Commentaire de la Cour de cassation du 16 mai 2000
Par Ramy • 18 Octobre 2017 • 2 984 Mots (12 Pages) • 1 052 Vues
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Néanmoins, en rendant sa décision sur la base de l’article 215 alinéa 3 du Code civil, la Cour de cassation, malgré la lettre de la loi, a considéré que le contrat de bail était dès à présent un acte de disposition et non plus un acte d’administration.
B. LE BAIL DU LOGEMENT FAMILIAL: UN ACTE DE DISPOSITION DANS L’ESPRIT DE L'ARTICLE 215 ALINEA 3 DU CODE CIVIL
En confirmant la décision de la Cour d’appel d’Aix en Provence ayant prononcé la nullité du contrat de bail, la première Chambre civile a assimilé ce contrat à un acte de disposition sur le fondement de l’article 215 alinéa 3 du Code civil. Elle admet donc que ce texte n’est pas restreint qu’aux seuls actes de disposition tels que définis par la loi. Effectivement, au sein de son arrêt du 16 mai 2000, elle dispose que l’article 215 alinéa 3 du Code civil « vise les actes qui anéantissent ou réduisent les droits réels ou les droits personnels de l'un des conjoints sur le logement de la famille ». La Cour de cassation ne respecte dès lors pas la lettre du texte mais se base en l’espèce sur l’objectif poursuivi par cet article, à savoir la nécessité de protéger le logement familial. Elle procède incontestablement à une véritable réécriture du texte mais cette révision parait logique au vu de l’esprit du texte voulu par le législateur. Cette décision bien qu’inédite en jurisprudence ne surprend pas. En rédigeant l’article 215 du Code civil, le législateur a invoqué tous les droits de façon indifférenciée et non pas précisément certains droits. La jurisprudence s’est emparée de cette imprécision du texte pour étendre au maximum cette protection et pour de ce fait admettre l’application de l’article 215 alinéa 3 du Code civil à tout acte réduisant les droits de jouissance des époux. Ainsi, le contrat de bail de moins de neuf ans légalement considéré comme un acte d’administration est désormais considéré par la jurisprudence comme un acte nécessitant le consentement des deux époux du fait des conséquences graves qu’elle entraine sur le logement familial. Toutefois, la Cour de cassation est fidèle à la position jurisprudentielle puisque dans un arrêt du 16 décembre 1970, le Tribunal de Grande instance de Paris considéra que seul le fait que le conjoint et les enfants ne soient pas lésés importe. Dans cette logique, les juges du fond avaient ainsi pris en compte non pas la lettre du texte mais s’étaient à contrario basés sur l’esprit du texte ayant vocation à éviter l’éviction du conjoint et des enfants communs peu importe la nature de l’acte. A la lecture de ses décisions, il parait en effet plus judicieux que l’article 215 alinéa 3 du Code civil s’appliquent à tous les actes susceptibles d’évincer le conjoints et les enfants communs ou de rendre indisponible le logement familial. Contrairement au législateur, les juges se penchent sur le sort du logement familial et de surcroit regardent si l’acte conclu par l’un des époux seul et ayant pour objet le logement familial pourrait priver l’autre époux de ce logement, sans que la nature de l’acte soit nécessairement prise en compte.
En conséquence, la règle du double consentement obligatoire imposée par l'article 215 alinéa 3 du Code civil a pour objectif la sauvegarde du logement familial et plus généralement des intérêts de la famille. Certes, cette exception au principe de l'indépendance des époux risque de réduire considérablement la liberté de chaque époux mais elle permet en revanche une protection élargie du logement familial.
II. LES EFFETS DE CETTE APPLICATION : ETENDUE DE LA PROTECTION DU LOGEMENT FAMILIAL
Du fait de la gravité des actes visés par l’article 215 alinéa 3 du Code civil, les effets de son application sont d’autant plus importants. Ainsi, la qualification de logement familial persiste même en cas de séparation de fait entrainant dès lors une protection effective de ce lieu (A’). Dans le même temps, le contrat de bail non consenti par les deux époux peut également être frappé de nullité (B’).
A’. MAINTIENT DE LA PROTECTION DU LOGEMENT FAMILIAL EN CAS DE SEPARATION DE FAIT
Cet arrêt du 16 mai 2000 apporte une autre nouveauté, celle de la protection du logement familial même en cas de séparation de fait. Le logement familial, parce qu’il constitue le pilier de la vie familial mais également parce qu’il s’agit le plus souvent du bien le plus important économiquement pour le couple, est largement protégé par l’article 215 du Code civil. Cette notion, non définie précisément par la loi, se compose généralement de l’immeuble dans lequel les époux vivent avec les enfants communs. En d’autres termes, il s’agit de la résidence principale d’habitation des époux permettant l’accomplissement de leur devoir de cohabitation. Du fait de cette imprécision légale, les juges sont souverains quant à la détermination du local auquel il faut attribuer cette qualification. Aux termes de l’article 215 du Code civil, l’attribution de cette qualification nécessite la prise en compte d’un élément volontaire, à savoir l’affection de la famille. Effectivement, le législateur exige que ce logement soit choisit d’un commun accord par les époux. De ce fait, selon un arrêt du 22 mars 1972 de la Chambre civile, le logement familial peut être distinct du domicile conjugal et chaque époux peut avoir un domicile différent sur le fondement de l’article 108 alinéa 1 du Code civil. Dans cette hypothèse où les époux vivent séparement, pour déterminer le logement familial, les juges se baseront notamment sur la résidence des enfants du couple. Mais qu’advient-il au logement familial lorsque les époux n’ont pas d’enfants ? La Cour de cassation dans cet arrêt du 16 mai 2000 dispose qu’un couple sans enfant bénéficie tout de même de la protection du logement familial instaurée par l’article 215 alinéa 3 du Code civil. Ainsi, elle admet que la protection du logement familial est assurée même en cas de séparation de fait. Cette solution étend donc considérablement la notion du logement familial et de surcroit sa protection. Finalement, la nouveauté ne se situerait-elle pas au niveau de la qualification du logement ? La jurisprudence a toujours été très souple également sur ce point puisque déjà dans un arrêt du 11 Juin 1974, le Tribunal de Colmar considérait que la protection du logement de la famille ne disparaissait pas en cas de séparation de fait ou d’instance de divorce. De même, la Cour d’appel d’Aix en Provence dans un arrêt du 12 février 1985 acceptait que deux
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