Laïcité et liberté religieuse
Par Matt • 11 Mai 2018 • 4 310 Mots (18 Pages) • 495 Vues
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La liberté religieuse n'existe effectivement que si ses différentes composantes sont prises en compte et protégées. Elle comporte une dimension individuelle qui implique la liberté de croire ou de ne pas croire en une religion, la liberté d'exprimer ses convictions religieuses, qui peut s'analyser comme un aspect de la liberté d'expression, mais rentrant également dans le cadre plus large de la liberté de culte et la liberté d'agir conformément aux indications de sa conscience. La liberté religieuse comporte également une dimension collective, car l'expression des convictions religieuses amène en général les croyants à se réunir, à se livrer à un culte. Ainsi, la liberté religieuse, dans sa dimension collective, implique la liberté pour les fidèles de se réunir, de s'associer, et la liberté d'organiser le culte et de le célébrer. Ainsi, un Etat laïc doit nécessairement placer ses citoyens sur un pied d’égalité. La laïcité implique que chacun puisse pratiquer sa religion comme il l’entend, et que chaque religion bénéficie des mêmes droits que les autres pour l’exercer. La liberté religieuse est qualifiée comme une des assises de toute société démocratique, c’est l’une des manifestations essentielles du pluralisme d’idées. L’Etat doit donc être respectueux de la diversité des convictions religieuse, cela est vu donc comme une garantie essentielle de la liberté et de l’indépendance de l’être humain selon un arrêt de la CEDH, Kokkinakis c/ Grèce du 25 mai 1993. C’est pourquoi, en 2004, le conseil constitutionnel rapporte que la laïcité doit se décliner en trois principes : la neutralité de l’Etat, qui n’a donc pas à s’impliquer au bénéfice de telle ou telle religion, la liberté religieuse, qui implique le choix pour chacun de pratiquer, d’adhérer ou pas…, et le respect du pluralisme, impliquant de ce fait le respect de chaque religion et de tous les individus, fidèles d’une religion ou non. Cela implique donc que toute religion puisse exister et se développer, que tout individu puisse bénéficier, quelles que soient ses convictions, des différentes composantes de la liberté religieuse, sur un pied d’égalité.
Bien que la laïcité soit nécessaire pour que soit appliquée la liberté religieuse, elle peut aussi parfois en constituer une entrave.
- La laïcité, possible entrave à la liberté religieuse :
La laïcité impose parfois la mise en place de restrictions à la liberté religieuse, notamment dans la sphère publique (A), et ces deux principes peuvent faire l’objet parfois de conciliations sujette à discordances (B).
- La laïcité : des restrictions à la liberté religieuse dans la sphère publique :
Dans un Etat laïc, la liberté religieuse peut parfois être restreinte du fait de l’application de cette laïcité. Normalement, la liberté religieuse entraine le droit pour les individus de manifester ses convictions religieuses, droit pouvant être prohibé. En effet, dans un arrêt Leyla Sahin c/ Turquie, du 10 novembre 2005, la CEDH reconnaît que le port du voile sur le campus par une étudiante turque constitue la manifestation d’une conviction et que son interdiction constitue une ingérence dans l’exercice du droit de manifester sa religion. Mais elle admet que lorsque se trouvent en jeu des questions sur les rapports entre l’Etat et les religions, sur lesquelles de profondes divergences peuvent raisonnablement exister dans une société démocratique, une importante marge d’appréciation doit être laissée aux Etats. Elle juge donc, qu’en l’espèce, l’interdiction du port du foulard, eu égard au principe de laïcité tel qu’interprété par la Cour constitutionnelle turque, ainsi qu’aux valeurs de pluralisme et d’égalité entre les hommes et les femmes, était légitime. Concernant en France la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, cette loi ne concerne pas explicitement la liberté religieuse mais son application a été contestée devant la CEDH par des personnes manifestant leur appartenance religieuse notamment par le port du voile intégral. La CEDH a estimé que cette loi ne portait pas atteinte à son article 9 en soulignant que la préservation des conditions du vivre ensemble était un objectif légitime à la restriction concernée qui laissait une grande marge d’appréciation à l’Etat, selon l’arrêt SAS c/ France du 1er juillet 2014.
Ainsi, dans la sphère publique, la liberté religieuse peut être limitée par des exigences d’ordre public. Aussi, en France, il existe une obligation de neutralité des agents publics. Les agents publics peuvent se prévaloir de la liberté de conscience découlant de l'article 10 de la DDHC et du préambule de la Constitution de 1946. Toutefois, le principe de laïcité de la République ayant pour corollaire le principe de neutralité des services publics, il fait obstacle à ce que les agents disposent du droit de manifester leurs croyances religieuses dans le cadre de leur activité. Cette exigence de nature constitutionnelle est commandée par la nécessité de garantir les droits des usagers des services publics, et ne méconnaît ainsi pas le droit au respect de la liberté religieuse garanti par l'article 10 de la DDHC et l'article 9 de la CEDH. Dès lors, un agent public, quelles que soient ses fonctions, ne peut pas manifester ses croyances religieuses en portant un signe destiné à marquer son appartenance à une religion, selon un arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles du 21 mars 2013. Ainsi, bien que ces restrictions n’aient pas été jugées contraires à la liberté religieuse, on peut considérer qu’au nom de la laïcité, une certaine atteinte y est tout de même portée. De plus, laïcité et liberté religieuse étant par principe les corolaires de l’égalité, on peut se demander si cette distinctions entre les individus, agent de l’Etat, et les autres, ne constitue pas une rupture d’égalité entre les citoyens face à la liberté religieuse.
L’application de la laïcité et de la liberté religieuse est de ce fait parfois sujette à des discordances.
- Laïcité et liberté religieuse, une conciliation sujette à discordances :
Parfois, la distinction entre sphère privée et sphère publique peut être délicate à mettre en œuvre. En France, un article de la réforme sur la « loi travail » proposée par la ministre du travail dispose que « La liberté du salarié de manifester ses convictions, y compris
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