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Lecture Analytique : Jean-Maria de Heredia – Les conquérants

Par   •  14 Octobre 2018  •  Commentaire de texte  •  1 391 Mots (6 Pages)  •  1 530 Vues

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Séquence 4 : Écriture poétique et quête du sens, du moyen âge à nos jours.

Lecture Analytique : Jean-Maria de Heredia – Les conquérants

Introduction

José-Maria de Heredia (1842 - 1905) est un poète parnassien, son œuvre majeure est un recueil de sonnets, Les Trophées .Les Conquérants est un poème issu du recueil Les Trophées. Dans un de ses sonnets les plus célèbres, intitulé « les conquérants », le poète Heredia nous montre ses ancêtres partant à l’aventure vers des terres lointaines et inconnues. Par cette œuvre, Heredia a voulu évoquer l’esprit aventureux de ces personnages de légende tout en nous plongeant dans une atmosphère pleine de poésie et de mystère.

I. L’esprit aventureux

A. Origines de ces navigateurs (géographiques et sociales)

Qui étaient ces gens assez téméraires ?

Le poète fait une allusion précise à leurs racines géographiques en indiquant au 3e vers leur port d’embarquement : « Palos de Moguer » situé  sur la côte atlantique du sud de l’Espagne. L’extrême pauvreté qui régnait dans ces régions explique l’emploi du mot « misère » au vers 2. Mais l’adjectif « hautaines » qui le qualifia laisse supposer l’origine noble de beaucoup de ces aventuriers. L’expression « fatigués de porter » suggère l’idée de fardeau et indique clairement qu’ils supportaient mal leurs conditions ; ils étaient donc prêts à tout pour redorer leur blason. La preuve en est qu’ils n’hésitaient pas à s’entourer d’hommes peu recommandables ce qui est signalé par le mot « routiers » (vers 3) désignant des soldats pillards et sans scrupule. Bien entendu il y a avait aussi des marins sachant naviguer et commander comme en témoigne le vers 3 « capitaines ».

 

B. Comportement et caractère

Dés le 1e vers, une image audacieuse et puissante nous présente les conquérants comme des oiseaux de proies « gerfauts », avides et sans pitié. Dans ce vers l’idée de force aveugle et brutale est mise en relief par l’utilisation d’assonances graves (o,a) et d’une allitération rude en (r). Il faut ajouter que l’emploi du mot « charnier » pour désigner le nid de ces rapaces (l’aire) donne une consonance macabre au début du poème.

Le vers 4, quant à lui, résume magnifiquement l’état d’esprit qui animait ces hommes au moment du départ. « Irres »  qui se détache en début de vers, évoque la passion, l’enthousiasme délirant qui semblait les priver de raison. L’adjectif « héroïque » montre le courage sans faille de ces soldats décidés à aller jusqu’au bout, prêts à affronter tous les dangers et peut être même les souhaitant comme le laisse penser le vers 9 « chaque soir, espérant des lendemains épiques » (épique : épopée, champ lexical de la bataille, combat). Mais l’adjectif « brutale » a un sens assez inquiétant : ces hommes sans scrupule sont prêts à toutes les violences, à toutes les atrocités pour s’emparer des richesses qu’ils convoitent. Dans ce 4e vers il faut aussi noter la rudesse de l’allitération en ( r) faisant écho à celle du 1e vers.

C. Le désir d’évasion

Pour ces hommes, l’aventure était presque une nécessité étant donné les conditions précaires de leur existence, mais ils éprouvaient aussi certainement un ennui difficile à supporter par des natures si énergiques. C’est donc avec le plus grand enthousiasme qu’ils quittaient leur pays enfin libérés comme le montre l’expression « hors du charnier natal ». Pour eux il était inutile de connaître leur destination exacte, ce qui comptait avant tout c’était l’évasion, le voyage ce que suggère très bien, le rejet du verbe « partaient »  employé sans complément de lieu au début du vers 4. La hâte du départ, quant à elle est évoquée de façon magistrale dans la comparaison initiale, par le vol très rapide des oiseaux de proie. Ainsi l’expression « partir à l’aventure » se trouve ici pleinement justifiée.

D. Le cupidité

Cependant ces hardis navigateurs avaient un but précis : celui de faire fortune. Ceci apparaît clairement au vers 5 : « ils allaient conquérir le fabuleux métal », où le verbe conquérir exprime bien leur désir d’affirmer leur puissance au mépris de toute opposition et de toute honnêteté. La périphrase « fabuleux  métal » désigne l’or principal objet de leur convoitise. Cette dernière est encore sensible dans leurs rêves : « enchantait leur sommeil d’un mirage doré » vers 11.

II. Mystère et poésie

A. LégendesQuelques récits ou légendes étaient parvenues jusqu’à ces hommes, souvent crédules et superstitieuses. Et ils arrivaient à admettre des phénomènes miraculeux comme celui qui figure aux vers 5 et 6 : « fabuleux métal que Cipango mûrit dans ses mines ». En effet peut être influencés par les alchimistes, ils pensaient que sous les climats favorables, certains métaux enfouis dans des sols propices pouvaient se transformer en or. Ici l’atmosphère de légende est soulignée par l’adjectif « fabuleux » par la consonance exotique du pays « Cipango » (désigne le Japon) et surtout par le verbe « mûrit » qui évoque une lente mais sûre métamorphose.
B. L’inconnu
On a vu que ces navigateurs partaient à l’aventure ; ils n’avaient donc pas d’itinéraire tracé, ce qui explique d’ailleurs l’erreur de leur destination « Cipango ». Très vite ils éprouveront un dépaysement total comme l’indique le vers 8 : « aux bords mystérieux du monde occidental ». Tout deviendra nouveau pour eux dés qu’ils entreront dans la zone tropicale, ce qui est signalé au vers 10. Là ils rencontreront de précieux alliés : « les vents alizés » (vers 7) qui facilitent leur progression vers l’ouest. Et surtout dès leur passage dans l’hémisphère sud, ils devront se guider sur de nouvelles constellations, comme l’indiquent les expressions « ciel ignoré, étoiles nouvelles ». Dans ce dernier vers l’impression de mystère est renforcée par le fait que les étoiles semblent surgir de l’océan. A ce moment peut-être les navigateurs éprouvent ils un léger sentiment d’inquiétude, ce que laisseraient croire leurs attitudes : « en effet ils semblent scruter l’horizon pour apercevoir enfin la terre.
C. Le tableau

La beauté du décor dans laquelle voguent les conquérants est surtout évoquée dans le vers 10 : « l’azur phosphorescent de la mer des tropiques ».  L’azur est un terme poétique pour désigner la couleur bleue,  mais c’est surtout l’adjectif « phosphorescent » qui évoque à merveille les reflets lumineux de la mer sous ses latitudes et la clarté des étoiles ajoute encoure à la beauté du tableau. Il ressort de tout cela une impression de calme et de douceur, sensible notamment dans la façon dont progressent les navires : « et les vents alizés inclinaient leurs antennes » (allitération douce en (z) et en (l)). Dans ce vers les navires sont évoqués par une métonymie « leurs antennes », désignant les vergues où sont fixées les voiles en mettant l’accent sur leur finesse. Ces navires seront nommés de façon précise au vers 12 « blanches caravelles ». La couleur blanche mise en évidence par l’antéposition de l’adjectif, est un symbole de pureté ; elle se détache nettement dans le crépuscule et l’allitération en (l) donne une impression de fluidité dans le déplacement de ces navires. Les personnages eux-mêmes ont, dès le 1e tercet, des attitudes plus pacifiques, ils ne sont pas insensibles à la beauté de la nature et contemplent aussi bien la mer que le ciel et les astres. Il faut noter dans ces vers où les conquérants ont un caractère plus humain, l’emploi judicieux d’assonances et d’allitérations plus douces.

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