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Alain Pessin - La rêverie anarchiste

Par   •  21 Septembre 2018  •  3 488 Mots (14 Pages)  •  556 Vues

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Au final, car il nie la liberté de l’homme et donc son humanité, il est absolument nécessaire de détruire les Etats. C’est là qu’on peut voir la différence de l’anar avec le marxisme, qui pense qu’on peut modifier la nature de l’Etat en laissant le prolétariat prendre son contrôle. Pour les libertaires, c’est une structure intrinsèquement mauvaise qui porte en elle la passion de la domination il faut donc purement et simplement détruire l’Etat.

- La société anarchiste

Au final il s’agit pour l’homme anarchiste de détruire les formes d’autorités pour rencontrer son destin, celui de renouer avec la vraie nature de l’humanité. Mais quelle société ressortirait de ça ? Alain Pessin nous montre que c’est pas dans la tradition des écrivains anarchistes de proposer un modèle à suivre car ils trouvent ça autoritaire. Pour eux il vaut mieux se fier, et je reprends Bakounine : « à l’instinct des foules à l’imagination des foules pour la construction des mondes à venir ».

Car Bakounine croit beaucoup en le peuple, et je parle ici du peuple en tant que concept, en tant qu’entité fantasmée. Pour Bakounine le peuple c’est le recours de base, il rêve le peuple, il voit en lui des qualités de pureté, de rigueur morale, qui font de lui la seule force à pouvoir créer une société saine. Pour autant on n’est pas ici sur une idée marxiste de prolétariat qui aurait un destin politique historique : Bakounine reconnaît l’existence de classe mais ne croit pas qu’il y ait un dynamisme historique lié à cela. Du coup bonne nouvelle, le peuple est prêt, la révolte peut se faire maintenant, pas besoin d’attendre que la contradiction entre les classes s’installe !

Même si les libertaires rechignent à construire des modèles de société à suive, quelques solutions ressortent et notamment le fédéralisme, défendu par Proudhon. Ce système est pour lui bon car il met l’accent sur l’opposition, le contraste entre les parties. Elles sont irréductibles, que ce soit des individus ou des organisations, et on ne cherche pas les mixer, à les synthétiser dans un ensemble homogène à tout prix. On laisse le conflit se faire entre elles, c’est bien parce que l’opposition est créatrice, féconde, il y a une harmonie entre les forces qui sont libres de se créer et de se contre balancer.

Autre facette de la société libertaire parfaite, du moins, pour le penchant collectiviste de l’anarchisme, l’entraide. Ainsi la loi de solidarité sociale est la première loi humaine, avant même la liberté. Il n’y a pas de liberté de chacun, il n’y a liberté que dans la société solidaire. Sans cette composante, l’anarchisme serait en fait très proche du libéralisme. Pour Bakounine « je ne suis vraiment libre que lorsque tous les êtres humains qui m'entourent, hommes et femmes, sont également libres ». La liberté de l’autre est ici une condition à la mienne, il ne suffit donc pas de détruire l’autorité pour être libre mais également de créer une société où chacun peut pleinement être libre, donc une société d’entraide. On n’est donc pas dans une bataille pour soi mais dans une bataille pour tous. Pour les anarchistes les hommes sont inégaux certes, mais leurs différences font leur complémentarité, plutôt que de créer des rapports de pouvoir inégaux.

On a comme résultat une société où chacun fournit selon ses aptitudes et reçoit selon ses besoins, et même où la rétribution du travail effectué est instantanée : on ne reçoit plus un bénéfice tardif en argent ou en pouvoir, mais un gain de par les contributions de l’ensemble de la société dans une œuvre commune. Le changement, c’est que le travail devient un plaisir gratuit, on a du plaisir à travailler, « la jouissance de la vie n'étant plus au bout de l'effort mais dans l'effort lui-même ».

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L’anarchisme en action

Pour mettre son rêve en œuvre, l’anarchiste doit détruire l’Etat et donc passer par la révolte. C’est ce qui fait de la violence, avec toutes ses implications, une facette très importante de l’imaginaire anarchiste.

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Le rapport de l’anarchisme à la violence

- La violence, un moyen d’action inéluctable

L’auteur nous dit ici que l’anarchiste est partagé entre deux rêveries : celle de rapports pacifiques dans une société utopique, et une rêverie rebelle de violence. C’est ce qui créé un véritable paradoxe dans le rapport qu’il entretient avec la violence. L’auteur nous montre que le recours à la violence est systématiquement critiqué par les anarchistes. La critique est soit morale, une morale d’amour, soit politique, la violence étant vu comme un acte autoritaire par nature.

Il n’empêche qu’il y a toujours la nécessité pour les libertaires de créer un nouvel ordre social. « La révolution, c’est la guerre, et qui dit guerre dit destruction des hommes et des choses. Il est sans doute fâcheux pour l’humanité qu’elle n’ait pas encore inventé un moyen plus pacifique de progrès, mais jusqu’à présent tout pas nouveau dans l’histoire n’a été réellement accompli qu’après avoir reçu le baptême du sang ». Dans cette citation de Bakounine on voit parfaitement la façon qu’a l’anarchiste d’imaginer la violence : comme une fatalité, quelque chose de regrettable mais inéluctable. Du coup le recours à la violence se justifie par le progrès : on la met en œuvre pour créer une société anarchiste, qui rendra les hommes égaux, les délivrera de la convoitise et donc de la violence.

- Une violence exaltée, sans être toujours appliquée

Et là on voit qu’une fois que la violence est justifiée comme étant une fatalité, les anarchistes s’en donnent à cœur joie pour appeler au soulèvement violent. Même Kropotkine, qui est considéré comme plutôt diplomate dans le milieu, appelle en 1880 à la révolte "par la parole, par l'écrit, par le poignard, le fusil, la dynamite. Tout est bon pour nous qui n'est pas la légalité". Dans la décennie 1890 des journaux anarchistes appellent au massacre des patrons pour le 1er mai, et publient même des instructions pour réaliser des bombes chez soi. On est loin des tutos cupcakes de nos jours.

Alors Alain Pessin nous prévient tout de suite, il ne faut pas forcément analyser cette exaltation de la violence au premier degré. Pour lui ça

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