Orou répond à l'aumônier - Montaigne
Par Orhan • 1 Mai 2018 • 1 374 Mots (6 Pages) • 656 Vues
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la chair humaine sans raison, ou simplement pour se sustenter comme s’ils étaient des animaux ; au contraire, ils donnent à l’acte de cannibalisme une signification symbolique : la "très grande vengeance".
C’est également une action sociale, accomplie en présence d’une assemblée spécialement convoquée et qui prend des allures de rituel : c’est une cérémonie codifiée et collective, ce qui prouve un certain degré de civilisation des Cannibales.
Montaigne nous décrit la mort et la consommation d’un prisonnier d’une manière qui laisse entendre que c’est toujours ainsi que les choses se passent.
Le prisonnier est gardé captif longtemps", puis les connaissances sont convoquées, le prisonnier meurt toujours de la même façon (un bras attaché à son "maître", l’autre "au plus cher ami" du maître, puis assommé), il est rôti puis on le mange en gardant des morceaux pour les absents.
Enfin, Montaigne chercher à banaliser le cannibalisme en rappelant que les sauvages ne sont pas les seuls à s’y être adonnés, mais que les Grecs et « nos ancêtres » l’ont également pratiqué.
Le fait de manger de la chair humaine n’est donc pas condamnable.
Transition : en informant ses lecteurs sur les coutumes des cannibales, Montaigne ne se contente pas de justifier leurs actions en temps de guerre : il en profite pour critiquer les agissements des Portugais (et des Européens en général) lors de la colonisation du Nouveau Monde.
III- Une critique de la civilisation européenne
a) Civilisation et cruauté : deux notions qui ne sont pas contradictoires
Montaigne différencie nettement deux choses : le cannibalisme, présenté comme un rituel et non comme un acte condamnable, et la mise à mort cruelle des prisonniers.
C’est ce deuxième acte qu’il condamne avec force, et c’est là que sa réflexion va à l’encontre des préjugés de l’époque : ce ne sont pas les sauvages qui tuent avec barbarie, mais bien les Portugais (et les Européens en général, comme nous le montre l’emploi du pronom pluriel de la première personne : « nous »).
Les Européens prétendument civilisés sont ainsi qualifiés de « hommes qui [ont] semé la connaissance de beaucoup de vices dans leur voisinage et qui [sont] beaucoup plus grands maîtres [que les sauvages] en toute sorte de méchanceté.
Ce sont eux qui corrompent les « sauvages », puisque ces derniers les imitent et ce faisant, deviennent plus cruels...
Selon Montaigne, les « fautes habituelles » des Européens sont d’ailleurs « la trahison, la déloyauté, la tyrannie, la cruauté » : cette accumulation de vices contraste avec l’absence de jugement dans la description des mœurs des Cannibales.
b) Des références à l’actualité : la colonisation du Brésil
En parlant sans ambiguïté des Portugais, Montaigne fait référence à la colonisation du Brésil, qui
était alors en cours.
En dévoilant la manière dont ils mènent leurs exécutions, en provoquant le dégoût, Montaigne cherche à provoquer l’indignation de son lecteur.
Il insiste sur le fait que les exactions des Portugais ne sont pas seulement des faits passés mais bien des réalités du présent : « nous l’avons non seulement lu, mais vu de fraîche date ».
Cependant, par l’emploi du « nous », il en appelle à la responsabilité de tous les Européens : loin de ne condamner que les Portugais, c’est toute la civilisation qu’il remet en cause en comparant ses « vices » (trahison, déloyauté etc.) aux coutumes des sauvages (courageux, partageur, respectueux des prisonniers).
Sa condamnation est sans appel : ce hommes ne sont pas des barbares si on les compare aux Européens, « qui les surpass[ent] en toute sorte de barbarie ».
c) Une critique des guerres de religion
Cette condamnation des Européens permet également à Montaigne d’évoquer les guerres de religion, autre fait d’actualité. En effet, depuis 1562, la France est plongée dans une guerre qui oppose catholiques et protestants et qui durera jusqu’à la fin du siècle.
Montaigne a participé activement à la vie politique comme maire de Bordeaux et médiateur entre catholiques et protestants, et condamne ainsi les méfaits commis au nom de la religion (« sous prétexte de piété et de religion ») pour en avoir été témoin.
De même, alors que les sauvages vont faire la guerre « contre les nations qui sont au-delà de leurs montagnes, plus loin sur la terre ferme », Montaigne déplore que les Européens se battent les uns contre les autres, « entre des voisins
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