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Analyse de l'exposition de Ruy Blas

Par   •  24 Août 2018  •  2 503 Mots (11 Pages)  •  838 Vues

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Personnage inquiétant, mauvais, machiavélique : la métaphore du puits sans fond (v34-36) évoque la noirceur insondable de son âme.

– Gudiel : plutôt une forme de précepteur ou de conseiller (vers 32 « Toi dont je suis l’élève »). Son épée annonce un statut supérieur à celui de Ruy Blas. Par ailleurs, son costume « noir » souligne sans doute sa ressemblance avec son maître.

– Ruy Blas : « Ruy Blas est en livrée. [...] Sans épée. », ce qui traduit son statut subalterne de simple domestique. Quasiment absent de la scène, il se caractérise par sa déférence, son obéissance et sa soumission ( didascalie : « Ruy Blas obéit, puis sur un signe de Don Salluste il sort », « s’inclinant », « Ruy Blas obéit » + marques de respect dans ses adresses à Don Salluste : « Votre excellence ? » v46, « Monseigneur » x2) : apparente servilité.

– L’intrigue : Don Salluste, disgrâcié et réduit à l’exil, ourdit une vengeance qu’il désire terrible. Notez les tournures hyperboliques à la fois dans l’expression de son revers de fortune et de sa déchéance (accumulation d’adjectifs v4 « renvoyé, disgracié, chassé », v5 « tout perdre en un jour ! », répétition « On m’exile ! On m’exile ! », anaphore « Vingt ans » v14-15, anaphore et parallélisme de construction « tout ce que » v19-20, énumération v21 « Charge, emplois, honneurs, tout .... » ) et de sa vengeance future (accumulation « sape obscure, profonde et souterraine » v29, « effrayant » v44). Ces procédés hyperboliques traduisent à la fois l’intensité de sa fureur et sa détermination.

c) les procédés de la séduction


Hugo entretient le mystère et laisse nombre de questions sans réponse afin de susciter l’interrogation du lecteur / spectateur et de le séduire. Il s’agit là d’un procédé de dramatisation.

– Le statut du héros, inconsistant et servile, relégué au second plan est source d’interrogation, de surprise : comment 
peut-il être le héros d’un drame entier ?

– D’autres interrogations demeurent à l’issue de cette scène :

– Quel est le projet de don Salluste ? Comment accomplira-t-il sa vengeance ? Y parviendra-t-il ?

– Qui est ce mystérieux personnage (le « drôle que tu sais » v40, « cet homme » v53) qui entre et que Ruy Blas 
semble connaître ?

– Pourquoi Don Salluste veut-il s’assurer que les « trois alguazils » sont éveillés ?

– Quel sera le rôle de Ruy Blas ? Pourquoi doit-il se trouver sur le passage de la Reine ?

III) Une exposition caractéristique du drame romantique rompant avec la tradition classique 


a) Une rupture annoncée dès le premier vers et le titre

– Première réplique indigne et révoltante pour les partisans du classicisme (« Ruy Blas, fermez la porte, - ouvrez 
cette fenêtre »), car prosaïsme (=qui est banal, commun, bassement matériel ou vulgaire, sans distinction) de la 
parole + statut de simple laquais du héros qui donne son titre à la pièce.

– Le titre de Ruy Blas appelle quelques commentaires :

– Dans la tragédie classique du XVII, le nom du personnage principal (de rang élevé, roi, reine ou prince, héros mythologiques, ...) donne souvent son titre à l’oeuvre (voir par ex. Phèdre, Andromaque, ... de Racine ; Médée, Le Cid, Horace pour Corneille)

– En revanche, la comédie classique qui met en scène des personnages d’une condition inférieure (bourgeois, petite noblesse, valets, ...) porte souvent pour titre le vice qu’elle dénonce (p. ex Molière avec L’Avare, Le Misanthrope, Les Précieuses ridicules, ...)

– Il s’agit donc ici d’ores et déjà d’une première rupture avec la tradition classique, puisqu’un simple laquais, Ruy Blas, le valet de Don Salluste, donne son titre à la pièce.

– On peut lire symboliquement cette rupture de diverses manières :

– la traduction dès le titre de la dualité profonde du héros (à la fois grand d’Espagne et laquais) qui traverse 
toute la pièce : « Sous l’habit d’un valet les passions d’un roi ! », I, 3

– la mise en place de la thématique de l’imposture, du déguisement (là aussi très présente dans la pièce) : Ruy 
Blas usurpe le titre de la pièce, comme il usurpera le rôle d’un noble espagnol.

– ou bien, la portée politique : l’ascension d’un homme du peuple au statut de personnage éponyme, traduisant 
alors les aspirations d’un peuple miséreux (cf. préface de Ruy Blas « Ruy Blas, c’est le peuple qui a l’avenir et qui n’a pas le présent ; le peuple [...] placé très bas et aspirant très haut »).

b) la « couleur locale » et l’Histoire

– Un élément est surprenant : l’importance de la première didascalie (plus de 20 lignes) qui tranche radicalement avec la tradition classique très avare en didascalies, quasiment absentes dans certaines pièces (en effet, pour les théoriciens du théâtre classique les dialogues devaient contenir toutes les informations nécessaires à la compréhension2).

– C’est qu’à l’inverse des tragédies classiques ancrées dans une forme d’intemporalité, le drame romantique cherche au contraire à inscrire le drame dans la vie réelle et l’Histoire. Il s’agit là d’une volonté de donner plus fidèlement l’illusion de la vie, de refléter sa complexité.

– Le drame romantique doit être le miroir de la réalité, une réalité proche des spectateurs (c’est ce qu’on appelle la 
« couleur locale »). C’est ce qui explique l’importance et la précision des didascalies sur le décor, les costumes, les déplacements des personnages. Ici on relèvera toutes les références à une Espagne réelle, avec un vocabulaire exotique (« alcades », « alguazils », « Castille ») et les noms aux sonorités hispaniques (« Ruy Blas », « Don César », « Gudiel »)

– En outre, la longue didascalie initiale offre deux références historiques temporelles précises (« du temps de Philippe IV », « costume de cour du temps de Charles II ») qui renvoient à la monarchie espagnole de la fin du XVII siècle. Le spectateur est donc plongé dans l’actualité de l’époque. 


c) le mélange des genres

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