Cours sur le vivant Bac de philo
Par Matt • 28 Septembre 2017 • 1 332 Mots (6 Pages) • 783 Vues
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nous étudions : c’est le corps du lapin ! Son fonctionnement, son anatomie ! Comment explique-t-on la vie dans le corps ? La question philosophique reste entière.]
Ainsi se dessine la figure d’un Leibniz logicien, cherchant raison partout : tout est logique. Mais tout est vie aussi. Car la pensée n’est pas seulement pensée consciente : nous pensons toujours, mais nous n’avons pas toujours conscience de nos pensées. Leibniz insiste beaucoup sur le rôle des perceptions confuses, peu nettes, embrouillées. Il distingue ainsi les petites perceptions, trop menues pour qu’on en ait conscience, mais qui néanmoins font sur nous leur effet, et l’aperception qui est la perception vécue comme telle, la perception dont on a conscience. « La perception de la lumière ou de la couleur, par exemple, dont nous nous apercevons, est composée de quantités de petites perceptions, dont nous ne nous apercevons pas » (n" 3, p. 112). Pour entendre le bruit d’une vague, il faut bien qu’on entende les parties qui composent le bruit d’ensemble ; et pourtant on ne peut entendre le bruit trop menu d’une seule goutte d’eau : c’est dire qu’on perçoit le bruit de la goutte d’eau sans l’apercevoir, « puisque cent mille riens ne sauraient faire quelque chose » (n° 3., Préface). Ces petites perceptions expliquent le « je ne sais quoi » qui nous fait aimer une chose sans qu’on sache pourquoi ; elles expliquent aussi l’inquiétude qui nous met en mouvement (inquiétude qui n’est pas de la douleur, laquelle est consciente, alors que l’inquiétude est un sentiment vague). Nous sommes toujours traversés par une foule de petites perceptions inaperçues qui déterminent la tonalité de notre état, et nous maintiennent en relation insensible avec la totalité du monde. La pensée n’est donc pas seulement un froid calcul, elle est aussi inquiétude, pensée confuse, naissante et évanouissant. Sans doute la pure pensée divine est-elle idéalement « logique » ; il n’en va pas de même pour nous autres hommes. Notre pensée vit parce qu’elle se cherche sans cesse pour se connaître et s’éclaircir. Le monde leibnizien est une mathématique vivante, peu sûre d’elle-même et pourtant en route vers elle-même. C’est le second aspect du leibnizianisme : après le logicisme, qui voit la raison partout, le biologisme, qui voit la vie partout (y compris dans la raison). Et de fait, pour Leibniz, tout est vivant : le monde est plein de vies : « Chaque portion de la matière peut être conçue comme un jardin plein de plantes, et comme un étang plein de poissons. Mais chaque rameau de la plante, chaque membre de l’animal, chaque goutte de ses humeurs est encore un tel jardin, ou un tel étang » (n° 2,§ 67). N’entendons cependant pas « vie » en un sens purement biologique ou organique : la vie est recherche de soi par soi, recherche de sa propre perfection, c’est-à-dire de la coïncidence entre son concept et ce que l’on est (en ce sens, l’activité pensante du philosophe ou du savant est une des manifestations supérieures de la vie). La vie est mouvement vers la clarté et la précision : elle est force active, et non déroulement des jours. La vie, ce n’est pas le temps qui passe, mais quelque chose qui se passe. Il y a dans le morceau de marbre comme un effort pour devenir statue, et dans l’intelligence comme un effort pour devenir savoir : d’un extrême à l’autre de l’échelle des êtres, la vie est naturellement présente et agissante, et « il n’y a pas de mort à la rigueur » (cf. Nouvelle Anthologie philosophique, n° 11, p. 132).
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