Commentaire de l'article 1195 du code civil
Par Stella0400 • 8 Juillet 2018 • 1 869 Mots (8 Pages) • 1 590 Vues
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cette interdiction.
Ainsi dans l’arrêt Huard de la chambre commerciale du 3 novembre 1992 la Cour se sert de du fondement de la bonne foi de l’article 1134 alinéa 3 pour contourner cette théorie : elle considère que ne pas accepter de renégocier son contrat (une société pétrolière qui ne voulait pas abaisser les prix auquel elle fournissait son essence rendait impossible la concurrence pour la société en question) pouvait être assimilé à ne pas exercer son contrat de bonne foi. Elle a par conséquent accordé des dommages et intérêts pour compenser ce refus de réviser le contrat.
La Cour de cassation emploie de nouveau ce fondement dans l’arrêt Chevassus-Marche du 24 novembre 1998. La Cour reproche alors au juge du fonds de ne pas avoir recherché si, informé des difficulté de son cocontractant, le mandant avait permis au mandataire par des mesures concrètes de pratiquer des prix concurrentiels proche de ceux pratiqués dans des ventes parallèles. Or ces mesures concrètes ne pouvaient être qu’une révision du prix initialement prévu par une renégociation.
Le nouvel article 1995 précise explicitement que le contrat ne doit pas avoir prévu d’aléa : « qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque ». On retrouve ainsi la même solution pratique que celle adoptée après les jurisprudences Huard et Chevassus-Marche : ces arrêts poussaient les parties à prévoir et à régler expressément dans leur contrat au moment de la formation en ajoutant des clauses d’adaptation automatiques permettant d’adapter automatiquement le contrat dès lors que le critère se réalise, comme des clauses d’indexation. Ils incluaient ainsi par exemple des clauses de renégociation ou de rencontre qui les obligeaient à se rencontrer et à renégocier de bonne foi le contrat.
L’admission légale de l’imprévision de la réforme répond donc à une ouverture partielle de la jurisprudence, cette innovation demeure cependant controversée bien que limitée quant à sa porté.
II/ Une négation conditionnée du principe de la force obligatoire du contrat
Le législateur a veillé à limiter la porté de l’imprévision, tant par l’imposition de conditions (A), qu’au niveau des effets que permet l’article 1195 (B).
A) Les conditions de l’imprévision
La mise en œuvre de l’imprévision implique trois conditions. Son champs d’application est donc limité, et ce d’autant plus que la disposition n’est pas d’ordre public.
Il faut tout d’abord un « changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion ». L’absence de précision textuelle laisse à penser que ce changement peut être de tout ordre. Afin de juger cette imprévisibilité le juge va utiliser un standard, celui de la personne raisonnable. De fait, à l’instar du cas de force majeur l’imprévision est appréciée in abstracto le plus souvent, c’est à dire sans tenir compte de la qualité du cocontractant.
L’exécution doit être rendue « excessivement onéreuse ». Cet excès s’entend aussi bien comme la diminution de la prestation au regard de l’équilibre des prestations. Le caractère onéreux s’apprécie de manière subjective et objective.
Enfin la partie qui a subi le préjudice doit ne pas avoir accepté d’en assumer le risque, soit explicitement, par le jeu d’une clause, soit tacitement dans le cas d’un contrat aléatoire. Il s’agit de facto d’une limite importante à l’efficacité de l’article puisque ce dernier n’est pas d’ordre public. Ainsi les parties désireuses d’écarter une possible imprévision contraire à leurs prévisions contractuelles conviendront l’acceptation d’un aléa de manière conventionnelle.
Une fois ces conditions réunies l’imprévision peut être invoquée par l’un des cocontractants. Les pouvoirs exorbitants conférés au juge demeurent cependant critiqués par la doctrine et la pratique.
B) Les effets controversés de l’imprévision
Tout d’abord « en cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent », ainsi une résolution conventionnelle du contrat est possible par mutus dissensus. Cela apparaît difficile en pratique puisque si le contrat est favorable à l’une des parties elle ne va pas accepter d’y mettre un terme. Toujours de manière collective les parties peuvent « demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation » : le juge est ici invité par les parties à régir le contrat : il sert donc de tiers impartial sans pour autant effectuer aucun « forçage du contrat ».
Cependant la véritable innovation réside dans la dernière disposition : « à défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe ». Cette disposition est dangereuse pour les prévisions de l’une des parties au moins, celle-là même à laquelle on va opposer la révision ou l’extinction du contrat.
C’est aussi une véritable exception au principe de la force obligatoire du contrat. La teneur ou l’existence du contrat échappe alors à la volonté de l’une des parties.
Cet article consacre donc un pouvoir exorbitant au profit du juge. En effet, le juge se voit investi de la faculté de résilier, de mettre fin au contrat à la date et aux conditions qu’il fixe. La doctrine se montre très critique envers cet article, car rien n’empêche au juge de réviser ou de mettre fin au contrat de façon rétroactive.
De plus les conditions de la révision ou de la fin du contrat semblent abandonnées à la discrétion du juge. Normalement, ce sont les parties à un procès qui canalisent les pouvoirs du juge, c’est ce qu’on appelle le principe d’initiative. Hors, ici on a le sentiment que le juge n’est même pas tenu par les demandes qui pourrait lui être faites : le juge ne serait pas tenu par la demande et réviserait ou mettrait fin au contrat de façon discrétionnaire. Les principes fondamentaux de la procédure civile sont donc atteints par l’article
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