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Ethique Spinoza Philo

Par   •  21 Septembre 2018  •  2 068 Mots (9 Pages)  •  452 Vues

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à nous. Voltaire fera dire à Pangloss de la même manière qu’Aristote : « Les nez ont été faits pour porter des lunettes, aussi avons-nous des lunettes. »

Affirmer comme le fait Spinoza que « la volonté de Dieu » est un « asile de l’ignorance » est osé à l’époque. Un asile est un lieu séparé, protecteur et confortable. Se réfugier dans un asile c’est donc un moyen confortable qui consiste à répondre à des questions rationnelles que l’on se pose en faisant, par ignorance, intervenir la volonté de Dieu. Cette volonté divine nous donne l’illusion de tout expliquer et nous permet ainsi d’oublier notre ignorance. Elle ne nous amène pas à rechercher des explications en faisant appel à la connaissance scientifique et à la raison. Les limites de la connaissance humaine servent à conclure à une cause externe, sur-naturelle. La volonté de Dieu rassure mais est surtout un frein à la connaissance.

Dans le second paragraphe de notre extrait, Spinoza nous explique pourquoi ce choix délibéré de voir en tout une volonté divine.

Si dans la Nature, tout arrive en fonction de causes déterminées, il faut refuser de croire aux miracles et au contraire essayer de trouver « les vraies causes » de ces phénomènes qui peuvent sembler extraordinaires et « connaître en savant les choses de la nature au lieu de s’en émerveiller. »

Dans cette première longue phrase, Spinoza pointe la responsabilité de ceux que le vulgaire c’est-à-dire le peuple « adore comme des interprètes de la nature et des Dieux ». Cette attaque aurait pu lui valoir des ennuis si son livre avait été publié de son vivant ! En effet, Spinoza s’en prend au « sot », cet ignorant qui ne se pose pas de questions mais surtout aux autorités religieuses qui ne tiennent leur autorité que de « l’ignorance » de ce vulgaire. Ces « interprètes de la nature et des Dieux » n’ont qu’un but : maintenir le peuple dans l’ignorance afin de conserver leur pouvoir. L’emploi du verbe « adore » tout comme celui de « s’émerveille » traduit de même cette vénération, cet engouement du peuple, cette soumission de l’ignorant à celui qui est à l’origine de tout.

Si un savant est amené à prouver, à justifier scientifiquement quelque chose et par là-même rendre cette croyance aux prodiges caduque, ces individus, détenteurs du pouvoir, le poursuivent comme « impie » c’est-à-dire auteur d’une théorie contraire aux textes sacrés et « hérétique » à savoir athée. Spinoza fait sans doute référence ici aux persécutions que Galilée a dû subir pour avoir voulu démontrer scientifiquement le mouvement de la Terre. L’enjeu politique est ici évident : la connaissance rationnelle de la nature et l’abolition des préjugés ne peuvent pas cohabiter avec l’autorité religieuse. Ces « interprètes », ennemis des scientifiques, n’ont qu’un but : laisser le peuple dans l’ignorance pour mieux le soumettre.

La dernière phrase confirme alors cette thèse. L’autorité religieuse cherche à maintenir son pouvoir en empêchant la population d’accéder à la connaissance qui seule permet de raisonner et de réfléchir. « Ils savent bien que détruire l’ignorance, c’est détruire l’étonnement imbécile, c’est-à-dire l’unique moyen de raisonner et de sauvegarder leur autorité. » On retrouve la notion de bêtise du vulgaire, de crédulité, avec l’emploi du mot « imbécile » qui fait écho au « sot » de la phrase précédente. Ces individus, détenteurs du pouvoir, profitent de la crédulité des plus faibles qui trouvent dans la religion des réponses faciles et apaisantes à leur misérable existence. L’ignorance devient alors un moyen de domination. L’ignorance est pour Spinoza une prison. Dieu sert d’asile à l’ignorance et l’ignorance sert d’instrument au pouvoir. Les religions enferment les croyants dans des croyances qui n’ont aucune base objective et toute idée divergente est cataloguée comme hérésie ou impiété comme nous l’avons vu précédemment. On prend ainsi le pouvoir sur les esprits faibles de la plupart des hommes. C’est ce que l’on appelle l’obscurantisme.

L’un des thèmes du siècle des Lumières sera ce lien entre progrès de la connaissance et émancipation politique, cette lutte contre l’obscurantisme. Spinoza apparaît ici comme l’un des premiers philosophes des Lumières.

Pour conclure, nous pouvons dire que, dans cet extrait, Spinoza avance des idées osées et dangereuses pour lui. En effet, il mène une réflexion sur les fondements des croyances religieuses. Il dénonce les pasteurs et les théologiens qui entretiennent le préjugé finaliste afin de conserver l’emprise qu’ils peuvent avoir sur les consciences. Pour lui, la théorie des causes finales est contradictoire avec la façon dont le monde fonctionne réellement. Cette théorie ne démontre en rien l’existence de Dieu. Elle ne fait que réduire Dieu aux ressentis d’un homme comme les autres. Or, pour Spinoza, Dieu est infini, unique, tout-puissant et parfait. L’homme ne peut lui attribuer ses propres faiblesses. Le finalisme conduit structurellement à l’erreur. Les hommes qualifient de divin ce qui dépasse leur compréhension et dont ils ignorent la cause. Cette théorie n’a comme fondement ultime que « l’asile de l’ignorance » qu’est « la volonté de Dieu ». Elle ne permet en rien d’éclairer la complexité du réel qui tient dans la multiplicité des causes. Elle renforce la superstition et prend la science pour cible. Le but des « interprètes de la nature et des Dieux » dont parle Spinoza est bien de maintenir le peuple dans l’ignorance afin d’asseoir le pouvoir des autorités religieuses. Or, ce n’est que par la connaissance, par la science, que les hommes pourront se délivrer de cette prison. Le point de départ de la science c’est justement d’éviter d’interpréter des phénomènes naturels en fonction de nos désirs mais accepter de partir de notre ignorance des mécanismes de la nature.

En avançant ainsi des idées nouvelles, en affirmant que la religion s’oppose à la connaissance, au raisonnement et en faisant des théologiens des « gourous » n’ayant pour seul but que d’enfermer les ignorants dans des schémas de pensée afin d’asseoir leur autorité, Spinoza se présente comme précurseur de ce siècle des Lumières au cours duquel les savants lutteront contre l’obscurantisme religieux et la superstition en mettant en avant la raison et la connaissance.

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