Système symbolique catholique et comportements électoraux
Par Junecooper • 19 Août 2018 • 1 940 Mots (8 Pages) • 548 Vues
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Un catholique intégré ne peut être que pour le partage volontaire (et on sait à quel point la doctrine catholique encourage l’action caritative, la charité, autrement dit la démarche individuelle) mais il ne peut pas être pour un partage imposé qui porterait atteinte à ce qui fait le fondement de sa famille. Par ailleurs, la défense des biens matériels est aussi dans leur intéret de classe bien compris.
Cela étant dit, si certaines variables sociodémographiques, dont le patrimoine, renforcent le vote à droite, les auteurs s’aperçoivent que même si on les neutralise, la relation entre intégration catholique et vote de droite demeure. Ils vont alors explorer l’univers des attitudes et voir lesquelles sont présentes dans le système symbolique catholique. C’est le sujet de ma troisième partie.
3 : échelles de libéralisme économique (c’est le libre jeu du marché, le crédo libéral " le marche régule le marché ", rôle mineur de l’Etat dans l’économie), et d’ethno-autoritarisme (ethnocentrisme = hostilité à l’immigration, préférence nationale FN / favorable à l’attitude autoritaire)
Les auteurs vont prendre ces deux grandes catégories habituellement utilisées pour rendre compte de l’univers des attitudes socio-politique.
Sur leur panel, les auteurs remarquent que le libéralisme économique s’élève avec le niveau d’intégration au catholicisme alors qu’il diminue chez les sans-religions qui sont plutôt pour la redistribution. Les auteurs expliquent l’attachement des catholiques au libéralisme économique par le droit à la propriété ( on l’a vu avec le patrimoine), ainsi que par la doctrine sociale de l’Église qui reconnaît le caractère positif du marché et de l’entreprise en même temps qu’elle souligne la nécessité de leur orientation vers le bien commun. En gros il existe un bon capitalisme qui est libre et responsable et un mauvais capitalisme qui est celui du profit et du culte de l’argent. Un exemple de cette attitude est que les catholiques ont souvent recours aux écoles privées pour leurs enfants car ils ont une opinion positive pour l’enseignement de la discipline et de l’effort mais on sait depuis un certain temps qu’elles ne dépendent pas tant de l’appartenance religieuse que de stratégies de classe et, par là, du libéralisme économique.
Sur l’attitude de l’ethno-autoritarisme, les catholiques le sont davantage que les sans-religions, ce qui favorise là-aussi un vote de droite. Mais parmi les catholiques, on remarque que les pratiquants réguliers sont moins ethnocentriques que les catholiques qui ne pratiquent pas. En effet, les auteurs remarquent sur leur panel que les pratiquants réguliers ont voté Sarkozy en 2012 tandis que le vote Le Pen est plus important chez ceux qui ne pratiquent pas. Cette différence tient du fait que les catholiques réguliers sont plus fidèles à la doctrine de l’Eglise.
Par exemple, en matière d’immigration, les messages de l’Eglise et du Vatican sur l’universalité et l’acceptation de l’Autre les rendent moins hostiles à l’immigration ( bien qu’ils soient d’accord qu’il y ait trop d’immigrés en France quand on les interroge[2]).
Le sixième commandement « tu ne tueras point » est un autre point qui les éloigne de l’extrême-droite qui a été jusqu’à récemment favorable au rétablissement de la peine de mort (enlevé au début du mois).
Autre exemple, le programme protectionniste du FN alors qu’ils sont favorables au libéralisme économique. En somme l’Eglise n’a pas et n’a jamais été partisan du Front-National.
Mis-à-part ces nuances entre pratiquants et non-pratiquants, les catholiques ont des attitudes marquées par le traditionalisme et donc le non-libéralisme culturel ( ils condamnent beaucoup d’expressions sexuelles et notamment l’homosexualité ou encore l’avortement ( le sexe légitime est la procréation, pas autre chose ) qui est considéré comme un homicide direct et volontaire, là encore on voit l’effet du sixième commandement : « tu ne tueras point »). Les auteurs remarquent enfin que la combinaison de ces deux attitudes, libéralisme économique et ethno-autoritarisme, augmentent de façon significative avec le niveau d’intégration au catholicisme (Fillon, candidat libéral sur le plan économique et conservateur sur le plan social).
Conclusion : On a pu constater que le système symbolique catholique sur un cadre théorique repose sur le message évangélique et les enseignements de l’Église, la doctrine sociale de celle-ci a une importance dans l’explication des comportements politiques chez les catholiques pratiquants. Toutefois, nous avons aussi pu voir que ce système n’est pas si homogène et c’est pour ça qu’il existe des degrés, notamment sur l’ethnocentrisme qui est plus poussé chez les catholiques non pratiquants. Par ailleurs, on peut s’interroger sur la destructuration du système symbolique traditionnel avec les nouvelles générations de moins en moins pratiquantes comme on a vu dans la première partie.
Depuis les élections de 2012, nous avons pu voir les catholiques descendre dans la rue pour manifester contre "le mariage pour tous". Pourtant les catholiques en général n’aiment pas trop les modes d’actions collectives mais la loi Taubira est vue comme une grave atteinte à ce qui constitue le socle de toute société et une violation de la loi naturelle ( les catholiques ont une conception traditionnelle de la famille qui est ET doit rester composée d’un père d’une mère et des enfants ).
Nous avons vu par ailleurs que la famille est au coeur de leur systéme de représentation, notamment par le patrimoine visant à la pérenisser dans le temps. La manif pour tous permet donc d’étoffer notre définition initiale du système symbolique qui est, je rappelle, un ensemble de croyances, de valeurs et de pratiques partagé par une même communauté d’individus ET qui dispose d’une capacité de mobilisation affective dès lors que son système est atteint ou menacé.
1 : On peut voir en complément une stratégie de classe.
2: La condamnation par l’Église du racisme et du FN ne parvient pas à effacer les attitudes ethnocentristes des catholiques, mais elle atteint son objectif en rendant plus difficile le choix de l’extrême droite.
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