Commentaire Phèdre, acte V, scène 6, Jean Racine
Par Matt • 30 Octobre 2018 • 1 307 Mots (6 Pages) • 2 322 Vues
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de cet événement.
La mort d’Hippolyte donne sa tonalité tragique à la fin de ce récit. En effet, le champ lexical de la mort est présent tout au long de la seconde moitié de l’extrait : « se consume » (v.40), « une plaie » (v.53), « dépouilles sanglantes » (v.61), « œil mourant » (v.63) et « ce héros expiré » (v.70). Le spectateur est ainsi plongé dans l’univers de la mort et se prépare peu à peu à celle d’Hippolyte. Suite au terrible combat contre le monstre envoyé par Neptune, les chevaux d’Hippolyte sont saisis d’effroi comme l’illustre la négation restrictive : « ils ne connaissent plus ni le frein ni la voix » (v.39). Cette négation restrictive met en avant l’impuissance d’Hippolyte face à leur terreur, qui l’entraîne vers sa fin tragique. La synecdoque « traîné par les chevaux que sa main a nourris » (v.51) intensifie le lien entre Hippolyte et ses chevaux et rend d’autant plus violente et cruelle leur défection. La fatalité semble ainsi s’acharner sur Hippolyte, comme l’illustre l’ironie tragique de sa mort. En effet Hippolyte parvient à vaincre le monstre envoyé par Neptune, mais est finalement tué par ses propres chevaux. La métaphore « tout son corps n’est bientôt qu’une plaie » (v.53) met en avant l’atrocité de la scène et la violence de la mort d’Hippolyte. Ce-dernier est réduit à la métaphore « triste objet, où des dieux triomphe la colère » (v.72). Ceci illustre son impuissance d’humain face à une décision divine et souligne l’injustice dont il a été victime. La mort d’Hippolyte confère ainsi une dimension tragique à cet extrait.
Le registre tragique est également perceptible par le spectateur à travers la détresse de Théramène, lors son récit à Thésée de la mort d’Hippolyte. En effet l’anaphore au vers 50 « j’ai vu » met en avant le témoignage personnel de Théramène sur la mort d’Hippolyte. Cette tristesse incommensurable est accentuée par l’hyperbole : « sera pour moi de pleurs une source éternelle » (v.49). Les positions fortes à la fin du premier hémistiche de « pleurs » et en fin de vers d’« éternelle » mettent en exergue la tristesse et le désespoir de Théramène. Le spectateur ressent ainsi le déchirement de ce-dernier à l’évocation de ce souvenir douloureux. De plus, l’utilisation du pronom personnel de la première personne du singulier : « j’ai vu » (v.50), « j’arrive » (v.62) et « je l’appelle » (v.62) insiste sur l’émotion de Théramène et son rôle de témoin privilégié. Le témoignage n’en est que plus poignant, d’autant plus que Théramène était le précepteur d’Hippolyte. Par ailleurs, l’utilisation de l’adjectif : « votre malheureux fils » (v.50) annonce la cruelle charge de Théramène d’annoncer à Thésée la mort de son fils, Hippolyte. Le spectateur éprouve ainsi de la compassion à l’égard de Théramène, qui a assisté impuissant à la mort d’Hippolyte. L’euphémisme « ce héros expiré » (v.70) met en avant la volonté de Théramène de ménager les sentiments de Thésée, face à cette terrible nouvelle. La souffrance de Thésée est d’autant plus grande qu’il est indirectement responsable de ce décès : il a sollicité Neptune à cet effet, pensant Hippolyte coupable d’un amour incestueux envers Phèdre. Théramène tente toutefois de reproduire la scène de la mort d’Hippolyte avec le plus d’authenticité possible. Il use ainsi de l’hypotypose des vers 64 à 70, en répétant les dernières paroles d’Hippolyte à la première personne du singulier : « m’arrache » (v.64), « mon sang et mon ombre » (v.66). La détresse de Théramène est ainsi omniprésente dans son récit à Thésée.
La mort d’Hippolyte, puis la détresse de Théramène lors de l’annonce à Thésée de cette nouvelle illustrent ainsi la fin tragique à ce récit.
Dans cet extrait, le combat épique d’Hippolyte contre le monstre envoyé par Neptune confère une dimension tragique à sa mort. En effet l’héroïsme d’Hippolyte et l’effrayante description du monstre envoyé par Neptune, qu’il parvient à vaincre, contrastent avec sa mort due à la terreur de ses chevaux. La détresse de Théramène, lors de son récit à Thésée, met en exergue cette ironie tragique. Hippolyte est par conséquence un véritable héros tragique, qui ne peut échapper à la fatalité. Nous constatons ainsi l’influence du jansénisme sur Racine. En effet, pour les écrivains classiques de ce courant, l’homme est esclave de son destin.
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