui dont la créance impayée est née à l'occasion de la détention de la chose ;
4° Celui qui bénéficie d'un gage sans dépossession.
Le droit de rétention se perd par le dessaisissement volontaire. »
Par choses, il faut entendre des choses corporelles, peu importe qu'elles soient de nature mobilière ou immobilière (cf art. 2391 du Code civil). Opérant comme une sorte de justice privée, hors de toute instance, le droit de rétention n'a pas besoin, pour être opposé, d'une mise en demeure préalable, ou d'une autorisation judiciaire. Ainsi, le garagiste non payé peut se prévaloir d'un droit de rétention sur la chose mobilière qui lui a été remise. (Cass. com., 11 juin 1969 : D. 1970, jurispr. p. 244) En contrepartie du droit qu'il a de refuser la restitution du bien, le rétenteur a, pour la jurisprudence, l'obligation de prendre soin du bien qu'il retient (Cass. 1re civ., 4 juin 1971 : JCP G 1971). Par ailleurs, le rétenteur peut, en justice, obtenir du débiteur qu'il supporte les frais exposés à raison de la rétention, si celle-ci est légitime. Par ex, un garagiste qui, exerçant son droit de rétention sur le véhicule, peut réclamer à ce titre, en plus du prix de la réparation, le paiement des frais de stationnement. Cette demande est légitime tant que l'exercice du droit de rétention est légitime (Cass. 1ère civ., 24 oct. 2000, n° 97-15.505) mais l'évaluation des dommages-intérêts ne peut se faire, sauf à justifier de l'existence d'un contrat de dépôt ou d'une acceptation univoque des tarifs de stationnement par le débiteur, qu'au regard d'un préjudice effectivement démontré par le rétenteur (Cass. com., 10 déc. 2002, n° 97-15.808 ; Cass. 1ère civ., 11 juin 2008, n° 06-18.679).
L'exercice du droit de rétention est soumis à la réunion de trois conditions cumulatives :
-une créance certaine (CA Orléans, 23 juin 1898 : DP 1899, 2, p. 63.), exigible (art. articles 1612 et 1613 du Code civil + arrêt important Cass. com., 7 janv. 1992, n° 89-20.968)
-une détention de la chose par le créancier (jurisprudence constante - Cass. req., 25 févr. 1878 : DP 1878, 1, p. 302, « Le droit de rétention n'existe que si l'objet sur lequel il s'exerce a été mis et est resté en la possession de l'ouvrier »
En outre, tant que le créancier peut empêcher son débiteur d'exercer l'ensemble de ses prérogatives sur la chose, on peut reconnaître l'existence d'un droit de rétention (=du moment que les droits du débiteur sur le bien sont paralysés).
-et un lien de connexité entre cette créance et cette détention (= la créance du rétenteur doit ainsi être liée à la chose retenue).
En effet, le rétenteur doit détenir la chose notamment à l'occasion du rapport de droit qui l'a rendu créancier du propriétaire de la chose = c’est la connexité juridique (cf art. 2286, 2°)
Cette connexité peut également s'entendre du lien qui existe entre la chose retenue et la créance du rétenteur = c’est la connexité matérielle.
Selon l'article 2286, 3° du Code civil « Peut se prévaloir d'un droit de rétention sur la chose : [...] 3° Celui dont la créance impayée est née à l'occasion de la détention de la chose ».
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