Commentaire de l'arrêt "Commune de Chirongui"
Par Matt • 24 Octobre 2018 • 1 663 Mots (7 Pages) • 1 480 Vues
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Bien qu’applicable pour résoudre ce litige, la voie de fait (I) semble s’effacer au profit d’une nouvelle procédure. En effet, si le droit de propriété n’est pas expressément visé à l’article L.521-2 du Code de la justice administrative, le Conseil d’Etat a toujours considéré que ce dernier relevait bien du champ d’application de la procédure de référé liberté: autrement dit, la haute juridiction administrative, dans cet arrêt, ne fait que confirmer qu’une nouvelle compétence est désormais attribuée au juge administratif (II).
II: La consécration d’une nouvelle compétence attribuée au juge du référé-liberté.
En reconnaissant sa compétence en cas d’ «atteinte grave et manifestement illégale» à une liberté «quand bien même cette atteinte aurait le caractère d’une voie de fait» (A), le juge des référés du Conseil d’Etat ouvre peut-être la voie d’une disparition de la théorie de la voie de fait, au profit du référé liberté. (B).
A: La réunification des conditions de mise en application du référé-liberté: l’efficacité de cette procédure.
Les procédures de référé ont été largement étendues et réformées par la loi du 30 Juin 2000 qui a conduit à leurs entrées en vigueur en date du 1er Janvier 2001. Au regard de l’espèce, il s’agit d’examiner la seule procédure du référé liberté, créée afin de dissuader les administrés de s’adresser au juge judiciaire, au risque qu’ils invoquent de manière abusive une voie de fait, comme le démontre d’ailleurs le Tribunal des Conflits dans son arrêt «Préfet de police c/ TGI Paris» rendu en date du 12 Mai 1997.
Effectivement, le juge administratif, d’après l’article L.521-2 du Code de justice administrative, peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale sous réserve que trois conditions se trouvent réunies: une situation d’urgence, un comportement grave et manifestement illégal de la part de l’administration ainsi qu’une atteinte à une liberté fondamentale.
En l’espèce, les conditions d’applications du référé-liberté sont belles et bien présentes. En effet, l’urgence s’avère caractérisée par la saisine de Mme Bourhane, auprès du juge des référés du Tribunal administratif de Mamoudzou, en date du 27 Décembre 2012. Ce dernier transmet ensuite la demande et l’avis d’audience à la Commune de CHIRONGUI, indiquant ainsi qu’elle aura lieu le 29; respectant alors le délai de 48h nécessaire au juge pour statuer sur une affaire. De plus, l’atteinte au droit de propriété de Mme Bourhane et le début des travaux engagés sur sa parcelle démontrent la présence des deux autres critères cumulatifs nécessaire à cette procédure: l’atteinte à une liberté fondamentale et le comportement grave et manifestement illégal de l’administration.
Par ailleurs, la haute juridiction administrative avait déjà évoqué l’importance du respect de ses conditions lors des affaires «Dieudonné» et «Front national, Institut de formation des élus locaux», respectivement ordonnancées le 09 Janvier 2014 et le 19 Aout 2002. Effectivement, le juge des référés avaient sanctionné l’atteinte à une liberté fondamentale lors d’une procédure d’urgence.
En claire, que ce soit dans le cadre l’ordonnance commentée ou celle relative aux affaires précitées, la procédure du référé-liberté semble permettre une gestion améliorée et plus rapide des conflits administratifs.
B: La disparition programmée de la voie de fait?
Le législateur a prévu que pour distinguer le référé-liberté de la voie de fait, l’administration doit avoir portée atteinte à une liberté fondamentale «dans l’exercice de l’un de ses pouvoirs.»
En effet, la voie de fait est caractérisée «à la condition toutefois que la décision soit elle-même manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative» comme le dispose l’arrêt «Boussadar» rendu par le Tribunal des Conflits en date du 23 Octobre 2000.
Ainsi, si l’administration porte atteinte à une liberté fondamentale dans l’exercice de ses pouvoirs, le juge administratif se voit compétent en terme de référé-liberté. En revanche, si l’administration porte atteinte à une liberté fondamentale et que cela est insusceptible d’être rattaché à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative, le juge judiciaire se voit compétent en terme de voie de fait.
Mais attention, l’ordonnance «Commune de Chirongui» met à mal cette distinction puisque le Conseil d’Etat reconnait au juge administratif des référés, la possibilité d’agir, «quand bien même cette atteinte aurait le caractère d’une voie de fait.»
Autrement dit, la condition qui séparait auparavant le référé-liberté de la voie de fait a disparu.
D’ailleurs, un article «voie de fait: une peau de chagrin» qui commente une décision rendue par la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 13 Mai 2014 semble renforcer cette disparition puisqu’elle met en avant la lenteur de la procédure judiciaire et vraisemblablement une possibilité, pour l’administré, de recourir à un référé-liberté afin de contester l’atteinte faite à l’une de ses libertés fondamentales.
En soit, l’ordonnance «Commune de Chirongui» semble relativiser la portée juridictionnelle de la voie de fait en offrant une nouvelle compétence au juge administratif.
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