Se souvenir via les commémorations collectives
Par Matt • 14 Juin 2018 • 1 136 Mots (5 Pages) • 564 Vues
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multiplication des commémorations induit la volonté de rassembler une population à travers une identité avec des valeurs et un passé communs. Y-a-t-il une autre utilité ? Patrick GARCIA mentionne « une vertu pédagogique » où la commémoration devient une mission culturelle qui délivrerait un message. On peut effectivement admettre que connaître l’Histoire est de la culture générale ; connaître l’Histoire pour construire son présent et éviter de reproduire les erreurs du passé (célèbre phrase de George Santayana), le fameux « plus jamais ça »). Tzvetan TODOROV, sous-entend par contre, que de trop regarder en arrière, on oublie ce qui se passe maintenant autour de nous.
Les commémorations semblent à bien des égards utiles, pour maintenir la cohésion d’un peuple, pour l’aider à se souvenir, pour lui faire passer un message. Mais nous allons voir que cette multiplication de ces commémorations a des conséquences.
Patrick GARCIA et Tzvetan TODOROV, dans leurs articles respectifs démontrent que de plus en plus de commémorations sont célébrées en Europe. TODOROV va encore plus loin en utilisant les termes « culte » et « obsession » exprimant ainsi sa réserve sur cette profusion de manifestations de mémoire. Ainsi, le journaliste explique que le peuple ne peut avaler des informations transmises par le biais de ces commémorations sans esprit critique, sans tout prendre pour argent comptant. En effet, pourquoi choisir de se souvenir de tel évènement plutôt qu’un autre ? Ces cérémonies seraient-elles quelque fois artificielles. Victor Hugo l‘exprime également dans sa description des funérailles en soulignant l’aspect « Mise en scène » avec une foule d’objets clinquants (statues, dorures, masse) et néanmoins en éclairant une perspective « carton plâtre » en utilisant des termes tels que simulacre, déception, faux sarcophage, or en apparence, planches de sapin sous la dorure, marbre en toile… Victor Hugo sous-entend-il que « cette pièce de théâtre » pourrait conduire à influencer l’opinion ? Patrick GARCIA parle « d’instruire » ; nous pourrions même aller plus loin : éduquer le peuple selon des rituels et des protocoles bien précis afin d’éviter le désagrégement de la société. Jean-Pierre STROOBANTS y fait référence également en communiquant de la volonté de la directrice d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en sciences sociale qui prône une « éducation civique axée […] sur des valeurs civiques […] dans la conscience des peuples européens». Ceci a fait de limiter le repli nationaliste qui touche les pays européens en ce début de XXIème siècle. C’est pourquoi, Tzvetan TODOROV préconise une analyse, une critique de ces commémorations qui pourraient être utilisées à des fins personnelles (par les politiques par exemple). Victor Hugo le fait également en dévoilant les détails factices des funérailles de L’Empereur.
Se souvenir est un concept typiquement humain. L’Homme a besoin de ses souvenirs pour se constituer une identité façonnée selon ses expériences de vie. Il en va de même pour un peuple, la commémoration est un outil primordial pour le fédérer, l’unifier par le biais d’idéaux et de valeurs définis par des faits historiques. Certes, cet objectif est honnête mais il peut aussi, ne pas avoir l’effet attendu : il est possible que le message ne touche pas la population à cause de la prolifération de cérémonies collectives de mémoire. De même qu’un message erroné, tendancieux ou carrément manipulateur puisse être utilisé par le biais de ces cérémonies de mémoire collectives. L’homme ne peut balayer continuellement son regard sur son passé, il est nécessaire qu’il vive le présent afin de continuer à créer des souvenirs communs et continue d’évoluer en construisant son avenir.
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