Travail de Fin d'Année
Par Stella0400 • 4 Septembre 2018 • 12 967 Mots (52 Pages) • 572 Vues
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« Non, je préférerais que ce soit une dame ou une demoiselle...» voilà une phrase que j'ai entendue plusieurs fois au cours de mes différents stages en tant qu'étudiant infirmier. Afin de mieux comprendre cette demande et d'améliorer ma pratique professionnelle, le thème de la place de l'infirmier homme dans sa relation au patient s'est imposé presque naturellement comme sujet de mon mémoire, tant la remise en questions entraînée par le refus ou la gêne d'une patiente m'a fait plusieurs fois réfléchir sur ma façon de faire.
En tant qu'étudiant, il est presque toujours possible de « passer le relais » ou de laisser faire notre infirmière lors de certains soins ou situations délicates, mais dans quelques semaines nous serons diplômés. Devenus professionnels nous allons être responsables de notre service et des soins à réaliser aux patients. Nous ne pourrons plus demander de l'aide aussi facilement. Les expériences que j'ai vécues au cours de ces derniers mois et les interrogations qu'elles ont soulevées m'ont décidé à mener une recherche sur ce qui pouvait expliquer la gêne des patients et parfois leur refus exprimé pour certains soins afin de mettre en évidence les recours que nous avons pour faire face à ces situations.
Sur 515754 personnes exerçant la profession infirmière, 450673 sont des femmes soit 87.04% de l'effectif selon la FNESI[2] en 2011 : force est de constater que les hommes ne représentent qu'une minorité dans les soins infirmiers (12.6%). En tant que futur professionnel appartenant à cette minorité, je m'interroge, à travers ce travail sur ce phénomène afin d'en préciser les répercussions sur la relation soignant/soigné avec une personne de sexe opposé.
Dans un premier chapitre je vais tout d'abord identifier le problème de recherche et le confirmer par l'enquête exploratoire avant de poser ma question de départ. Le second chapitre me permettra de développer les différents concepts pour arriver à la question de recherche. Dans le troisième chapitre, je formulerai l'hypothèse que je vais ensuite soumettre à l'épreuve des faits. Je présenterai les résultats de l'enquête avant de conclure par une mise en perspective.
I. La problématique pratique : le postulat de base
- Identification et formulation du problème de recherche
Poser un questionnement sur une pratique professionnelle n’est jamais chose simple, la problématiser l’est encore moins, cependant afin de pouvoir être des professionnels compétents dans un panel de domaines, il convient de faire des recherches approfondies sur une situation vécue qui nous a questionnés. Afin de mieux cibler mon objet de recherche, je vais tout d’abord partir du récit d’une situation rencontrée lors d’un stage au cours de ma formation, puis je préciserai tout au long de mon travail l’évolution de mon cheminement réflexif afin de recentrer mon questionnement de départ sur un aspect plus pratique en lien direct avec la réalité du terrain.
1.1.1 Situation clinique en lien avec une expérience professionnelle vécue pendant un stage
Dans le cadre d’un stage de deuxième année (semestre 3) en service de chirurgie générale dans une clinique de Marseille je me vois confier par l’infirmière (IDE) une patiente pour son aide à la toilette et à l’habillage suivi de la réfection de ses pansements de cœlioscopie à J2 de son intervention. Etant en stage depuis huit semaines j’ai une connaissance correcte des soins réalisés dans ce service, soins que j’ai déjà exécutés en autonomie.
J’entre dans la chambre double, je vois deux jeunes filles, je me présente, leur demande si elles ont besoin de quelque choses puis j’effectue la prise des constantes. Jusque là tout va bien. J’explique ensuite à la patiente côté fenêtre ce que je vais faire c’est-à-dire l’aider à se lever, aller au lavabo, s’habiller puis faire la réfection des pansements. La patiente a eu l’air surprise et me demande si c’est moi qui allais faire tout ça ? Je lui réponds que oui. Voyant son air inquiet j’essaie de la rassurer en lui expliquant le déroulement de chaque soin et que je maîtrise tout cela.
J'essaie de la rassurer sur le ton de la plaisanterie en lui disant que j’ai l’habitude, que je suis un professionnel, que j’ai reçu une formation pratique pour chaque soin. Mais elle m’arrête et me dit: « non, je ne veux pas que ce soit vous ». Je lui demande alors pourquoi ? Elle me répond que c’est parce que je suis un homme. A ce moment là je décide d’aller chercher l’infirmière : mais celle-ci est débordée et me dit de me débrouiller puisque c’est ma patiente.
De retour dans la chambre, je reprends mon explication en lui disant qu’on est débordé et que je suis obligé de faire ses soins. Mais son refus est catégorique, et finalement c'est l’étudiante infirmière qui est venu s’en occuper.
Suite à cette expérience, je me suis posé beaucoup de questions :
- était-ce à cause du fait que je sois un homme ? problème de relation, de pudeur et d’intimité.
- était-ce parce que j’étais jeune et elle également ? problème relationnel.
- était-ce à cause de sa religion ? problème culturel.
- remettait-elle en cause mon apprentissage ou ma compétence en tant qu’étudiant ? sentiment de peur ou d’appréhension.
Je n’ai pas été satisfait de ma prise en charge de cette patiente, je me suis questionné toute la journée et me suis retrouvé un peu intimidé par la suite dans ma relation aux autres patientes.
Ce problème s’est posé plusieurs fois tout au long de mon parcours, il continue à m’interroger d'autant que certains de mes collègues ont eu une expérience similaire dans leur parcours d'étudiant.
1.1.2 Le lien avec la pratique professionnelle
Le métier se masculinise depuis quelques années. Face à un nombre croissant d’infirmiers hommes, les rapports soignant-soigné, même s’ils ne devraient pas être modifiés par cette évolution, s’en retrouvent quand même touchés.
Il me semble important de réfléchir à cette difficulté, qui n'est pas une situation exceptionnelle, et qui peut avoir des conséquences sur les rapports entre soignant et soigné
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