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Commentaire d'arrêt, aspect légaux et tourisme

Par   •  12 Octobre 2018  •  4 843 Mots (20 Pages)  •  422 Vues

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1. Carence de l'initiative privée et légalité de l'aide

La jurisprudence récente relative à la création de services publics par les personnes publiques laisse penser que la carence de l'initiative privée n'est plus un fondement obligatoire de l'aide publique. L'arrêt Province des îles Loyauté va apparemment dans ce sens, mais sans avancer d'autres fondements que ceux découlant des missions légales des collectivités publiques. On en déduit que la carence reste une condition de l'aide, en dehors des textes.

A. - La carence, condition de l'aide...

L'existence d'un besoin local « qui ne peut être satisfait par les activités privées existantes, permet d'établir l'intérêt local » d'une aide publique, juge dans un premier temps le Conseil d'État. Rien de révolutionnaire, la carence de l'initiative privée apparaissant comme une condition de fond de la légalité d'une aide à un opérateur privé depuis très longtemps (par ex. CE. 6 mars 1914, Syndicat de la boucherie de la ville de Châteauroux : Rec. CE 1914, p. 308 : subvention à une coopérative de bouchers en l'absence de carence, au détriment des autres bouchers de la ville ; et inversement, en cas de carence : CE 15 oct. 1965, Département du Var c/ Cie l'Abeille : Rec. CE 1965, p. 515).

Cette jurisprudence sur les aides partage sa racine avec celle sur la création de services publics : l'arrêt Casanova de 1901 consacre, sous condition de « circonstances exceptionnelles », la possibilité pour les personnes publiques de créer un service public par subventionnement d'une activité privée (CE, 29 mars 1901 : GAJA, Dalloz, 2009, n° 8). La création de services publics a ensuite été admise par le juge administratif sous la simple réserve de « circonstances particulières » (CE, 30 mai 1930, Chambre synd. du commerce en détail de Nevers : GAJA, Dalloz 2009, n° 43 et la lignée qui a suivi). Dans les deux cas, les circonstances exigées consistaient en une carence de l'initiative privée.

Les sorts jurisprudentiels respectifs des aides et des créations de services publics ont ensuite divergé. Le juge administratif a fini par consacrer une liberté de création des services publics, sous la seule condition d'un intérêt public, dont la carence de l'initiative privée n'était qu'une des concrétisations (CE, ass., 31 mai 2006, n° 275531, Ordre des avocats au barreau de Paris : Rec. CE, p. 272 ; JCP A 2006, n° 1133, note F. Linditch ; AJDA 2006, p. 1592, chron. C. Landais et F. Lenica). En contrepartie de cette liberté nouvelle, les personnes publiques doivent agir dans les mêmes conditions économiques que les opérateurs privés avec lesquels elles entrent en concurrence : c'est le principe d'égale concurrence (CE, sect., avis, 8 nov. 2000, n° 222208, Sté Jean-Louis Bernard Consultants : Rec. CE 2000, p. 492, concl. C. Bergeal ; AJDA 2000, p. 1066, chron. M. Guyomar et F. Collin ; RFD adm. 2001, p. 112 ; CJEG 2001, p. 58, note M. Degoffe et J.-D. Dreyfus ; JCP G 2001, I, 357, note E. Delacour), qui implique aussi le respect du droit de la concurrence.

Reste que cette levée de la condition de la carence privée au profit d'une condition plus générale d'intérêt public ne concerne en l'état actuel de la jurisprudence que les créations de services publics, par des personnes publiques qui choisissent de se muer directement ou indirectement en opérateurs de services publics industriels et commerciaux ou d'activités d'intérêt général. C'était le cas dans l'affaire Ordre des avocats à la cour, précité (V. aussi CE, 3 mars 2010, n° 306911, Département de la Corrèze : JCP A 2010, 2203, note P. Idoux ; Contrats - Marchés publ. 2010, n° 146, note G. Eckert ; AJDA 2010, p. 957, concl. N. Boulouis. - CE, 5 juill. 2010, n° 308564, Synd. nat. des agences des voyages : JCP A 2010, 2304.).

Le Conseil d'État, par le présent arrêt, semble étendre cette jurisprudence à l'aide publique en faveur d'une activité qui reste privée (fret maritime en cabotage), puisque l'existence d'un besoin local non satisfait n'apparaît que comme une des manifestations de l'intérêt public justifiant l'aide, sans toutefois qu'en soient mentionnées d'autres. Il n'est pourtant pas certain que la condition de la carence de l'initiative privée ait disparu, ni même qu'elle doive disparaître.

En principe en effet, soit l'aide encourage la création d'entreprises privées parce qu'il n'en existe pas ou pas assez dans le secteur considéré (cas par exemple des aides aux activités de proximité), soit elle tend à empêcher une entreprise de disparaître en générant une carence. De plus, la contrepartie de l'égale concurrence est inopérante en matière d'aide : cela n'a pas de sens d'exiger d'une entreprise aidée qu'elle agisse dans des conditions d'égale concurrence avec ses compétiteurs, d'autant que ce principe d'égale concurrence ne s'applique par définition qu'aux personnes publiques. Dans ces conditions, aider une entreprise alors qu'il existe une initiative privée suffisante revient à priver cette aide de toute utilité économique ou sociale, à créer une inégalité entre opérateurs placés dans une situation égale, et à déstabiliser le marché.

À supposer même que l'aide publique accordée malgré la présence d'un secteur privé suffisant vise un autre intérêt public tout aussi légitimant, encore faut-il, premièrement, qu'on reste dans le champ des aides économiques : si l'aide répond à un besoin culturel ou social par exemple, le problème de la carence du secteur privé marchand ne se pose plus.

Il faut deuxièmement imaginer d'autres buts à l'aide, que les textes n'auraient pas déjà prévus : commentant son propre arrêt du 18 mai 2005 Territoire de la Polynésie française précité, le Conseil d'État précise que « l'intérêt public justifiant l'intervention économique d'une collectivité territoriale peut être reconnu, pour certains services publics fondamentaux tels que celui des transports, alors même que l'initiative privée ne serait pas défaillante » (Rapport public 2006 pour l'année 2005, Doc. française, p. 41 : création d'un « service public des liaisons aériennes » fonctionnant entre autre par l'attribution d'aides). Dans l'arrêt même toutefois, le Conseil d'État ramène cet

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