Significations et symbolismes de la Peste

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- L'habitude et la répétition : C'est la vie elle-même qui, dans un certain nombre de ses manifestations, est dénuée de sens : chaque fois que l'homme se fige dans ses habitudes. Oran nous dit dans l'incipit, qu'Oran est une ville « où on s'ennuie » et dans laquelle « on prend des habitudes ». Ce mot « habitude » revient souvent dans le roman et prend le sens de médiocrité, d'absence de projet et d'avenir, l'habitude constituant une forme de mort.

- Ainsi, la peste une fois déclarée, ne fait qu'accentuer jusqu'à la caricature ce mode de vie répétitif : Rambert est contraint d'écouter toujours le même disque, les cinémas repassent sans cesse le même film, une troupe de passage se retrouvant bloquée ne cesse de jouer Orphée aux enfers chaque semaine. Le mot « recommencer » apparaît à plusieurs endroits du livre. Cette assimilation entre fléau et habitude figée est livrée dans cette formule du narrateur : « Au matin, ils revenaient au fléau, c'est-à-dire à la routine. »

- En revanche, le recommencement peut avoir un caractère positif lorsqu'il s'agit d'une lutte pour donner un minimum de sens à la vie : Grand recommence sans cesse à faire sa première pHrase, Rieux à soigner ses malades, Castel à chercher un sérum, Rambert à effectuer ses démarches pour s'enfuir. Ce dernier dit d'ailleurs : « La Peste, ça consiste à recommencer ». Mais cette lutte sans cette réitérée est en partie vaine : elle fait songer à l'activité de Sisyphe faisant continuellement rouler un rocher sur une pente montante du haut de laquelle inéluctablement le rocher redescend. C'est là un aspect de l'absence de sens de la vie humaine : la lutte est sans cesse à recommencer.

Les figures du Mal

La peste symbolise surtout le Mal dans le monde contre lequel nul ne peut rien.

- La séparation : Ce Mal réside d'abord dans toutes les « séparations » qui s'imposent aux hommes. « Faire du thème de la séparation, le grand thème du roman » avait écrit Camus dans ses Carnets. Ainsi, il évoque les souffrances de tous les « séparés » : ceux qui ne peuvent pas rejoindre l'être aimé et ceux qui ont perdu définitivement un être cher.

- La souffrance inexplicable : Il n'est pour Camus aucune explication possible à la souffrance dans le monde. Il s'en prend à Paneloux qui explique aux Oranais « qu'ils étaient condamnés pour un crime inconnu, à un emprisonnement inimaginable ». C'est l'idée du péché original que l'auteur conteste totalement. Cette présence du Mal, vécue comme une fatalité qui pèse sur l'Homme est illustrée par le récit de la mort du jeune Othon : le fléau a frappé un innocent et chacun le vit comme un scandale. Quel sens a un monde qui premet la mort d'un enfant dans d'atroces souffrances ? Camus refuse toute signification à ce monde et repousse donc toute foi en Dieu : « Je refuserai jusqu'à la mort, dit Rieux, qui est ici son porte-parole, d'aimer cette création où des enfants sont torturés. » Le médecin ne peut donc conclure qu'ç l'inexistence de Dieu et à l'absurdité de l'univers.

Le tragique de l'absurde

Le récit tragique peut se définir comme celui d'une lutte, toujours recommencée et toujours vaine, contre des forces hostiles et écrasantes. Chez Camus, le tragique prend la figure de l'Absurde, sous toutes ses formes. Apparemment, les hommes de La Peste remportent la victoire ; mais certains héros sont écrasés : Tarrou meurt, Rieux a tout perdu (ami et femme), et surtout « le bacille de la peste ne meurt ni ne disparaît jamais ». La fin de la maladie ne constitue qu'un moment de rémission. Le Mal persiste dans le monde. Mais l'univers de La Peste n'est pas pour autant désespéré. C'est la révolte contre l'Absurde qui donne sens, et raison de vivre, et dignité aux héros camusiens.