Les sens ne sont-ils pas suffisants pour nous fournir toutes nos connaissances ?
Par Raze • 19 Juin 2018 • 4 008 Mots (17 Pages) • 656 Vues
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Terminons par étudier la possibilité d’une connaissance objective qui ne serait pas fondée sur l’expérience. D’un côté, on peut prouver que l’expérience par les sens est une condition nécessaire à la connaissance en général, elle ne pourrait donc pas ne pas être. En effet, si l’on nie que l’expérience directe, servant à nous référer aux réalités, est une condition nécessaire à la connaissance, alors on ne pourrait plus faire la différence entre objectivité et subjectivité, entre ce qui existe réellement et ce qui est seulement rêvé, imaginé, supposé. L’expérience sensible permet donc de montrer ce qui existe réellement. Connaître, selon Kant, philosophe allemand du 18e siècle, est l’activité de l’esprit qui pense et raisonne en se réglant sur l’expérience sensible qu’il fait d’un objet extérieur au sujet connaissant. L’expérience par les sens serait donc une condition nécessaire à la connaissance au sens général, et à la réalité. Cependant, dans une autre mesure, nous ne savons toujours pas comment préciser l’objectivité de l’objet donné, point pourtant nécessaire à l’élaboration d’une connaissance objective et fiable. D’un autre côté, on peut prouver que l’expérience par les sens est une condition nécessaire à la connaissance objective également. En effet, si l’on prend l’exemple du discours scientifique, considéré comme le modèle de la connaissance par la majorité, on comprend que tout ce qu’il énonce peut être vérifié par des expériences que l’on peut répéter. Or, on ne peut connaître vraiment qu’un objet dont on est susceptible de faire l’expérience actuelle de la réalité objective. L’expérience par les sens semble ainsi pouvoir être considérée au moins comme une condition nécessaire à la connaissance objective. Ne pourrait être objet de la connaissance objective que ce qui est susceptible d’être objet d’une expérience sensible. Mais, d’autres connaissances induites par le discours métaphysique par exemple, qui lui a pour objet la connaissance des premiers principes des choses, rendent impossible l’expérience par les sens, dans des domaines tels que l’univers, le monde, Dieu, l’âme, etc., qui rendent compte du fait que les sens ne nous fourniraient par toutes nos connaissances objectives, mais peut-être seulement une partie.
Si l’expérience par les sens semble être une condition nécessaire à la connaissance objective, la question qui s’impose alors est de savoir si cette condition nécessaire est aussi suffisante. Il faut d’abord s’assurer que l’expérience sensible est bien une condition nécessaire pour toutes nos connaissances objectives, et non pas seulement pour une partie de celles-ci, en examinant s’il existe des domaines qui nous fournissent des connaissances objectives et assurées, en dehors des sens.
Commençons par étudier le cas de la connaissance objective en mathématiques. Dans un premier temps, les mathématiques sont une science dont l’existence prouve qu’il y a des connaissances scientifiques, c’est-à-dire objectives, assurées, qui ne sont ni fournies ni justifiées par l’expérience sensible. En effet, la nécessité des vérités mathématiques s’établit par la voie de la démonstration, c’est-à-dire en montrant que si l’on pose une proposition comme vraie, telle autre s’en déduit : cela s’appelle la nécessité hypothético-déductive. C’est une nécessité logique purement rationnelle et nullement expérimentale, comme on peut le voir dans l’exemple du « tout est plus grand que sa partie », qui est une vérité nécessaire, qui s’impose à l’esprit naturellement. Dans un second temps, l’objet des mathématiques n’est pas le réel sensible, mais des objets définis par l’esprit purement rationnellement : point, droite, triangle, sont des objets qu’on ne trouve pas dans la réalité, et dont on ne peut faire l’expérience. Cependant, les maths sont une science qui est confirmée par le réel, car on peut, en partant d’une partie du possible en mathématiques, trouver une application au réel, cette science a donc tout de même un lien avec le réel. Cette science qui n’est d’ailleurs pas une science au même sens que les autres (c’est-à-dire celles qui étudient une réalité donnée), car elle porte sur des objets qui ne sont pas donnés dans la réalité. Les sens ne seraient donc pas suffisants pour nous fournir toutes nos connaissances objectives, car le domaine des mathématiques permet d’en fournir sans l’intervention de ceux-ci. Mais reste à savoir si en dehors des mathématiques, il existe d’autres domaines pouvant induire des connaissances objectives, en considérant le domaine des connaissances qui portent sur les réalités données, c’est-à-dire celui des sciences en général (physiques, biologiques, etc.) et où l’expérience sensible est une condition nécessaire à l’objectivité.
Continuons alors par étudier le cas de la connaissance objective en dehors des mathématiques. D’abord, il y a des choses que les sens, par eux-mêmes, ne sont pas capables d’atteindre et dont l’idée même ne peut être fournie par eux entièrement. En effet, la perception par les sens échappe à ce qui ne correspond pas aux conditions naturelles de fonctionnement et de réglage des sens, comme par exemple les longueurs d’ondes, l’infiniment petit ou grand, qui ne peuvent pas être l’objet d’une expérience sensible, ni même d’une représentation scientifique. On peut également prendre l’exemple de l’idée de monde, qui est une idée que l’on peut penser, et non pas l’objet d’une connaissance objective possible. Cependant, les sciences aident à avoir une perception du tout améliorée, et permettent de donner une intelligibilité au réel comme totalité, même si on ne pourra jamais donner une seule représentation scientifique et objective du monde. Ensuite, les sens nous cachent toujours quelque chose dans cela même qu’ils nous font apparaître. En effet, les sens et la perception ne nous fournissent d’informations sur les choses qu’en nous en cachant d’autres, car dans tout objet, que ce soit la surface de la mer, la terre, un tronc d’arbre, nous apparait la forme apparente. On ne voit une chose que si cette chose n’est pas transparente. C’est une dissimulation évidente et visible qui induit qu’il faut aller sans cesse derrière, dessous, à l’intérieur, pour connaître vraiment ce que les sens nous font connaître. Les sens ne nous fournissent donc pas à chaque fois une connaissance vraie. Ils sont par nature sujets à des illusions, et ainsi ne suffisent pas à nous indiquer parmi les impressions qu’ils nous fournissent lesquelles peuvent être considérées comme des connaissances
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