Valéry Giscard d'Estaing face au "non" du référendum de mai 2005 sur l'UE
Par Matt • 12 Octobre 2017 • 4 102 Mots (17 Pages) • 733 Vues
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Le rejet du traité reflète un essoufflement de la construction européenne. $Le rejet La France jusqu’à présent à la tête des plus grandes avancées de l’Europe, se retrouve dans une position de rejet de l’Europe. L’Europe n’est plus capable de fédérer 25 Etats membres autour d’un même projet, et lorsqu’elle y arrive les citoyens européens ne suivent pas les dirigeants. La France, elle, n’est plus capable non plus de proposer aux Européens des avancées mobilisatrices et innovantes : « Pour la première fois depuis cinquante ans, la France n’a plus de projet pour l’Europe » (l.1). Lors de son discours à la convention de l’UMP, Giscard d’Estaing revient sur les avancées fondatrices de l’Europe, des projets portés par les institutions et ayant durablement aboutis : « marché commun » (l. 3) avec le Traité de Rome en 1957, « création du Conseil Européen » (l. 3) avec le Traité de Maastricht en 1992, « adoption de l’Euro » (l. 3) en 1999. Ils découlent tous de traités fondateurs de l’Europe et ont permis à l’union des « six » de prospérer et de pouvoir s’étendre à 25 en 2005. Or, face à cet élargissement considérable et aux conséquences qui en découlent (nombre de représentants au Conseil et au Parlement), il devient difficile de mobiliser toute la population européenne autour d’un même projet. Les intérêts de chacun divergent et les Français sont les premiers à manifester leur incompréhension face à une construction européenne instable. Giscard d’Estaing incrimine de ce fait le traité de Nice : « l’Europe du Traité de Nice n’est viable ni à moyen, ni à long terme » (l. 41). Giscard reconnait cette attitude stagnante autant au niveau européen qu’au niveau national : « Aujourd’hui, [l’Europe] n’a plus de proposition, ni aux yeux des Français ! […] quel est le projet européen pour la France, ils sont perdus et ne savent pas quoi vous répondre ; ni aux yeux des Européens » (l.5-6). Or, la France a un rôle important dans cette union, elle en est un membre fondateur et son avis est donc primordial dans une possible avancée de l’Europe. La France a, dans le passé, déjà freiné considérablement la construction européenne comme elle l’a accélérée notamment sous « De Gaulle » (l. 1). Elle a donc un avis de poids avec lequel les autres Etats membres doivent absolument composer. Donc même si Giscard d’Estaing a tendance à exagérer les choses dans son discours, il n’a pas totalement tort en disant que le regard de l’Europe est tourné vers nous en raison du refus de la Constitution et attend des explications pour débloquer la situation : « La perplexité règne dans toute l’Europe sur les véritables intentions des Français » (l.6). Il faut cependant bien saisir le « non » français et à quoi il correspond, pour bien comprendre le froid considérable qu’il jette sur l’évolution européenne. Le traité établissant une Constitution pour l’Europe n’était pas vraiment avantageux pour les Etats. Il réaffirmait les valeurs de l’Union, ainsi que les compétences particulières des Etats. En parallèle, il approfondissait et renforçait le rôle des institutions et donnait plus de pouvoir au Parlement. Or, il était nécessaire de réformer ces institutions afin de les adapter aux 25, sur la base d’une révision complète des traités antérieurs « sans être capable de réformer ses institutions » (l.13). Comme Giscard le montre, l’élargissement de l’Union Européenne doit aller de pair avec un approfondissement qui, consiste à renforcer les institutions et politiques communes pour accroître les solidarités et l'intégration européennes. L’Union européenne s’apprête à faire entrer la Turquie. Déjà au moment de l’adhésion de l’Autriche, de la Finlande et de la Suède à l’Union européenne en 1995, Giscard d’Estaing avait émis des réserves sur les élargissements successifs de l’UE, considérant qu’un approfondissement préalable de ses institutions était nécessaire. C’est le cas ici de l’adhésion éventuelle de la Turquie, question qui devait être résolue par le traité établissant une Constitution. Ce pays déjà associé à la CEE depuis 1963 a conclu en 1995 un accord d’union douanière avec l’Europe des Quinze. Sa candidature pose des problèmes et soulève des oppositions par sa démographie puisqu’elle deviendrait le « pays le plus peuplé de tous les Etats membres, le plus pauvre » (l. 15) et par sa pauvreté : le PIB par habitants est presque trois fois moins élevé que celui du Portugal. En effet, la Turquie est un Etat très peuplé avec plus de 70 millions d’habitants mais aussi où la démocratie est fragile et où les droits de l’homme ne sont pas toujours respectés. ………………………………………………………………………… Pour Valéry Giscard d’Estaing, le traité de Nice était le plus important à réviser car depuis sa ratification en 2001 il n’a fait que freiner et complexifier l’Europe en modifiant notamment les pouvoirs législatifs des Etats au sein des institutions de l’Union. Le vote s’effectue au poids des Etats et non plus selon leur ancienneté ou influence. L’Allemagne et la France était donc fortement favorable à la révision de ce traité qui « a minoré nos droits de vote dans des proportions inacceptables. » (l.41-42). Il mentionne également la diminution des commissaires européens, les membres de la Commission européenne, qui, depuis le 1er janvier 2005 sont limités à un par Etat sur une base totalement égalitaire. Avant cette date, les « grands » Etats membres désignaient deux commissaires tandis que les autres en désignaient un seul. Sans cette révision, l’Europe « risque de végéter » (l. 48), trop de pouvoirs ont été donné par ce traité aux institutions européennes qui agissent dans leur coin, comme pour le processus de ratification du traité pour une Constitution, qui élude maintenant la voix démocratique du peuple. L’Europe s’éloigne de ses citoyens alors qu’elle n’a aucune chance de relance, c’est pourquoi Giscard veut renouer le dialogue et convaincre le peuple français « La reprise du projet de réforme des institutions passe par un changement d’attitude de la France. » (l.49). ……………………….
Ce discours a un intérêt particulier puisqu’il est prononcé une semaine avant la décision de l’Union européenne sur l’entrée de la Turquie. C’est dans ce contexte particulier que Giscard d’Estaing exprime son mécontentement au sujet de cette décision nationale. Il cherche à justifier ce « non » en employant de nombreux arguments. Dès le départ, Giscard d’Estaing qui a mené une intense campagne européenne en France, explique que la voie référendaire n’était
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