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Les frontières ont-elles encore un sens?

Par   •  12 Juin 2018  •  2 921 Mots (12 Pages)  •  670 Vues

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frontières permettent d’ordonnancer le monde et selon Postel-Vinay, les frontières permettent les relations internationales.

Cette importance de la frontières se traduit par le principe de l’uti possidetis (principe d’intangibilité des frontières). Il laisse peu de place à des modifications de frontières lors de successions d’États, le régime juridique des traités de frontière parachève la carapace juridique qui fait de la frontière un concept très protégé par le droit international. Le but est alors de contenir les imperium étatiques au sein d’espaces strictement définis et dont la remise en cause est quasi impossibles.

L’idée récemment réapparue de terrae incognitae qui suggère une vacance de pouvoir sur certains territoires n’a pas place dans cette société internationale où tout espace relève nécessairement de l’un de ces États également souverains. Etat et territoire sont liés en droit international : il n’existe pas d’Etat sans territoire, et pas de territoire sans Etat hormis quelques exceptions comme l’antarctique.

Selon Merle, décréter l’abolition du territoire, c’est « saper l’un des fondements sur lesquels repose, traditionnellement l’État-nation ». Partout où l’État moderne s’est implanté, il a marqué de son empreinte une fraction de l’espace sur laquelle l’autorité en place revendique « l’exclusivité de la compétence » ou encore, pour reprendre l’expression classique de Max Weber, « le monopole de la violence légitime ».

La disparition du « territoire » entraînera, ipso facto, celle de l’État, et la disparition des États entraînera, à son tour, celle d’un ordre politico-juridique fondé sur les rapports entre collectivités étatiques. Les frontières ne sont pas seulement constitutives d’un Etat, elle en détermine l’existence.

L’État est encore la forme la mieux adaptée à la représentation de l’identité et à la défense des intérêts de ses ressortissants. « C’est l’État qui doit toujours sortir vainqueur. Sinon, il n’y a plus d’État, donc il n’y a plus de Nation » (B).

B. La nécessité des frontières pour la Nation: le sentiment d’appropriation d’un espace déterminé.

La doctrine soviétique de l’Etat fluide, a tenté d’amoindrir la valeur essentielle des frontières, tout comme le libéralisme et les mouvements mondialistes. Malgré cela, la frontière n’est pas fondamentalement remise en cause. Toute société à besoin de frontière, d’appropriation d’un espace. Historiquement la délimitation d’une frontière est sacrée. Dès l’Antiquité les textes des accords frontaliers étaient déposés dans des sanctuaires : les dieux devaient sacraliser ce que les Hommes ne pouvaient respecter.

Une Nation a besoin de repère et d’appropriation. La frontière participe donc à la création de la communauté citoyenne selon l’expression de D. Schnapper : tous unis au sein d’un même espace. Polet dans son ouvrage « Qu’est ce qui nous unit », caractérise cette affection à un espace par la notion de terroir. Le terroir engendre un attachement sensible. Selon lui, « le terroir s’adresse à l’enfant, l’Etat à l’adulte ». L’Etat est objet de respect, de fidélité, éventuellement de dévouement. Le terroir, lui, n’existe que par l’attachement affectif que lui vouent ceux qui sont ses enfants. L’Etat englobe l’ensemble de ces terroirs, ce qui prouve bien que le peuple a un besoin d’attachement à un espace délimité et défini.

Les frontières montrent ce besoin de se regrouper en un territoire donné, mais la frontière est également un facteur de ségrégation, de clivage par rapport aux territoires extérieurs. Kant évoque la notion d’insociable sociabilité comme définissant l’Homme dans un ouvrage « Projet de paix perpétuelle » publié en 1795. L’Homme a une tendance à la fois à s’associer, et à se distinguer. La frontière remplit parfaitement ce rôle : elle permet de regrouper les individus, de les associer en une communauté et en même temps de les fédérer, les dissocier du reste du monde. Constant considère que la frontière caractérise le besoin de disposer d’un espace propre, intime au cœur même de la liberté des modernes. L’exemple d’Israël montre bien la nécessité pour un peuple de posséder un territoire précis et particulier avec des frontières précises.

La crise des migrants illustre également cette volonté d’appartenance à un territoire. Les personnes sont dépossédées du leur du fait des crises qui touchent leur territoire. Ces pays ne sont plus générateurs de protection économique, juridique. Ils cherchent alors un nouvel attachement en Occident. Cependant les migrants se heurtent à des frontières fermées et hermétiques. Il existe une frontière nord sud immatérielle mais impossible à franchir en pratique. Cette frontière est matérialisée par une inégalité de richesses flagrante. Les pays d’accueils sont fantasmés par ces exilés, mais ils se heurtent au replis de plus en plus fort des Etats sur eux mêmes.

Les frontières font partie intégrante de la définition d’un Etat, or le contexte géopolitique, culturel, économique tend à remettre en question la forme des frontières telle qu’établie aujourd’hui. La notion d’Etat subirait alors aussi des modifications, sinon des inflexions. (II)

II. Le renouveau de la notion de frontière dans un contexte mondialisé.

Flory M. dans « Le couple Etat-territoire en droit international contemporain » parle de village mondial. La forme actuelle des frontières est bouleversée par toutes les conséquences qu’engendre la mondialisation. (A) ; ainsi que par la superposition des cercles de souveraineté au sein d’un même Etat (B).

A. La dématérialisation progressive des frontières.

Les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) permettent la dématérialisation des frontières de part la vitesse de communication. Les distances deviennent inexistantes et les frontières s’effacent. Internet permet d’avoir accès à une source d’information quasi illimitée et uniformisée à n’importe quel endroit du globe. Les barrières de langues tombe du fait des traductions automatiques. Les médias nationaux n’ont plus le pouvoir de contrôle qu’ils détiennent sur les modes d’information classiques (comme la TV ou les journaux). L’information numérique devient mondiale et se propage en temps réel sans réels filtres.

Georges Scelle, après avoir dénoncé l’obsession territoriale, souhaitait le dépassement

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