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Dissertation : Le juge et le bouleversement de l’économie du contrat

Par   •  4 Janvier 2018  •  2 015 Mots (9 Pages)  •  944 Vues

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D’autres mécanismes juridiques tels que la cause sont au cœur du sujet. Pour que le contrat soit valide, il faut qu’il ait une cause. C’est la cause dite objective. Lors d’un bouleversement économique du contrat qui entraînerait un déséquilibre, qu’en est-il ? La cause ne doit en effet pas seulement jouer lors de la formation du contrat mais aussi lors de son exécution. Ce bouleversement pourrait éventuellement conduire à sa disparition et, dès lors, la pérennité du contrat est remise en question. La doctrine met également en avant la position précoce du Conseil d’Etat qui, dès 1916, a consacré la théorie de l’imprévision dans les contrats administratifs. Bien que la France connaisse une dualité juridictionnelle entre ses juridictions judiciaires et administratives, l’harmonie du droit prévaut. Egalement, dans le champ du droit comparé, la France semble en retard. Elle paraît adopter une position désuète, archaïque. Enfin, d’un point de vue moral, ce non interventionnisme du juge porte atteinte à la justice contractuelle.

Ce non interventionnisme du juge dans la modification du contrat en cas de bouleversement économique conduisant à un déséquilibre significatif entre les obligations des parties ne paraît pas équitablement, moralement et juridiquement juste, satisfaisant. Le juge ne veut pas s’immiscer dans ce qui appartient, relève des parties au contrat. Le contrat dispose en effet d’une force exécutoire puissante, mais n’est pas pour autant intangible. Des réponses ont pourtant été trouvées, tant par les rédacteurs de contrats, que par la jurisprudence ou le législateur. Cependant, ces réponses sont nuancées, voire critiquables.

- Des réponses nuancées et un apport accessoire du juge

Les rédacteurs de contrats se sont eux-mêmes forgé des solutions, ainsi que la jurisprudence. Ces réponses sont néanmoins peu convaincantes (A). Ce sera finalement le législateur qui tranchera le débat dans son projet d’ordonnance (B).

- Des réponses contractuelles et jurisprudentielles peu convaincantes

Les rédacteurs de contrats, alertes quant à cette question de l’imprévision, ont trouvé quelques solutions. Ces réponses au refus d’interventionnisme du juge relèvent par conséquent des parties au contrat. Elles ont directement été intégrées au contrat, sous forme de clauses. C’est par exemple, la clause de renégociation, dite la clause de hardship car elle provient du droit anglais. Hardship en anglais signifie rigueur. C’est lorsqu’un évènement tient rigueur à une partie contractante, en l’occurrence un bouleversement économique du contrat. Cette clause correspond à l’hypothèse selon laquelle les parties prévoient que si le contrat devient substantiellement déséquilibré au regard des circonstances économiques, la partie qui le subit pourra exiger de l’autre une renégociation. Il s’agit d’une sorte de clause « anti-Craponne », façonnée par les rédacteurs de contrat eux-mêmes. Egalement, la clause de force majeure (néanmoins plus obsolète), permet de suspendre l’exécution du contrat en cas d’impossibilité d’exécution. Cette inexécution est en principe temporaire, mais peut conduire à une renégociation des termes du contrat si elle se prolonge. Ces solutions contractuelles permettent de contourner le problème de l’imprévision. En réalité, elles présentent des failles. En effet : elles permettent une renégociation des termes du contrat en cas de déséquilibre. Mais que se passe-t-il, par exemple, si les renégociations n’aboutissent pas ?

En dehors de ces clauses servant de réponses à la non consécration de la théorie de l’imprévision, la jurisprudence offre elle aussi certaines solutions. Mais la Cour de cassation semble elle aussi être de mauvaise foi. Dans l’arrêt Huard de 1992, les commentateurs ont estimé que sous couvert de la bonne foi, la Cour de cassation consacrait implicitement la théorie de l’imprévision. Elle a préféré étendre l’obligation de bonne foi pour sanctionner l’une des parties à des dommages et intérêts (et non à une révision du contrat) plutôt que de revirer. Dans l’arrêt de sa chambre commerciale du 29 juin 2010, elle paraît enfin admettre la théorie de l’imprévision. En effet, elle admet finalement que le bouleversement économique puisse conduire à une disparition de la cause du contrat, qui ne joue plus seulement lors de sa formation mais également lors de son exécution. Pour autant, il ne s’agit pas d’un revirement officiel de jurisprudence. Cet arrêt n’a en effet pas eu la portée que la doctrine souhaitait. Le revirement était proche, mais le législateur est intervenu.

- Un débat plus ou moins clôturé par la réforme

L’article 1196 du projet d’ordonnance portant réforme du droit des contrats dispose que « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation. En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent demander d’un commun accord au juge de procéder à l’adaptation du contrat. À défaut, une partie peut demander au juge d’y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe. ». Cet article limite ainsi la théorie de l’imprévision à un bouleversement rendant l’exécution du contrat extrêmement onéreuse pour une partie. Ce qui règle partiellement la question de l’éventuelle réaction en chaîne que craignait la Cour de cassation dans son arrêt de 1876. Surtout, cet article permet à la partie préjudiciée de demander à son cocontractant de procéder à une renégociation. L’article n’impose pas une obligation de renégociation, de sorte que le cocontractant peut agir avec mauvaise foi, et refuser la renégociation. C’est le premier risque d’échec. Cette négociation peut également avoir des chances de ne pas aboutir. C’est le second risque d’échec.

C’est ici que le juge intervient. Il n’a alors qu’un rôle partiel, accessoire dans la procédure. Il n’intervient que si les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord. Il peut alors procéder à la modification du contrat, consécration de la théorie de l’imprévision. Seulement, un dernier risque persiste : une des parties peut demander au juge de mettre fin au contrat. Il semble alors que l’imprévision n’ait pas de fin : problème inhérent de la vie économique.

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