Dissertation : De « Martin » à « Tarn-et-Garonne », la protection des tiers devant le juge du contrat.
Par Ramy • 13 Septembre 2018 • 2 075 Mots (9 Pages) • 714 Vues
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- Une volonté de facilitation face à une conception difficile et ambiguë
A mesure que les considérations de sécurité juridique ont pris de plus en plus d'importance, on a dénoncé le risque tenant à ce que des tiers puissent provoquer la disparition du contrat pour n'importe quel vice mineur, d'autant plus que la menace de cet anéantissement risquait de planer pendant toute l'exécution du contrat. La jurisprudence avait montré que l'annulation de l'acte détachable n'impliquait pas nécessairement la disparition du contrat mais les juridictions du fond avaient tendance à prononcer la sanction la plus sévère. Plus l'absence fréquente de publicité de l'acte détachable permettait à tout moment au tiers de former un recours pour excès de pouvoir et il n'était pas non plus tenu par des délais pour saisir le juge de l'exécution (Jurisprudence Ophrys, « Considérant, d’une part, que l’annulation d’un acte détachable d’un contrat administratif … qu’il appartient au juge de l’exécution … soit de décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible … soit, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, d’enjoindre à la personne publique de résilier le contrat. ». Le juge de l’exécution conserve donc un grand rôle pour tirer les conséquences de l’annulation de l’acte détachable au détriment du juge du contrat, malgré la volonté de donner à celui-ci une place primordiale.
Au regard de ces risques, la jurisprudence Tropic fait apparaitre la volonté du Conseil d'État de ne maintenir la « détachabilité » en ouvrant la voie au tiers à un recours de pleins contentieux devant le juge des contrats et en supprimant la possibilité de faire un REP aux bénéficiaires de cette nouveauté. En effet détacher la décision, du contrat donne une conception ambivalente du contrat, celle-ci était une grande avancée à sa genèse mais aujourd’hui parait dangereuse et dépassé. Cependant la solution apportée par notre arrêt apparaît extrêmement limité ouvrant la possibilité d’un accès direct devant le juge du contrat qu’aux concurrents évincés. L’arrêt CE, 11 avril 2012, Gouelle nous disant qu’il faut entendre par concurrents évincés : « tout requérant qui aurait eu intérêt à conclure le contrat alors même qu’il n’aurait pas présenté sa candidature et qu’il n’aurait pas été admis à présenter une offre ou qu’il aurait présenté une offre inappropriée, irrégulière ou inacceptable »
Cet arrêt ne fait donc qu’ouvrir la voie à une suivante qui reprend la même solution, mais élargit considérablement son accès par las tiers, l’arrêt Tarn et Garonne.
- Protection directe des tiers devant le juge du contrat
Dans un premier temps nous verrons la consécration d’une protection directe des tiers devant le juge du contrat et une uniformisation du contentieux administratif (A) qui reste néanmoins à nuancer d’un point de vue d’efficacité de protection (B).
- Consécration d’une protection directe des tiers devant le juge du contrat.
à partir des évolutions précitées et dans un objectif d’améliorer la protection des tiers devant le juge du contrat et dans une prétention de mis à mort de l’acte détachable en vue de mettre en place un recours plus cohérant il est établi une ouverture beaucoup plus intense et importante des tiers devant le juge du contrat, l’arrêt département Tarn-et-Garonne va dans le sens d’une simplification du droit positif en permettant l’élimination de nombreuses complications liées à l’éclatement du contentieux des contrats administratifs, source d’insécurité juridique. Manquant à la fois de lisibilité et d’intelligibilité pour le citoyen et l’administré, autant que d’efficacité pour le contrôle de la légalité, certains litiges contractuels pouvaient nécessiter l’intervention de plusieurs juges différents. Cet arrêt met donc en place un recours plus cohérent et en phase avec son temps en ouvrant considérablement le recours de pleins contentieux. En effet la jurisprudence nous dit que le recours de plein contentieux est désormais ouvert à tout tiers justifiant d’intérêts lésés par la conclusion du contrat. Le recours en question peut porter sur la contestation de la validité du contrat ou de certaines de ses clauses seulement si jamais ces clauses sont divisibles du reste du contrat.
Cet arrêt est donc dans la continuité et est un élargissement du recours Tropic, et prolonge la logique d’ouverture du contentieux de pleine juridiction aux tiers en matière contractuelle. Cependant, force est de constater que l’arrêt Topic, qui avait amorcé la révolution du contentieux administratif des contrats, se trouve désormais supplanté. En effet, le Conseil d’Etat ne s’est pas borné à conserver le recours Tropic en l’état pour simplement l’ouvrir à l’ensemble des tiers. Désormais, là où les concurrents évincés pouvaient invoquer tous les moyens susceptibles de remettre en cause la validité du contrat, ceux-ci ne peuvent se prévaloir que « de vices en rapport direct avec l’intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d’une gravité telle que le juge devrait les relever d’office ».
- Une protection des tiers devant le juge du contrat certes élargis et plus cohérente, cependant à nuancer.
L’ouverture du contentieux de pleine juridiction contractuel à tous les tiers lésés constitue un tournant certes indéniable du droit des contrats administratifs. Cependant, et contrairement aux apparences cette avancée ne vise pas plus à ouvrir de manière massive le recours direct des tiers contre le contrat, qu’à unifier et rationaliser le contentieux des contrats administratifs. L’arrêt a donc suivi par cela les conclusions du rapporteur public M. Bertrand Dacosta dans le sens où ce dernier énonçait que « le recours en contestation de la validité du contrat sera soumis à un double filtre, au stade de l’intérêt à agir et au stade de l’opérance des moyens, et le juge continuera de disposer de la plus large palette d’instruments pour moduler la sanction ». Donc les tiers ont la possibilité d’exercer un recours contre un contrat administratif mais ce dernier est doublement conditionné pour éviter une inflation du contentieux administratif lié aux contrats. De plus, cet arrêt ne s’appliquera qu’aux contrats conclus après l’arrêt précité. En effet le rapporteur public avait énoncé qu’il convenait
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