Chevelure, Baudelaire
Par Christopher • 10 Novembre 2018 • 2 191 Mots (9 Pages) • 822 Vues
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souvenirs dans les paragraphes suivants.
L’emploi du présent tout au long du texte indique que les souvenirs passés sont revécus dans le présent : « Mon âme voyage », « Tes cheveux contiennent » (v. 5-6), « j’entrevois » (v. 10), « je retrouve » (v. 13), « je respire », « je vois resplendir » (v. 16-17), « je m’enivre » (v. 18), « il me semble » (v. 20). Il s’agit de réminiscences.
D’ailleurs, le verbe « retrouve » (v. 13) renforce cette idée.
De plus, la paronomase (figure de style qui rapproche deux mots de sens différents mais de sonorités voisines): « langueur des longues heures » (v. 13) reproduit de façon sonore la sensation d’étirement du temps. Le poète peut retrouver à partir du souvenir et de la poésie des sensations passées.
Le terme « souvenirs » réapparaît au dernier paragraphe et clôt le texte, lui conférant alors une structure circulaire, comme si Baudelaire revivait ces souvenirs à l’infini.
On trouve en effet dans le texte un bref champ lexical de la durée et de l’infini : « longtemps, longtemps » (v. 1), « l’éternelle chaleur » (v. 12), « longues heures » (v. 13), « l’infini » (v. 17), « longtemps » (v. 20). La répétition de « longtemps » marque bien l’insistance du poète.
Il s’agit enfin d’un voyage maritime, comme le soulève le riche champ lexical de la mer et de l’eau : « plonger », « l’eau d’une source » (v. 1-2), « de voilures et de mâtures », « de grandes mers » (v. 6-7), « l’océan », « un port », « navires » (v. 10-11), « navire », « le roulis imperceptible du port », « gargoulettes » (v. 14-15).
L’allitération en « l », consonne liquide, souligne l’omniprésence de la mer : « laisse », « longtemps, longtemps », « l’odeur », « plonger », « altéré dans l’eau », « dans l’air » (v. 1 à 3), « plein de voilures », « climats », « l’espace est plus bleu et plus » (v. 6 à 8), « l’océan de ta chevelure », « mélancoliques », « compliquées », « ciel », « se prélasse l’éternelle chaleur » (v. 10 à 12), « les langueurs des longues heures », « le roulis imperceptible », « les pots de fleurs et les gargoulettes » (v. 13 à 15), « mêlé à l‘opium », « resplendir l’infini de l’azur tropical » (v. 16-17), « lourdes », « élastiques et rebelles », « il me semble » (v. 19-20).
C – Rêverie d’un monde exotique
Le rêve est mentionné au vers 6 : « tes cheveux contiennent tout un rêve ».
A partir de là, les « cheveux » deviennent « chevelure ». On bascule progressivement du côté de l’imaginaire.
La rêverie, par définition, unit réel et irréel. De même, l’oxymore : « dans la nuit de ta chevelure, je vois », qui réunit lumière et obscurité, renforce cette idée.
Cette rêverie conduit le poète vers un monde idéal et exotique, qui se traduit par un champ lexical de l’exotisme : « atmosphère parfumée par les fruits » (v. 8), « l’odeur du tabac mêlé à l’opium et au sucre », « l’azur tropical », « odeurs combinées du goudron, du musc et de l’huile de coco » (v. 16-18).
La chevelure est représentée métaphoriquement comme un lieu, ce qui est souligné par l’abondance de compléments circonstanciels de lieux associés aux cheveux : « Dans l’océan de ta chevelure » (v. 10), « Dans les caresses de ta chevelure » (v. 13), « Dans l’ardent foyer de ta chevelure » (v. 16), « dans la nuit de ta chevelure », « sur les rivages duvetés de ta chevelure » (v. 17-18).
Cette succession de lieux marque par ailleurs la progression du voyage.
Tout un monde, « un hémisphère » comme le mentionne le titre, est contenu dans cette chevelure.
Transition : Le motif de la chevelure, de comparaisons en métaphores, contribue à créer dans le texte l’harmonie entre prose et poésie.
III – Un poème en prose
« Un hémisphère dans une chevelure » est un court texte écrit en prose. Néanmoins, sa structure et sa forte musicalité en font bien un poème.
A – Une structure rigoureuse et circulaire
Le poème « Un hémisphère dans une chevelure » est construit de façon rigoureuse et symétrique.
Il se compose de sept paragraphes de même longueur et marqués par une même structure syntaxique.
En effet, chaque paragraphe débute par une adresse à la femme suivie par un verbe renvoyant à un sens et une suite de compléments liés à la chevelure.
Ainsi, la chevelure constitue le fil directeur du voyage mais aussi du texte.
D’autre part, on remarque que le premier et le dernier paragraphe se font écho. Tous deux commencent en effet par l‘impératif « Laisse-moi », suivi de l’adverbe « longtemps » et sont associés au même thème, le souvenir : « pour secouer des souvenirs dans l’air » (v. 3) // « il me semble que je mange des souvenirs » (v. 20).
C’est comme si le voyage recommençait à l’infini, grâce à la poésie.
« Un hémisphère dans une chevelure » est donc un texte clos, circulaire, à la structure très travaillée. En cela, il s’apparente bien à un poème.
B – Une forte musicalité
La présence de la poésie se fait également sentir tout au long du texte, à travers les répétitions, le rythme et les sonorités.
Tout d’abord, de nombreuses répétitions et anaphores rythment le texte : « Laisse-moi », « longtemps, longtemps » (v. 1, 19), « tes cheveux » (v. 1, 5, 6, 19), « comme » (v. 2, 5), « tout » (v. 4, 6), « Tes cheveux contiennent […] ils contiennent » (v. 6), « par » (v. 8-9), « de toutes nations », « de toutes formes » (v. 11), « Dans […] de ta chevelure » (v. 10, 13, 16, 17).
De plus, le rythme ternaire appuie la musicalité du poème en prose : « tout ce que je vois! tout ce que je sens! tout ce que j’entends » (v. 4), « par les fruits, par les feuilles et par la peau humaine » (v. 8-9).
Enfin, la poésie se manifeste à travers des échos sonores.
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