Dom Juan, acte III, scène 2, Molière
Par Matt • 7 Décembre 2017 • 2 065 Mots (9 Pages) • 958 Vues
...
du pauvre (« Vous ne connaissez pas Monsieur, bon homme ») ou le paraphraser (« Va, va, jure un peu, il n’y a pas de mal »). L’issue qu’il propose au pauvre est hypocrite : par le modalisateur « un peu », il minimise l’importance du blasphème.
La question reste de savoir si c’est parce que sa foi n’est guère puissante ou parce qu’il prend réellement le pauvre en pitié. Transition : C’est donc bien une scène de confrontation à laquelle nous assistons. Demeure alors une question cruciale : quelle est l’issue du conflit ? III – Quelle morale pour cette scène 2 de l’acte III ? A – Une vision positive de la religion
Le pauvre, personnage emblématique, représente l’ensemble de la communauté des croyants, et ses qualités sont donc celles du croyant idéal. S’il est vrai qu’il ne semble pas avoir un comportement logique, il fait preuve d’un stoïcisme remarquable face à la tentation du Louis d’or. Il est par ailleurs altruiste, généreux et désintéressé : « je ne manquerai pas de prier le Ciel pour qu’il vous donne toute sorte de biens », « De prier tout le jour pour la prospérité des gens de bien ». Il accepte sa condition de pauvre sans s’en plaindre, ou en tout cas ne demande pas la richesse à Dieu. On ne peut nier son sens de l’honneur et son extrême droiture en tant que croyant : il refuse de blasphémer et ne répond pas au mépris de Dom Juan par le mépris mais pas la plus grande sincérité : « Je vous assure, Monsieur… ». Même lorsque Dom Juan insiste, il reste ferme et droit : « Monsieur », « Non Monsieur, j’aime mieux mourir de faim ».
Son sens moral est à bien des égards plus grand que celui de Dom Juan, et il est remarquable qu’en tant que seul personnage réellement croyant de la pièce, il parvienne à tenir tête à Dom Juan. B – Qui gagne le conflit ?
Est-ce donc la foi du pauvre qui gagne ce conflit ? L’interprétation de cette confrontation reste ouverte. Il est indéniable que le pauvre, par son refus obstiné, force l’admiration : c’est un croyant sincère et inébranlable face au diable tentateur. Lorsqu’il lui donne le Louis d’or, Dom Juan reconnaît-il sa défaite ? Il n’a pas réussi à faire flancher le pauvre, qui obtient tout de même l’argent. En un sens, c’est la récompense de son obstination : il n’a pas renié Dieu. Quant à Dom Juan, il semble à tout prix vouloir provoquer Dieu en la personne du pauvre, et lorsqu’il n’y parvient pas, il accepte de faire l’aumône au nom d’un idéal qui n’est pas chrétien, mais humaniste : il détourne l’expression « pour l’amour de Dieu », qui devient « pour l’amour de l’humanité ». Il ne faut pas oublier qu’il s’agit là d’un texte de théâtre, et que le texte est destiné à être mis en scène. Le metteur en scène a sa propre interprétation de la pièce et choisira lui-même de mettre ou non en valeur certains personnages, par leur costume, l’éclairage, leur position,…
C – L’ambiguïté du personnage de Dom Juan
A l’issue de cette scène et de cette joute verbale, le personnage de Dom Juan n’est que plus ambigu. Il est certes un personnage négatif, représentant le diable dans cet affrontement entre bien et mal, mettant au supplice le pauvre par un chantage sadique. Et pourtant, il fait preuve dans cette scène de nombreuses qualités : fidèle à la raison et à la logique, il se montre bon argumentateur dans ses efforts pour convaincre et persuader le pauvre. Ses valeurs humanistes transparaissent dans sa décision de donner tout de même le Louis d’or au pauvre, et la dernière réplique, empreinte du champ lexical de la justice et de la morale (« la partie est trop inégale », « je ne dois pas »), prouve son courage, mis en valeur par la dernière didascalie : « (Il court au lieu du combat.) ». Dom Juan, acte III scène 2 : Conclusion Cette scène presque inutile pour l’intrigue (le personnage du pauvre ne réapparaît pas) est cependant essentielle pour brosser un portrait tout en finesse de Dom Juan. Après Dom Juan le séducteur, nous découvrons ici un homme qui refuse la soumission à Dieu. Malgré sa cruauté, son impiété et son aspect diabolique, il reste ambigu : expliquant son geste (car il donne quand même le louis d’or), il déclare son amour à une humanité libre et débarrassée du joug divin et place l’humanité audessus de Dieu. Néanmoins, cette arrogance et cette insolence vis-à-vis de Dieu ne pourront pas rester impunies, comme en témoignera la scène de dénouement de Dom Juan. Tu étudies Dom Juan de Molière ? Regarde aussi : ♦ Dom Juan, molière : résumé ♦ Dom Juan, acte 1 scène 2 (commentaire) ♦ Dom Juan, acte 5 scène 2 (commentaire) ♦ Dom Juan, acte 5 scènes 5 et 6 (dénouement) ♦ Dom Juan : le quiz
...