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CE, Ass, 8 juin 1973, « Dame Peynet »

Par   •  7 Mars 2018  •  2 772 Mots (12 Pages)  •  1 436 Vues

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Ce sont les mêmes raisons qui poussent le Conseil d’Etat à consacrer le principe général interdisant de licencier une femme enceinte. En effet, le code du travail énonce une telle règle dans son livre 1er article 29, mais Mme. Peynet étant agent public, ce texte ne s’applique pas à elle. De plus, il existe des dispositions relatives à la situation du personnel auxiliaire du Territoire de Belfort, mais elles ne concernent que la rémunération et les congés. Aucune disposition ne permet donc de satisfaire sa demande. Or, le juge estime que l’époque justifie que des garanties soient accordées aux femmes se trouvant dans cette situation.

Lorsqu’il crée des PGD, le juge a pour objectif de poser des limites à l’action administrative ce qui permet de protéger les administrés. La création de tels principes traduit donc la conception que se fait le juge administratif des rapports entre l’administration et les administrés. En effet, le juge ne posera à l’action administrative que les limites qu’il estime nécessaires, ou, dit d’une autre façon, ne transformera en règle de droit que les valeurs qu’il estime légitimes. Les principes généraux du droit apparaissent, alors, comme la traduction juridique des valeurs présentes et reconnues dans la société.

Tel est le cas du principe interdisant de licencier une femme enceinte. La consécration d’un tel principe n’aurait probablement pas été possible au début du XXe siècle, les droits des femmes et des salariés étant peu reconnus. Les années 1970 sont, en revanche, marquées par l’affirmation des droits des femmes, ce qui se traduit par un mouvement visant à parachever l’égalisation entre les deux sexes. Le juge administratif tient compte de cette évolution et l’enregistre dans sa jurisprudence. Plusieurs principes relatifs au droit du travail seront consacrés par le juge administratif. Récemment, il a consacré le principe général du droit au reclassement et au licenciement en cas d’inaptitude physique dans un arrêt du Conseil d’Etat en date du 2 octobre 2002 « Meurthe-et-Moselle ».

Ces différents arrêts manifestent donc la politique volontariste du Conseil d’Etat en matière de création des principes généraux du droit. Cette liberté d’appréciation se retrouve lorsqu’il s’agit de la méthode de conception de ces principes.

B – La conception du principe

Si, pour découvrir les principes généraux du droit, le Conseil d’Etat se sert parfois des textes, ces derniers n’ont du point de vue de la création des principes qu’une importance limitée. Ainsi, la référence faite, en l’espèce, à l’article 29 du livre 1er du code du travail ne doit pas tromper, le juge entend simplement signifier que le principe en cause est tellement important que même le code du travail le consacre. Il faut comprendre par-là que le code du travail n’est lui-même que l’application d’un principe plus général, d’une idée politique qui préexiste à sa concrétisation par la loi. En d’autres termes, le principe existe en soi, mais est repris par le législateur de façon solennelle dans une loi. Les textes ne doivent, alors, être appréhendés que comme des points de repère indiquant au juge administratif les valeurs jugées importantes à un moment dans la société.

Le parcours conduisant à créer un principe général du droit peut donc être appréhendé en trois étapes. C’est d’abord une idée politique largement admise dans la société. Cette idée est, ensuite, reprise par le législateur dans une loi. Le juge se sert, enfin, de la loi pour remonter jusqu’au principe et, ainsi, consacrer un nouveau principe général du droit. D’un point de vue matériel, c’est-à-dire du point de vue de son contenu, ce principe existe donc avant toute intervention du juge. Mais, d’un point de vue formel, le juge est le seul créateur des principes généraux du droit, ce qui signifie qu’ils ne doivent leur existence juridique qu’à sa seule volonté. C’est lui qui leur confère une existence juridique.

Si le Conseil d’Etat se réfère à la loi pour créer ce principe général du droit en l’espèce, il peut aussi se référer à d’autres types de dispositions. Ainsi, dans l’arrêt du 26 juin 1959, « Syndicat des ingénieurs conseils » le Conseil d’Etat s’inspire du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Et, dans l’arrêt du 1er avril 1988 « Bereciartua-Echarri » il se réfère à la Convention de Genève du 28 juillet 1951 pour créer un principe général du droit applicable aux réfugiés.

Lorsque le juge stipule que le principe qu’il consacre a déjà fait l’objet d’une consécration textuelle, il entend simplement signifier l’importance du principe généraux du droit qu’il va consacrer, et non que ce principe tire sa valeur du texte. Le lien matériel renvoie au fond du texte, aux idées qui y sont contenues. Le lien formel, en revanche, renvoie à l’autorité du principe général du droit, à sa valeur juridique. Ces principes auront la valeur attribuée aux normes de nature jurisprudentielle.

II- La force juridique du principe général du droit prohibant le licenciement d’une femme enceinte

Si le principe consacré, en l’espèce, a un champ d’application beaucoup plus restreint que celui des principes généraux du droit consacrés après-guerre, cela n’affecte en rien sa valeur juridique qui est la même que celle de tous ces principes. L’analyse des niveaux de généralité des principes (A) doit donc précéder celle de leur valeur juridique (B)

A – Les niveaux de généralités des principes généraux du droit

Les premiers principes généraux du droit sont caractérisés par leur fort degré de généralité. Ils peuvent, de ce fait, couvrir un nombre considérable de situations. Il en va ainsi du principe général des droits de la défense, du principe d’égalité régissant le fonctionnement des services publics issu de l’arrêt du Conseil d’Etat du 9 mars 1951 « Société des concerts du conservatoire », du principe de la liberté d’aller et de venir consacrer dans l’arrêt du Conseil d’Etat du 26 mai 1955 « So. Lucien & Cie. » Ou encore du principe de la liberté de conscience reconnu dans l’arrêt du Conseil d’Etat du 8 décembre 1948 « Dlle. Pasteau ». Ils correspondent à la volonté initiale du juge administratif de couvrir le plus vite possible de larges pans de l’action administrative. Confronté à la pénurie de règles législatives, il lui faut d’abord poser les règles générales permettant d’encadrer la plus grande

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