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La bête humaine - E. Zola

Par   •  11 Avril 2018  •  1 727 Mots (7 Pages)  •  723 Vues

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-Jacques est le terme de cette lignée et en paie les conséquences. Les images du « sang gâté » (l. 39) ou du « lent empoisonnement » (l. 39-40) illustrent l'intégration du personnage dans un lent processus de destruction. On peut dire que la tare héréditaire, d'une part le disculpe parce qu'il la subit, mais aussi l'anéantit parce qu'il est condamné par cette même hérédité.

b- La bête humaine

- Le mal dont est atteint Jacques le transforme en bête humaine comme l'indique le champ lexical de l'animalité pour désigner certaines de ses attitudes (« au galop (l. 1), « en galopant » (l. 20), « vautré sur le ventre » (l.13), « la face enfoncée dans l'herbe »; l. 13). Les étapes de la métamorphose apparaissent graduellement, depuis la dissipation de l'homme « son moi lui échappait » (l. 35), et l'apparition de la bête ; « il obéissait à ses muscles, à la bête enragée » (l. 36). L'expression « la bête enragée » fait écho au titre du roman et rappelle bien la folie qui est la sienne. Ce passage adopte une dimension fantastique où s'interpénètrent deux mondes inhabituels (l'humain et la bête, le monde de la normalité et le monde pulsionnel), comme le laissent entendre les expressions « subites pertes d'équilibre » (l. 34-35), « au milieu d'une sorte de grande fumée qui déformait tout » (l. 35-36)).

- Le narrateur s'emploie aussi à montrer la violence ancestrale qui s'anime en Jacques : « une sauvagerie qui le ramenait avec les loups mangeurs de femmes » (l. 40). Au-delà des théories scientifiques sur l'hérédité, c'est une

approche quasi psychanalytique du personnage que propose ici le narrateur, montrant comment l'humanité conquise s'effondre brutalement devant la violence primitive. L'inhumain semble habité chaque homme mais cette part bestiale ne se réveille que dans certaines circonstances. Elle est ainsi présente chez Jacques du fait de sa fragilité psychologique.

Jacques Lantier devient véritablement un cas scientifique exemplaire puisqu'on devine, au travers de son exemple, la minceur des acquis de l'humanité, toujours susceptible de disparaître, sous la force de pulsions incontrôlables.

III / Un personnage tragique

Zola dessine ainsi un nouveau type de personnage tragique au sens où la lutte de Jacques contre ses pulsions meurtrières est une lutte perdue d'avance. Le personnage est pris au piège, comme le symbolise sa fuite inutile.

a- Une fuite sans issue

- La fuite de Jacques est une fuite éperdue et sans cesse recommencée où le personnage se heurte plusieurs fois à la voie ferrée. Les élans de Jacques sont en effet systématiquement rompus. Où qu'il aille et quelle que soit sa

détermination, il est incapable de franchir la ligne du chemin de fer, « il monta au galop [...], retomba au fond » (l. 1), « il se lança à gauche[...], fit un crochet [...] à droite » (l. 2-3), « il repartit, grimpa, descendit » (l. 5-6). Le rythme soutenu de la fuite est rendu par la succession des verbes au passé simple et par la juxtaposition de brèves propositions.

- Plus qu'une fuite, il s'agit donc d'une errance sans fin : la fuite concrète de Jacques dans l'espace extérieur symbolise une fuite intérieure dans laquelle Jacques livre un combat contre lui-même « où tournait sa folie » (l. 8).

b- L'enfermement

- Le personnage évolue dans un lieu hostile semé d'embûches qui sont exprimées dans une gradation ascendante : d'abord des « cailloux » (l. 2) et des « broussailles » (l. 3), puis des « tranchées profondes » (l. 6) et des

« abîmes »

(l. 7) où se multiplient les images de l'enfermement, « des remblais qui fermaient l'horizon » (l. 7), « un labyrinthe sans issue » (l. 8). Cette idée de fermeture est également suggérée par le passage du passé simple à l'imparfait (l'imparfait marque une action non bornée, c'est-à-dire une action dont on n'envisage ni le début ni la fin). Les deux adverbes de temps « Toujours maintenant » (l. 6), dont l'association est inhabituelle renforce cette idée.

- L'animalisation du tunnel, « la gueule noire » (l. 10) introduit les motifs de l'engloutissement et de la mort, tandis que le train, animalisé lui aussi, « grondant », (l. 4), « hurlant » (l. 11) semble symboliser la violence d'une pulsion meurtrière, « une longue secousse » (l. 11).

Jacques est donc présenté dès le début du roman comme un héros tragique, jouet d'un double déterminisme, par

lequel il sera broyé malgré sa résistance.

Conclusion

Ce passage sert le projet naturaliste de Zola qui vise à montrer l’influence de l'hérédité sur les individus. Mais on observe les limites de la démarche scientifique que l’auteur préconise : l’objectivité est absente. En effet,

la subjectivité de Jacques, submergé par l’angoisse, prend le dessus. Par son âme tourmentée, Jacques apparaît alors comme un personnage tragique, victime exemplaire de la fatalité biologique et de forces qui le dépassent. La subjectivité du narrateur est également présente puisqu'il ne cesse de recréer le réel pour le rendre plus signifiant.

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