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Abbé Prévost, Histoire du Chevalier des Grieux et de Manon Lescaut, 1753

Par   •  22 Septembre 2018  •  2 338 Mots (10 Pages)  •  928 Vues

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A- Il est impossible d’établir un portrait physique de Manon.

On ne rencontre pas le portrait physique de M. Ainsi, cela permet au lecteur de projeter le personnage de Manon à sa propre représentation idéale de la femme ce qui est une exception pour un roman du 18ème siècle et montre la démarche originale de Prévost.

Manon est jeune (environ 15yo) « elle me parût si charmante » : elle est ensorcelante (on pourra la comparer à Carmen et son chant magique).

Elle n'était pas censé parler avec un jeune homme « elle reçut mes politesses sans paraître embarassée »l.13 et répond « ingénument »

On apprend l.15 qu' « elle y était envoyée par ses parents pour être religieuse. » ce qui n'est pas très réjouissant (Diderot décrit cette vie dans La religieuse)

« on l'envoyait au couvent, pour arrêter sans doute son penchant au plaisir »

→ On peut ainsi comprendre que M aime bien les garçons.

Cependant, on ne sait pas de quel milieu social elle vient bien qu'un serviteur l'accompagne au couvent « un homme d'un âge avancé, qui paraissait lui servir de conducteur s'empressait pour faire tirer son équipage des paniers »l.6/7

B- Manon, quoique plus jeune que DG, semble le manipuler.

M paraît être une manipulatrice en apitoyant DG « Elle me dit[…] qu'elle ne prévoyait que trop qu'elle allait être malheureuse ; mais que c'était apparemment la volonté du ciel » qui précise sa manière de s'adresser à lui « La douceur de ses regards, un air charmant de tristesse en prononçant ces paroles » : M cherche à émouvoir DG à travers son destin tragique

On peut comparer ici Manon à Eve qui dit à Adam de manger la pomme. M représente l'éternel féminin (séduisantes et sournoises).

On peut aussi remarquer chez M une certaine dimension de comédienne par son intention de manipuler DG. De plus M adore aller au théâtre et elle détourne une partie d'une pièce de Racine lors d'une discussion dans ce roman.

Dans la 2ème version, P ajoute un épisode de M qui joue un tour à un prince italien en lui faisant croire qu'elle le prendra pour amant.

C- Manon, principale cause de sa destinée tragique

« l'amour me rendait déjà si éclairé[…] que je regardai ce dessein comme un coup mortel pour mes désirs. »l.16/17

« son penchant au plaisir qui s'était déjà déclaré et qui a causé dans la suite tous ses malheurs et les miens. »

DG accuse le destin : « l'ascendant de ma destinée, qui m'entraînait à ma perte ».

On peut alors penser que le roman cherche à se donner de la noblesse en empruntant le thême de la tragédie (le transport : les sentiments qui nous mènent hors de nous) et ses paroles (l.16/17) mais aussi la thématique du regard essentiel à l'amour : DG qui remarque M et la voit seule (l.6 et l.8) comme dans Phèdre « Je rougis, je palis à sa vue ».

Une mauvaise étoile semble alors peser sur DG, un héros tragique : il perd Manon, son père et son honneur.

L'idée de destinée est aussi liée à la divinité de l'amour : « on ne ferait pas une divinité de l'amour, s'il n'opérait pas des prodiges ».

P développe une idée de destinée dictée par dieu ou par la passion humaine que l'on peut retrouver dans La machine infernale de Jean Cocteau où encore dans Andromaque de Racine où la passion est à l'origine de la mort de Pyrrhus, etc.

Cependant, DG survit alors que M meurt. De plus, nous n'avons ici ni le point de vue ni la voix de M ni du discours direct.. On peut alors penser que DG se donne le beau rôle et se décharge de toute responsabilité devant M. de Renoncour puisqu'il parle seulement de son innocence et il accuse M et sa destinée.

P pose alors la question de la reponsabilité : Jusqu'à quel point sommes-nous responsables de nos actes ? Sommes-nous dictés par nos sentiments ?

IV – Manon Lescaut, un traité de morale ambigu

Au 18ème siècle, le roman était encore vu comme un genre dangereux qui encourageait des mœurs peu chrétiennes. Or à travers cette scène de rencontre, l’abbé Prévost change l’image du roman en l’utilisant pour promouvoir la morale chrétienne, lui qui n'était pas le parfait chrétien.

A – La rencontre: une réécriture du péché originel

Avec cette scène de rencontre, l’abbé Prévost fait une réécriture symbolique et modernisée du péché originel (Adam et Eve).

Tout d’abord, l’insistance du narrateur sur l’indifférenciation des sexes (« moi, qui n’avais jamais pensé à la différence des sexes ») montre une âme angélique, pré-adamique.

Mais derrière la pureté du jeune homme, se cache la corruption d’une âme pécheresse : « Nous n’avions pas d’autre motif que la curiosité ». Or la curiosité est dans la Genèse le motif du péché originel.

La jeunesse des deux personnages rappelle l’état de virginité d’Adam et Eve.

Quant à Manon, son « penchant au plaisir qui a causé, dans la suite, tous ses malheurs et les miens » fait songer à la scène de la Chute : Eve goûte le fruit défendu et entraîne Adam dans sa chute.

Le texte est d’ailleurs marqué par la culpabilité du narrateur : « que ne le marquais-je un jour plus tôt » .

L’irréel du passé dans « j’aurais porté chez mon père tout mon innocence » fait référence à une culpabilité chrétienne où le fils indigne s’est égaré dans le péché. L’abbé Prévost joue ici sur le double sens du mot « père » :

- Le père biologique d’une part;

- Le père théologique d’autre part (Dieu).

Cette culpabilité donne lieu à l’introspection d’une âme tourmentée. Grâce à la focalisation interne, le lecteur suit l’examen de conscience de Des Grieux :« J’avais le défaut

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